Ah, c’était pourtant bien parti dans les discours d’En Marche et du Président avant qu’il ne le soit. On allait voir ce qu’on allait voir : certes on annonçait accessoirement pourrir la vie des simples gens avec la casse du code du travail mais on promettait d’assainir, de moraliser la vie politique afin de récupérer la confiance perdue des citoyens. Nonobstant le contenu du projet de loi, comment peut-on penser recréer de la confiance avec des citoyens que l’on aura préalablement appauvris et précarisés ? Au-delà de ce contraste saisissant à venir, la vraie question sur ce dossier précis est, à cette heure, la suivante : nonobstant donc le contenu du projet de loi dont on ne connait pas les détails (et chacun sait que c’est dans les détails ou dans leur absence que se cache le Malin), n’est-on pas légitimement porté vers un trouble à faire douter sérieusement de la sincérité et de l’efficacité du projet quand on porte attention à la situation « morale » justement dans laquelle se trouve bon nombre d’initiateurs ou d’artisans gouvernementaux, et non parmi les moindres, du dit projet ?
Dans ce dossier, le plus comique, si on peut dire, réside dans le fait que celui qui devait porter ce projet, F Bayrou, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, et qui avait fait de l’acceptation de ce projet de moralisation par Macron la condition sine qua non de son soutien au candidat En Marche et de son entrée au gouvernement, est lui-même touché et enseveli par une affaire d’assistants parlementaires payés par nos impôts mais travaillant pour son parti, le MODEM. C’est comme si Goupil vous proposait de garder votre poulailler ! Voilà qui fait tache, mais une tache qui a pris de l’ampleur avec également l’implication de Marielle De Sarnez et de Sylvie Goulard, membres du MODEM et respectivement ministre chargée des Affaires Européennes et ministre des Armées, au moment des mises en cause.
Ces trois ministres ont quitté leur fonction (ou ont été virés). Il n’en reste pas moins que De Sarnez a tenté d’atterrir en tant que présidente du groupe MODEM à l’Assemblée. En vain, mais cette tentative montre combien ce type de sujet est important pour elle. On entend dire après coup que ces sanctions seraient la preuve d’une vraie volonté de transparence et de moralisation. Là-aussi on peut en douter sévèrement car non seulement ces sanctions auraient dû être prises entre les deux tours des législatives mais encore ce dossier était déjà connu bien avant les législatives même si les « grands » médias étaient très peu loquaces. (quand je dis « grands » médias, je parle en terme de puissance financière, certainement pas en terme d’éthique, de compétence ou de courage). Voilà donc une affaire réglée le plus techniquement du monde (ironique) grâce à la constitution du gouvernement Philippe II suite au second tour des législatives. Quoi de plus naturel en somme !
Cela me permet une bonne transition vers le « Maréchal » Ferrand Richard d’En Marche, celui qui est reconnu comme le grand gourou organisateur de ce mouvement, et qui a aussi été une « victime » technique de la composition du nouveau gouvernement. Son cas demande une attention particulière car il est au cœur du dispositif macronien : non seulement il a géré l’organisation du mouvement ainsi que la campagne d’E. Macron mais il a également supervisé au détail près l’investiture de tous les candidats En Marche pour les législatives. S’il a préempté ces nouveaux venus à son image, il y a du souci à se faire ! Voilà un responsable politique éminent, cheville ouvrière de la construction de la « macronie » qui est impliqué dans une affaire financière et immobilière dont la gravité s’étend tous les jours et qui a débuté bien avant la présidentielle. Il a pourtant été nommé ministre, maintenu jusqu’après le second tour des législatives et le président, son ami si cher, lui a trouvé un point de chute d’une grande importance stratégique : la présidence du groupe LREM à l’Assemblée Nationale. Où est l’esprit de moralisation ? Si la candidature de Marielle de Sarnez à la présidence du groupe MODEM a été rejetée par ses députés, le parti du Président passe outre et accepte un mis en cause dans une affaire comme président de groupe. Quelle farce ! R Ferrand emploie la même argutie que Fillon : « il n’y a rien d’illégal » dit-il, ce qui par ailleurs reste à prouver. Le fait que des électeurs ballots lui ait permis d’être élu député n’amnistie en rien son forfait, d’autant plus que le Canard Enchaîné vient de publier de nouvelles révélations qui aggravent son cas. Par ailleurs on apprend que l’AFP a fait de la rétention d’informations essentielles dans l’appréciation citoyenne qui devrait être portée sur son dossier afin de ne pas gêner Macron. L’AFP prendrait-elle la Tass ? Il apparait objectivement que ce personnage ne peut en aucun cas représenter l’idée d’un retour de la confiance en la politique. Bien au contraire, il permet au processus de destruction de se poursuivre. A la vue de ce constat certains pourraient s’inquiéter du fait qu’il est en quelque sorte en charge de conseil, de formation, d’orientation voire de maternage de tous ces « petits jeunes » ou nouveaux, vierge de ce monde politique où tant de choses sales s’égrainent depuis des lustres et que cette « innocence » soit pervertie. Abordons donc également ce point en quelques mots.
Oh sûrement que parmi les 310 députés de LREM il y a des gens honnêtes. Mais ne nous trompons pas sur l’effet déformant d’une propagande mettant un signe égal entre le fait que la plupart de ces députés est issue de la société civile sans avoir jamais eu affaire avec le monde politique et leur virginité morale ou pénale.
Il suffit de s’intéresser de près à ce que les « grands » médias ont volontairement tu mais que la petite presse régionale ou les réseaux sociaux ont essayé de dénoncer. De nombreux candidats LREM dont certains ont été probablement élus, ont eu affaire ou vont avoir affaire à la justice pour quelques malversations et autres détournements ou bien pour avoir tenu des propos condamnés par la loi. A l’aune de ces éléments la place de Ferrand à la tête du groupe n’est donc pas spécialement incongrue : ce qui est incompréhensible c’est que la majorité de ce groupe sûrement sans reproche à ce jour ait pu accepter un tel président ! Premier indice de godillots.
Ceci dit ces députés issus de la société civile ne peuvent être systématiquement vierges de toutes fautes. Ils ont un passé et un profil d’activités qui risquent aujourd’hui de provoquer de graves conflits d’intérêts entre d’une part ceux liés au contenu de la dite activité et/ou de l’entreprise avec lesquelles ils ont pu garder des liens et d’autre part ceux, généraux, de la collectivité nationale la plupart du temps discordants. Les lobbyistes, avocats d’affaires ou entrepreneurs étant très nombreux dans cette majorité, le risque est démultiplié. A voir..
Chacun comprend bien que la moralisation de la vie politique ou la réinstauration de la confiance des citoyens envers le monde politique n’impacte pas seulement l’aspect financier. La parole politique, l’accord entre les actes et cette parole, le respect par lui-même de ce que l‘élu a dit, sont tout aussi importants pour que la confiance revienne. Et là ce n’est pas gagné, loin de là. Des exemples significatifs mais qui illustrent parfaitement ce qu’est et sera le pouvoir macronien, nous ont sauté à la gorge.
Bayrou qui a toujours tenu un discours ferme sur la transparence en politique est pris au filet. Mais ce n’est pas tout. Il faut se souvenir des propos très violents tenus contre Macron quand ce dernier balbutiait son projet pour tenir dans la foulée des propos pitoyablement élogieux. Je pense également à Bruno Lemaire qui s’est comporté à l’identique.
Je ne peux éviter l’inénarrable M. Valls qui s’est comporté comme un vrai félon envers ses amis (anciens aujourd’hui) et qui a montré à plusieurs reprises combien il vomissait sur sa propre parole et ses engagements (Cf la primaire de feu le PS) éclaboussant ainsi les français d’une gerbe nauséabonde. Aujourd’hui s’ajoute de lourds soupçons de fraude électorale au sujet de laquelle existent des indices graves et concordants (un recours a été déposé). Tel un insecte rampant, rejeté de partout, il supplie le groupe En Marche d’accepter qu’il s’assoit auprès de lui. A la place de Macron je me méfierai…
Le meilleur pour la fin : François de Rugy, tout un poème, cette grande figure d’opportunisme politique dont le seul but a toujours été d’obtenir les meilleurs postes possibles. Finalement aujourd’hui il doit rugir de plaisir après avoir tant rugi d’impatience et avoir trahi ses amis écologistes. Il s’est enfin PLACE contrairement à son ami Vincent au nom pourtant prometteur ! Plein d’orgueil et d’arrogance il vient donc d’être élu président de l’Assemblée Nationale sous une salve d’applaudissements des playsmobil debout. Mais, oh.. horreur, il y a 17 députés sans cravate qui n’applaudissent pas et qui ne se lèvent pas. Et bien finalement ça se remarque plus que les 560 moutons polis, respectueux, obéissants, tout ça, tout ça.. La machine médiatique macronienne se met alors En Marche pour vilipender et condamner ces malotrus qui ne respectent rien.
Je passe vite fait sur l’histoire de la cravate. Au-delà du fait que rien n’oblige à la porter, il y a dans le refus de cette déco un aspect symbolique plus que respectable : en ces circonstances, rappeler de cette manière les sans-culotte de 1789, désignés ainsi car ils ne portaient pas les beaux habits (dont la culotte) des nobles, correspond tout à fait à la démarche de La France Insoumise.
Les médias macronistes ont surtout pété les plombs sur le fait que nos députés sont demeurés assis et n’ont pas applaudi de Rugy au moment de la proclamation de son élection au poste de président de l’Assemblée. La presse s’est déchaînée en accusant les insoumis d’irrespect et d’anti républicanisme. Pauvre presse aux ordres et amnésique sur ce qui l’arrange.
Du respect pour de Rugy ? Mais comment peut-on respecter un tel personnage qui comme M Valls est une véritable girouette s’orientant dans le sens du vent qui balaie toutes convictions et trahissant sa propre signature et ses propres paroles sur son engagement à soutenir le vainqueur de la primaire socialiste à laquelle il avait participé ? Son cas est, pourrait-on dire, pire que celui de Valls à cette heure car la Nation vient de le propulser à la présidence de l’Assemblée Nationale, et, de ce seul fait, un parjure est devenu désormais quatrième personnage de l’Etat !
Il apparait à cet instant, même si les micro-détails ne sont pas connus, que ce projet de loi va se trouver très en deçà des promesses faites, sans doute que les profils ci-dessus évoqués doivent avoir eu quelques effets sur cette moralisation en berne.
Le régime de retraites des parlementaires hyper avantageux, dont on avait promis la disparition au même titre que les autres régimes spéciaux, sera maintenu.
L’obligation de fournir un casier judiciaire vierge par tous les candidats à une fonction politique passe à la trappe.
Les conflits d’intérêts vont encore prospérer. En effet, toute activité pouvant impliquer ce type de conflit, pourra être conservée par l’élu si cette activité est pratiquée depuis plus d’un an avant l’élection.
Finalement, peut-on moraliser la Vème République ? A partir du moment où nous restons dans le cadre politico-économico-médiatique actuel dont cette Vème République est l’architecture institutionnelle de soutènement, la réponse à cette question est la même que celle apportée à une autre question posée du temps de Sarkosy, notamment après la grande crise de 2008 : peut-on moraliser le capitalisme ? …. NON !
La confiance populaire ne pourra revenir que lorsque le peuple sera réellement impliqué dans la vie politique. A ce jour seul le programme l’Avenir en Commun avec son volet sur l’instauration d’une VIème République qui mettra notamment en place la révocation des élus en cours de mandat ou la proportionnelle aux élections par exemple, porte cet espérance.
Sous nos yeux, la Vème poursuit sa terrible agonie monarchique avec un Congrès à Versailles sans aucune utilité, uniquement du fait du prince. Les Insoumis sans-cravates le boycotteront