Certes une victoire électorale législative se mesure au résultat obtenu, ici par le nombre important de députés macronistes LREM. Cependant quand un nouveau pouvoir prétend remettre fondamentalement en cause des droits sociaux régissant la vie quotidienne de millions de citoyens depuis un siècle et conquis par la lutte souvent au prix du sang et des larmes, quand il prétend rogner nos libertés publiques et individuelles en voulant introduire dans le droit commun les dispositions de l’état d’urgence, et indépendamment des tares antidémocratiques de notre Constitution qui génère notamment une telle vague monocolore pour le parti arrivé en tête, le seul critère du résultat obtenu n’apparait pas suffisant ni pertinent pour légitimer l’action gouvernementale. Afin que cette situation légale soit pleinement légitime il aurait été nécessaire et même recommandé que ce résultat en nombre de députés fût adossé à une très large participation qui est alors le seul item qui aurait pu accorder un socle de consentement à de telles remises en cause. Or ce n’est pas le cas, loin s’en faut.
Jamais en France depuis que des élections législatives existent, l’abstention n’avait atteint un tel niveau : 57% soit 27 millions de citoyens lors du second tour. Autrement dit le choix majoritaire qui a été légalement enregistré ne s’adosse que sur 43% de français participants soit 20 millions d’électeurs sur 47 millions d’inscrits, sachant que parmi ces participants on relève près de 2 millions de blancs et nuls, soit donc à peine 18 millions de suffrages valablement exprimés.
Le parti LREM qui veut détruire notre droit social et amoindrir nos libertés n’obtient que 43% de ces suffrages valablement exprimés soit 7,8 millions de voix à ce second tour (7 millions au premier tour) soit 16,60% des inscrits. NON, ce gouvernement n’a pas la légitimité pour mener à bien son entreprise liberticide et de destruction sociale. Il devrait faire très attention à ne pas se tromper dans l’analyse de cette abstention massive. Ce qui est sûr c’est qu’en aucun cas elle ne correspond à du désintérêt ou du je-m’en-foutisme !
Par ailleurs cette Assemblée Nationale n’est pas représentative des forces politiques réelles du pays. Là apparait l’effet d’amplification dont bénéficie tout parti arrivé en tête lié à l’effet 5ème République. C’est le phénomène du scrutin majoritaire à deux tours qui s’est aggravé sous l’effet de deux modifications qui n’ont aucun lien dans leur mise en œuvre : l’inversion du calendrier entre présidentielle et législatives d’une part et l’instauration du seuil des 12,5% des inscrits que ceux arrivés en 3ème ou 4ème position doivent atteindre pour pouvoir se maintenir au second tour d’autre part. L’inversion du calendrier a accentué le rôle primordial de l’élection présidentielle qui donne le « la », qui prend tout le souffle de l’implication citoyenne et qui finalement pousse ensuite à donner une majorité législative au président fraîchement élu d’une part et démobilise les électeurs pour ces législatives d’autre part. Le seuil de 12,5% des inscrits, qui est quasiment impossible à atteindre surtout avec un taux d’abstention énorme, impose aux seconds tours des duels ce qui favorise les candidats du président. Antérieurement ce seuil était non seulement plus bas (10%) mais en plus il s’appliquait aux exprimés, ce qui facilitait l’accès au second tour pour les candidats arrivés en troisième et quatrième position.
Ainsi nous avons un parti En Marche/Modem qui avec 33% de voix au premier tour des législatives dispose de 61% des sièges de députés !
Je rappelle, puisque la présidentielle est l’élection reine, que la vraie photographie politique du pays c’est quatre forces politiques dans un mouchoir de poche entre 20 et 24% et que le second tour de cette présidentielle a été caractérisé par un vote par défaut qui a consisté à voter contre le FN. En aucune façon 64% des français n’ont approuvé le programme de Macron.
Alors notre président jupitérien aurait-il obtenu une victoire à la Pyrrhus avec cette énorme perte d’implication citoyenne dans la participation démocratique aggravée par une forte absence d’adhésion à son programme pour ceux qui se sont exprimés ?
Je pense que oui et la réussite de la contre-offensive dépendra de l’ampleur et de la force des mobilisations sociales et citoyennes. Seront-elles préventives ou devra-t-on attendre que les gens se rendent compte des effets désastreux de la politique annoncée ? Réponse, bientôt.
La 5ème République dont le contexte de naissance l’infectait déjà d’une forte connotation dictatoriale, produit donc des effets antidémocratiques aggravés par les différentes modifications qui se sont succédées, modifications voulues par les tenants du système politique et décidées dans l’entre soi afin de se maintenir au pouvoir, sans intervention du peuple pour la plupart d’entre elles. Ce sont une constitution et une république qui au fil du temps n’ont fait qu’aggraver la distanciation des citoyens à l’égard de la politique en repoussant le peuple par peur de celui-ci. Cette distanciation n’est en effet pas seulement due aux promesses non tenues, elle est volontairement menée par ceux qui ont dirigé jusque-là. Aujourd’hui nous avons atteint une sorte de paroxysme dû à l’effet additif de l’action médiatique au service de ce système, un effet conjugué aggravant. Ce à quoi nous venons d’assister justifie et démontre d’une manière absolue et impérieuse la nécessité de refondre totalement nos institutions par la mise en place d’une VIème République qui redonne le pouvoir réel aux citoyens contrairement à l’éditorial béat d’admiration pour cette Constitution déclamé par Thomas Legrand sur France Inter ce matin du 20 juin 2017.
Ce rappel d’une des parties essentielles du programme l’Avenir en Commun porté par Jean-Luc Mélenchon, me permet de dire quelques mots sur le résultat de La France Insoumise et de l’avenir prometteur qui s’ouvre devant nous.
Malgré le bombardement médiatique anti Mélenchon (remarquez toujours sur la personne, jamais sur le programme, sans doute inattaquable), malgré l’annonce ferme de 450 députés LREM par des médias qui se sont fait volontiers le relais de la projection d’un mensonge avéré, et malgré l’annonce de la quasi disparition de notre mouvement, voilà que La France Insoumise, dans ce contexte très difficile, réalise finalement un beau score, même les commentateurs acceptent de s’arracher la bouche en disant que c’est le mouvement qui tire le mieux son épingle du jeu.
La France Insoumise stricto sensu obtient 17 députés et constitue donc un groupe parlementaire, ce qui était crucial. C’est un mouvement en dynamique qui ambitionne à être sans concession l’opposition humaniste, sociale, écologique au gouvernement actuel autour de laquelle devraient s’agréger tous les opposants au coup d’état social en préparation. Compte tenu des virulentes attaques ad hominem visant JLM, je tiens ici à saluer son formidable score de 60% dans la 4ème circonscription de Marseille contre la candidate LREM.
Le PCF obtient 10 élus et ne peut donc constituer un groupe mais conserve le même nombre de députés qu’en 2012. Il serait souhaitable que ces 10 députés intègrent le groupe parlementaire de La France Insoumise malgré les dissensions fortes qui ont pu exister, sachant qu’une règle commune doit être suivie et respectée par tous pour une action claire et cohérente. Il semblerait déjà que ce minimum soit nié par l’inénarrable Chassaigne qui régurgite le fiel de la discorde en disant « refuser de se faire caporaliser » par Mélenchon (encore une pique ad hominem, jamais le fond). C’est sa réponse aux propos d’ouverture et d’accueil prononcés par JLM. Peut-être pense-t-il réussir à débaucher quatre députés socialistes pour pouvoir faire un groupe autonome ? Attendons de voir ce qu’il va advenir avant d’émettre un avis argumenté. Seule la cohérence sur le fond portée par la dynamique populaire à l’élection présidentielle doit primer d’autant plus qu’on ne sait toujours pas, sur les 29 députés étiquetés PS, combien vont décider de soutenir Macron et combien vont vraiment rester à gauche.