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Billet de blog 27 novembre 2024

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OBIE WEATHERS : CRÉER EN PRISON

Obie Weathers a 43 ans. En 2001, il est condamné à mort et incarcéré dans le couloir de la mort de l’Unité Allan B. Polunsky, établissement situé à l’ouest de Livingston au Texas. J’ai pu lui poser quelques questions sur la manière dont il survit là où il se trouve.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Obie Weathers, 14 août 2024, Facebook

Obie Weathers a 43 ans. En 2001, il est condamné à mort et incarcéré dans le couloir de la mort de l’Unité Allan B. Polunsky, établissement situé à l’ouest de Livingston au Texas.

Via Securus, une plate-forme de télécommunication dédiée à la population carcérale, qui permet de contacter des prisonniers et prisonnières via appels téléphoniques, e-messages, mais aussi en visio, évidemment sous surveillance, et dont la France devrait s’inspirer, j’ai pu poser quelques questions à Obie sur la manière dont il survit là où il se trouve. 

Car sur Instagram, où sa petite-amie Francesca poste régulièrement peintures, dessins, travaux artistiques, mais aussi sur Facebook, ou via des sites d’organisations dénonçant la peine de mort notamment, on peut apprécier ses œuvres, et lire ses réflexions toujours précises et lucides concernant sa situation, sa condition, et sur la manière dont il parvient à retrouver un semblant de liberté, là où il se trouve, à travers la méditation et la création quelle qu’elle soit. 

C’est sur ce dernier point que j’ai voulu discuter avec Obie, afin non pas tant de relater encore une fois ses conditions de détention, qui sont connues et bien évidemment insupportables, intolérables, et révoltantes, mais de partager des pistes de dynamique et de discipline personnelle à adopter avec celles et ceux qui elles et eux-aussi peuvent se retrouver emprisonnés, abattus, découragés et sans espoir par rapport à leur vision du présent et de leur futur. 

Obie a développé au fil des années, de ses propres mots, mais on ne peut que le constater, une hyper acuité réflexive, une forme d’hyper intelligence qui puise sa force en lui-même mais aussi dans ce qui reste lumineux à travers les interstices de son environnement carcéral. Si certains sens s'abîment dans les cellules des prisons, et plus particulièrement dans les quartiers d’isolement aux États-Unis, notamment ceux des couloirs de la mort, que d’autres au contraire sont sur-sollicités, on peut dire qu’Obie, par son travail permanent sur lui-même mais aussi par ce que ses pratiques expriment, fait preuve d’une clairvoyance rare qui ne peut que nous éclairer, nous qui travaillons en prison, vous qui y êtes enfermés, d'une manière sage et éblouissante.

Illustration 2
Obie Weathers, No-Touch Torture © Obie Weathers

Version française

Tout d'abord, merci d'avoir accepté cet entretien, Obie. Si ça ne t'ennuie pas, nous n'allons pas discuter de ton affaire, de ta condamnation à mort. Nos lecteurs trouveront facilement de l'information eux-mêmes sur ces points. 
J'aimerais juste que tu nous éclaires : d'où nous écris-tu ? D'où nous viennent ta voix et tes pensées ces jours-ci ? Quel est ton état mental et physique ?

Je vous écris depuis le sol d'une cellule d’isolement au milieu des bois, à l’est du Texas.

 Je viens de faire une sieste d’après petit-déjeuner et une séance de yoga Ashtanga. C’est un jour de plus sans rien de récréatif ici, dans le couloir de la mort, où je suis depuis le mois qui a suivi mon 20e anniversaire et quelques jours après le 11/9. J’ai atteint ma 43ème année sur Terre ce mois d’août en cette année 2024.

Je pense que ma voix, comme d’habitude, vient d’un lieu existentiel. Mais il y a quelque chose de différent de la terreur brute, de l’anxiété de la mort, qui ont caractérisé ma relation à la vie depuis mon adolescence, lorsque j’ai failli être tué deux fois par des armes à feu, et peu après avoir été condamné à mort. En fait, la peur existentielle que j’expérimente ces derniers temps en est une que j’ai de la chance de ressentir car elle découle de la peur naturelle du vieillissement qui caractérise la vie moderne. J'ai pris conscience que je n’ai plus le même corps de 18 ans que j’avais lorsque j’ai causé du tort aux membres de ma communauté et que j’ai été arrêté pour cela. Bien que je sois en assez bonne santé, je peux non seulement sentir la différence dans mon corps mais s’il y avait jamais eu un sentiment de jeunesse, d’immortalité, que j'aie pu éprouver, cette illusion est de toute évidence tombée de mes yeux comme un voile, du jour au lendemain, débouchant sur une crise à laquelle je ne peux remédier de toutes les façons normales, et imprudentes, que la société occidentale moderne permet.

Je suis donc forcé de rester assis ici dans cette cellule avec mon inconfort, ce qui est bien-sûr la chose la plus sage que quiconque puisse faire, peu importe qui ou où on peut avoir la chance ou la malchance de se trouver. Tout cela crée une tonne de réflexions sur ce que je ressens comme étant le gâchis de ma jeunesse. Soudain je vois cette jeunesse dans les visages des autres hommes de cette prison où j’ai été pendant près d’un quart de siècle, et je pleure pour les années que j’ai perdues dans ce trou où on retrouve tous les excès de la société. Je pleure pour ce qui attend ces jeunes hommes qui se retrouvent là pour seulement quelques années, dans les entrailles de la société - ce qu’est la prison. 

Cela s’est traduit par beaucoup d’art actuellement empilé dans cette cellule : des enfants noirs vautrés dans les toilettes des prisons, des hommes noirs aspirés ou jetés dedans par des processus invisibles, des membres noirs se frayant un chemin hors des toilettes et ainsi de suite. Cela me semble documenter les nombreuses étapes qui m’ont amené à cet endroit ainsi que ce que cela requiert pour rester en vie dans une situation comme celle-ci. J’essaie de rendre visible pour autrui la réalité de ma vie et celle de tant de personnes, parce qu’il y a des narratifs simplistes racontés sur nous, qui répondent à un besoin de donner un sens au monde mais qui ne disent vraiment pas la vérité. 

Et je suis vraiment reconnaissant que tu m'aies questionné sur mon mental et mon physique en ce moment, parce que notre état interne affecte tellement la façon dont nous apparaissons dans le monde, et qu'afin de comprendre ce qui sort d’une personne à tout moment donné, nous devons saisir ce qui se passait dans son corps. Quand vous avez commis des choses horribles dans la vie comme je l’ai fait et que vous avez une capacité opérationnelle pour la conscience de soi, vous découvrez, à un certain point, le lien entre le monde interne et les actions qui se manifestent dans le monde externe de nos vies. À bien des égards, mon monde intérieur a longtemps été rempli de remords mais aussi dans un état apologétique.

Donc, une grande partie de ce qui s'exprime venant de moi n’est pas d’excuser ce que j’ai fait, mais c’est une tentative désespérée afin d'aider ceux que j’ai blessés à comprendre que je m’en soucie et que peut-être le mal existe dans le monde ; mais quand j’ai commis ce que j’ai commis, en faisant du mal à leurs proches, j’étais simplement stupide et blessant - pas le mal incarné. 

Il s’agit de l’espoir que la compréhension qui guérit leur soit offerte. Il s’agit de comprendre les choses, ce qui les rend un peu moins douloureuses. Quand on dit que les choses sont le mal, je pense qu’on ne comprend pas vraiment ce dont il s'agit, et cela laisse davantage de souffrance que si l’on savait ce que traverse une personne lorsqu’elle fait quelque chose d’inexcusable et de douloureux. Je pense que lorsque les gens m’écoutent parler, écrire ou voient mon art, ils ne voient qu’une critique sévère du système judiciaire pénal et peut-être moi essayant de contourner ma responsabilité ; mais mon expérience a fait de moi un citoyen très responsable.

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Obie Weathers, Credible Messenger © Obie Weathers

Qu'est-ce qui t'as amené à l'art, la peinture, le dessin, et l'écriture ? Des cours d'art ? De littérature ? 

Il y a toujours un million de points de départ concernant l'origine de mon histoire artistique. Pour moi, l’art a toujours été une voie de survie. Au primaire, j’avais l’habitude de dessiner Bart Simpson en classe et c’était une façon de me sentir connecté à mes amis William et Eddie puisque nous dessinions tous. Cela a donc servi de fonction sociale, essentielle aux êtres humains. Après le primaire, le seul art que j’ai aimé était la mode, ce qui peut aussi sembler plutôt naze quand on est au collège et au lycée. 

Lorsque j’ai été arrêté pour le préjudice qui m’a mené à être condamné à mort, je me suis retrouvé enfermé 23 heures par jour avec un vieux mexicain-américain qui m’avait appris à tracer les contours de roses sur des enveloppes de taille standard, et, en utilisant des stylos de couleur provenant de la cantine de la prison, à les colorier. Le processus prenait quelques heures de travail, mais on pouvait alors échanger l’enveloppe contre une soupe de ramen et une portion de café. Parce que j’étais et reste assez pauvre, je n’avais pas beaucoup d’argent envoyé par ma famille pour acheter des articles de la cantine, donc cette technique simple que m'a montrée ce gars m’a aidé à survivre un peu. 

Après avoir été condamné à mort à l’âge de 19 ans et peu après avoir été transféré au couloir de la mort du Texas, je me suis retrouvé assez en colère. Et nous savons que la colère vient de la douleur, et la douleur que je devais affronter était de réaliser que tous ces gens diplômés de l’université qui pouvaient si bien parler avaient utilisé leur maîtrise de la parole pour me conduire dans cette cellule à 300 milles de ma famille. Ou pour ce qui concerne mon avocat, cela n’a pas servi à me protéger. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de vouloir le pouvoir de raconter mon histoire, de pouvoir communiquer efficacement au monde qui je suis. Cela m’a mis sur le chemin de l’apprentissage de l’art de communiquer avec les mots, de manière écrite et verbale. 

À l’époque, j’ai aussi été très impressionné - tant négativement que positivement - par certains des hommes que j’ai rencontrés dans la prison. Certains gars arrivaient vraiment à former leurs pensées avec un niveau de clarté que je n’avais jamais vu en 20 ans de ma vie. Et je voulais ce genre de contrôle. Puis il y avait ceux qui semblaient avoir été victimes d’isolement de sorte que leur discours sonnait comme attardé. C’était triste et ça m’a poussé à me développer dans ce domaine, et c’est quelque chose sur lequel je continue de travailler avec mon professeur ici : un écrivain autodidacte qui a passé près de 50 ans dans le couloir de la mort. 

Après avoir développé une bonne relation avec mon stylo, j’ai découvert que je pensais souvent en images. Et c’est ce qui m’a finalement ramené à l’art visuel vers 2005. Je voulais essentiellement dire des choses visuellement pour communiquer mon expérience.  Dans ce cas, je n’ai pas pris contact avec un professeur sérieux d’art visuel, ce qui a pu me sauver des conventions. J’ai lu beaucoup de livres d’histoire de l’art, mais surtout je me suis intéressé à l’art au cours des siècles du développement humain. J’ai étudié l’art des enfants et des patients dans les établissements psychiatriques. Ceci-dit, je fais une fixation sérieuse sur l’expressionnisme abstrait tant en Europe qu’en Amérique mais aussi sur les œuvres d’artistes afro-caribéens. Puis j’ai été initié au surréalisme et à l’art conceptuel - et toutes ces façons d’aborder l’art m’ont impressionné et m’apprennent aujourd’hui. 

Je n'ai jamais eu l'opportunité d’étudier l’art dans le couloir de la mort. L’éducation semble être une dépense potentielle qu’on va gaspiller pour une population de personnes qui sont sur le point d’être tuées. Ce qui est assez stupide parce que dépenser de l’argent pour apprendre aux gens à s’exprimer sous une forme créative signifierait que certaines personnes trouveraient des moyens plus sains d’exprimer de fortes émotions quant à ce qui les a plongées dans le système judiciaire criminel - plus que cela - en premier lieu, des explosions incontrôlées d’émotions, souvent induites ou alimentées par la drogue. Je ne dis pas que les programmes artistiques changeraient la vie de tous ceux qui sont dans le couloir de la mort, mais ils aideraient certainement des vies et seraient moins chers que des exécutions. Et à quel point une société serait-elle plus saine si les personnes qui ont causé des dommages utilisaient ce qu’elles avaient appris d’elles-mêmes pour créer de l’art qui favoriserait un comportement pro-social.

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Obie Weathers, Execution Date © Obie Weathers

Dans ton portfolio sur le site web de la Justice Arts Coalition, tu écris : « J’ai commis des actes graves dans ma vie et je ne pourrai jamais revenir en arrière. Mais le moins que je puisse faire est de m’améliorer. »
Es-tu engagé dans un processus d’amélioration de toi-même pour te sentir mieux ou pour devenir une meilleure personne ? Penses-tu que ce processus requiert une pratique créative ? Quel genre d’activité créative un prisonnier peut-il accomplir ? Et plus encore : comment trouver l’énergie nécessaire pour s’engager dans cette dynamique ?

Les deux. Généralement, ce qui se passe à l’intérieur a un impact sur la façon dont nous apparaissons dans le monde. Et la façon dont nous apparaissons dans nos vies est un indicateur de ce qui se passe intérieurement. Imaginez ce qu’un gars de 18 ans doit traverser pour faire les choses que j’ai faites. Je me suis longuement préoccupé des problématiques qui m’ont amené à nuire à mes prochains, mais je suis une personne consciente de moi-même, donc je suis constamment en train de m’observer et d’essayer de m’améliorer. Il ne s’agit pas seulement de ce qui se passe à l’intérieur, mais aussi d’être dans une situation comme la mienne : condamné à mort et détenu à l’isolement depuis mes 19 ans. Vous êtes obligés de faire face à tant de conditions défavorables que vous pouvez soit leur permettre de vous écraser et ensuite de vous réduire en miettes, soit trouver des façons de les utiliser comme étincelles pour ajouter à votre lumière.

C'est facile de se mettre en colère dans cette situation. Vous vous réveillez avec de la nourriture froide sur des plateaux en plastique sales, vous voyez les cafards, toute la nuit un garde vous réveille avec une lampe torche braquée sur votre visage. Plus tard dans la journée, on vous dit encore une fois que vous n’aurez pas le temps de sortir de votre cellule pour vous détendre ou prendre une douche, vous vous sentez à l’étroit et comme si le manque d’exercice vous faisait vieillir prématurément. Vous vous mettez en colère contre le personnel ou les tribunaux qui vous ont envoyé ici et vous pouvez laisser cette colère s’installer, injecter du stress toxique dans votre corps, ou alors, vous pouvez prendre le contrôle et donner un sens à votre vie. Vous pouvez vous rappeler vos méfaits d'il y a 24 ans et vous pardonner, passer du temps à regarder par la fenêtre, tremper votre rétine dans la nature, et pratiquer le yoga dans la petite cellule pour garder le corps fort et libre de stress toxique. Vous pouvez lire ou vous perfectionner.

Il ne s’agit donc pas seulement de se sentir mieux et d’être mieux, mais aussi de survie. Il s’agit d’être comme l’eau, tel que le grand philosophe Bruce Lee l’a suggéré. Vous devenez une identité fixe si vous vous définissez en rapport à votre environnement et à votre condition de vie. Mais si vous vous dites : « Allez, je suis un yogi, un artiste et cette cellule est une cellule de méditation et un studio », alors vous avez réussi à transformer cette arme de l’État (isolement et peine de mort) en outil. Et c’est un acte créatif. Nous sommes tous créatifs et si nous ne sommes pas un agent créatif dans nos vies, je pense que nous ne nous sentons pas aussi bien ni ne nous engageons dans un processus continu de devenir. 

Nous sommes fixés dans le passé en restant dans un tel état. Certains pourraient appeler cela la stagnation, mais je l’appelle peur. Il est parfois très effrayant de faire quelque chose de différent quand il s’agit de qui nous sommes et dans notre relation avec le monde autour de nous, donc nous restons les mêmes. Cette peur et la rigidité qui en résulte épuisent nos forces parce que nous passons la plupart de notre énergie à nous agripper fermement à notre identité alors que nous pourrions abandonner ces modèles inutiles de comportement et permettre à l’exaltation de faire quelque chose de nouveau et frais, qui énergisera nos vies. 

Au fil des ans, j’en ai fait une pratique, de changer radicalement mon comportement de temps en temps ou de faire des choses que des prisonniers masculins, tel qu'on les imagine, ne sont pas censés faire, comme le yoga. Ici, on considère surtout que c’est pour les femmes, pas pour les hommes. La prison est un lieu d’hyper-masculinité très toxique et virulente. C'est une manière tellement malsaine de penser et d’être qu’on préfère que son corps soit malade plutôt que de lui permettre de s’engager dans quelque chose qui l’aiderait à rester en bonne santé. Donc, le simple fait de me libérer des idées toxiques m’a permis de rester énergique durant ces années. 

Mais il y a aussi ce désir de faire de ma vie quelque chose de signifiant. Je n’ai pas d'idées de ce que serait la vie après la mort, donc ce que je désire, c'est un certain sentiment d’accomplissement dans cette vie dans laquelle nous sommes, ici et maintenant. Mon dossier est d’avoir causé beaucoup de destruction dans la vie d’innocents de ma propre communauté et j’ai une grosse dette à payer. J’espère que quand je mourrai - peu importe comment - les gens que j’ai blessés pourront voir que je n’ai pas pris mes actes à la légère. Je veux qu’ils voient reflétée dans mes actions une personne qui a appris ses leçons, qui a changé sa vie et qui a donné quelque chose de sain au monde. Et je n’ai pas l'éternité pour faire ce travail, donc il n’y a vraiment aucune place pour des activités qui gaspillent mon énergie.

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Obie Weathers, Excessive Force © Obie Weathers

« Tu as la permission de rêver » dit l’un de tes petits papiers écrits, en photo sur ton compte Instagram. Puis-je te demander : de quoi sont faits tes rêves ? Tes rêves éveillés et tes rêves lorsque tu dors. Dirais-tu que tes œuvres ont une part d’onirisme ?

Comme je l’ai mentionné, ce n’est que depuis quelques années que les condamnés à mort ont accès à quelques cours de réadaptation. Il n’y a toujours pas de cours éducatifs, pas même le GED (General Educational Development Test) de base. Les processus créatifs auxquels une personne dans le couloir de la mort s’engage doivent être nécessairement dirigés par elle-même et réalisés dans la solitude d'une cellule. Et je pense que l’un des plus grands processus créatifs qu’une personne dans le couloir de la mort pourrait entreprendre est celui où elle se recrée en la personne qu’elle doit être pour survivre. Et peut-être ensuite partager ses idées sous une forme ou une autre avec les autres. Il s’agit de la longue tradition de lutte contre le postulat de la peine de mort - qui n’est pas que certaines personnes sont si dangereuses qu’elles doivent être assassinées. Non, la base pour que les sociétés soient prêtes à approuver le meurtre d’autres personnes (en dehors de la vengeance brute) est l’idée que certains d’entre nous ont un déficit, une humanité inférieure et manquent de qualités humaines intrinsèques qui nous rendent dignes d’être traités avec dignité, peu importe qui nous sommes. 

Il y a deux cartes postales punaisées sur la porte en acier de cette cellule. L’une présente le visage d’une jeune fille faisant un doigt d’honneur, et l’autre, les célèbres mots de Banksy : "L’art doit réconforter le dérangé et perturber le confortable". La nuit dernière, j’ai fait deux rêves : dans l’un d’eux, il y avait une pile fumante d’environ la moitié d’une baguette de pain grillé sur un plateau bleu en plastique qui servent aux repas en détention. Le tout était recouvert de sirop de chocolat. Dans le second rêve les surfaces supérieures des cartes postales avait été retirées. Ce qu'il en restait était toujours punaisé à la porte. Ce deuxième rêve m’a réveillé en sursaut. Pour moi, c’est comme ça : soit l’oubli du désir, soit la terreur. Ce sont les pôles existentiels entre lesquels mon existence oscille en tant qu’humain dans le couloir de la mort au Texas. 

Mes rêves éveillés ne sont peut-être pas très différents, mais comme je peux davantage les agencer, ils sont plus élaborés et généralement plus agréables. Comme lorsque je pratiquais le yoga ce matin et que je suis censé être présent avec ce qui se passe maintenant, je rêvais d’être dans cette salle de méditation dont je rêve toujours. Il y a du bois et de l’ardoise tout autour de cet espace très basique, propre avec d’énormes fenêtres pour permettre d'être dans la lumière du jour ou de la lune et de voir les bois non loin. Ce matin, la salle de rêve était éclairée de manière chaude et basse, et il y avait du Palo Santo qui brûlait pendant que je pratiquais mes asanas. Parfois, je me retrouve dans cette pièce en train de méditer et mon esprit s’est éloigné de mon souffle. Je suis assis dans cette pièce et un petit bébé va ramper vers moi, en riant, et grimper sur mes genoux. Mes amis m’ont encouragé à commencer à peindre depuis cet endroit comme une façon de mettre en avant ce que je veux dans la vie, mais pour l’instant mes peintures viennent du pôle opposé. 

Donc, oui, mes peintures sont dérivées de mes rêves, surtout mes rêves éveillés. Elles émettent des critiques en reliant des idées disparates parfois. Quand je dis aux gens que je suis un peu surréaliste, ils ne le voient pas, parce qu’ils s’attendent à quelque chose qui dériverait de Dali. Je ne vise certainement pas l’irrationalité, mais prenez mon tableau « My African-American Stuck Dream », j’ai pris une chose réelle - des paralysies du sommeil, que j'ai entendu mes pairs appeler « rêves bloqués. » Ensuite, j’ai pris le langage du rêve américain et j’ai mélangé le tout pour essayer de montrer à quoi ressemble ce rêve pour certains : vous êtes coincé dans une situation qui n’a pas beaucoup de sens, mais vous avez cet espoir presque aussi irrationnel qui vous permet de poursuivre ce rêve insaisissable dont votre réalité présente peut être, justement, tout l’inverse.

Mes rêves sont donc faits d’espoir, de besoin et de désir. L’espoir du changement, le besoin du pardon et le désir de plaisir dans ma vie. Le plaisir de voir deux corps se réunir en privé et le soulagement de ne pas avoir ma vie sous surveillance constante et sous la menace. Et mes rêves sont faits de la terreur dans la possibilité que je ne puisse pas atteindre la terre promise que mon cœur plein d’espoir a mis devant moi pour me faire avancer dans ce désert où je suis actuellement emprisonné.

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Obie Weathers, My African-American Stuck Dream © Obie Weathers

Où se situe la pensée religieuse autour de toi et en toi ? J’ai lu que tu pouvais être plutôt sceptique à propos des rituels, des institutions et même des symboles. Et cela, alors que tu sembles être animé par une sorte d’inspiration religieuse, de nature religieuse, dans le sens où la religion est un ensemble de croyances qui définissent la relation de l’homme avec le sacré. Ai-je tort ?

L’artiste Howard Guidry, un de mes amis, a fait un portrait de moi assis à plier des grues en origami qui ont ensuite pris leur envol hors de la cellule. C’est mon côté optimiste. Quand je regarde certaines de mes créations visuelles, je vois parfois cet exorcisme de ce qui me hante. Cette cellule d’isolement ambrée me suspend à cet état de mon adolescence quand j’ai commis mes actes de malheur regrettables. La cellule refuse de me voir comme un homme de 43 ans qui non seulement est désolé, mais qui, selon les mots de Danielle Sered, pratique le fait d'être désolé, avec mon travail d’aide aux jeunes. 

Il est difficile de s’éloigner de certaines idées dans un conteneur tel que cette cellule, donc une grande partie de mon art critique la cage et ses structures philosophiques. Ces dernières années, il y a eu ce que j’ai appelé une renaissance chrétienne de la droite dans les cellules des condamnés à mort et dans les prisons du Texas en général. Mais surtout dans cette prison avec l’introduction des aumôniers détenus connus sous le nom de Pasteurs de terrain. Il s’agit d’un petit groupe de personnes (mais pas condamnées à mort) qui ont été sélectionnées pour un enseignement et qui ont la chance de servir les autres prisonniers dans la prison. Je ne dis pas que c’est une mauvaise chose, mais cela signifie simplement qu’il y a une propagation de l’évangile. Et dans un contexte où la religion a toujours été considérée comme une faiblesse, elle est maintenant considérée comme cool. Ce qui est cool. Il y a eu de nombreux cours d’entraide organisés par les Pasteurs de terrain dans les couloirs de la mort. J’ai participé à plusieurs d’entre eux et je prévois d'y participer davantage au cours des prochains mois. La grande majorité de ces personnes est chrétienne et la majorité du christianisme est positionné à droite. Et parce que tant de personnes dans le couloir de la mort sont privées de toute sorte de stimulation intellectuelle ou d’activités - nous prenons naturellement part à ces programmes, passionnément. Et la culture toxique de la prison étant ce qu’elle est, le style de la pensée chrétienne qui insiste sur le patriarcat est facilement intégré. 

Ensuite, parce que le système judiciaire pénal des États-Unis n’a pas envie d’une auto-critique ni d’un examen des forces systémiques qui influent sur notre comportement, on se concentre beaucoup sur la « responsabilité personnelle », qui correspond aussi parfaitement aux idées chrétiennes de libre arbitre. Je suis loin d’être un opposant à la responsabilité personnelle, mais je sais qu’il m’a été impossible de rendre compte de mon comportement nuisible en réduisant simplement tout ce qui concerne mes actions nuisibles à une question de choix personnel - par opposition aux effets du fonctionnement cérébral, des traumatismes de l’enfance, des traumatismes historiques, de la toxicomanie, des problèmes de santé mentale et de la culture. 

Beaucoup de mes pairs deviennent des êtres humains meilleurs et en meilleure santé grâce à leur engagement envers le christianisme - mais surtout grâce à leurs conversations les uns avec les autres. Je suis reconnaissant de faire partie d’une communauté avec eux ; ce sont de bonnes personnes. Ils m’aident également à devenir une meilleur personne. Mais pour moi, le christianisme me rappelle mon passé - mauvais ( « qui aime bien châtie bien ») et bon (« aimez votre prochain »). Et cela me rappelle les bouleversements politiques actuels dans mon pays, souvent à la suite des actions menées par mon État contre les populations marginalisées. Pour mes pairs, il semble que les associations soient positives.

Principalement (je le soupçonne) parce que c’est nouveau pour eux car beaucoup n’ont pas grandi dans l’Église comme moi. Je peux voir à la fois le beau et le hideux. Quelqu’un pourrait me contredire en soulignant qu’il y a des défauts dans tout ce que les humains font. Peut-être. Mais je pense qu’il faut être disposé à voir les choses comme elles sont, pleinement, et s’engager avec les aspects peu flatteurs, et non pas simplement les ignorer volontairement.

Je vois cela comme une extension de ce que je demande pour la vie de mes pairs et moi ici dans le couloir de la mort : examiner l’ensemble de notre humanité, ne pas se concentrer sur un seul aspect. Mais parce que j’ai grandi comme un poisson nageant dans l’eau du christianisme, quand j’entends les chants, les écritures et les cris vers Jésus, cela me rappelle des moments de mon passé. Ou les façons dont aujourd’hui une figure de la libération (Jésus) est invoquée pour lier les gens. Je considère ces moments comme des occasions d’explorer certaines parties de moi-même (et de mon pays) et d’acquérir des connaissances, et peut-être de guérir.

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Obie Weathers, Concrete Crucifix © Obie Weathers

J’ai lu cette citation de toi sur Scalawag : « Ce tableau, comme presque tous mes tableaux avec des personnages noirs, est autobiographique. Les hanches n’existent pas comme un fait à tout moment dans ma réalité matérielle, mais dans l’espace de mon imagination — un lieu où, souvent, le captif fuit tellement la douloureuse existence qu’il devient automatique et souvent un état permanent. Cela peut avoir des conséquences dangereuses pour ceux qui sont maintenus en isolement perpétuel, où on leur refuse la nécessité humaine de construire et de confirmer la réalité avec les autres. »
Peux-tu nous expliquer en quoi cet espace peut être, selon toi, dangereux s’il est l’une des seules échappatoires, des seules portes de sortie possibles pour de nombreux prisonniers ? Parce qu’on pourrait perdre la réalité qu’on partage avec les autres ? Parce que la folie ne serait pas loin ? Mais la folie, n’est-ce pas déjà se retrouver enfermé comme c'est le cas ? La prison est déjà un endroit fou, n’est-ce pas ?

Oui, la prison est un endroit fou. Quand vous êtes un adolescent comme je l’étais lorsque j’ai été envoyé dans le couloir de la mort, vous êtes toujours dans cette phase où vous voulez être comme vos pairs. Et la plupart de vos pairs dans le couloir de la mort sont soit de votre âge ou numériquement plus âgés mais pris au piège dans la phase d’adolescence du développement. Donc vous rebondissez les uns sur les autres et reproduisez la folie de chacun mais tout cela vient d’une culture que nous n’avons pas créée, si vous remontiez le temps, nous arriverions quelque part dans l’Amérique d’avant la guerre civile... 

J’ai toujours été un enfant rêveur. Quand j’étais enfant, je m’asseyais sur mon vélo et le thème d’une chanson commençait dans ma tête lorsque je sortais du jardin et que je me lançais dans la rue. Parfois, mon vélo était un cheval au galop et d’autres fois, c’était une jeep robuste à quatre roues qui explorait les ruelles jonchées de déchets de mon quartier. Pour beaucoup de raisons compliquées, quand je suis arrivé ici, je me la jouais, ce qui m’a mis au trou - un lieu de privation accrue dans ce paysage infernal déjà aride. J’avais seulement des livres et l’écriture pour occuper mon esprit d’une manière externe. Quand je ne faisais pas ça ou que je ne soulevais pas la poussière, je rêvais. 

Parfois, je rêvais avec mon ami Leon, en parlant à travers un conduit d’air qui reliait nos cellules. Nous rêvions à haute voix des choses que nous aimerions faire, des vêtements que nous voudrions porter, des eaux de Cologne, des voitures, des lieux, le genre de paix que nous voulions pour nos vies. Parfois, nous rêvions d’une meilleure forme de confinement, plus humaine, où on pourrait tout simplement être laissés tranquilles, pas harcelés mais juste laissés à pouvoir vivre nos années jusqu’à la liberté, la mort naturelle ou l'exécution. Nous rêvions de la façon dont nous résisterions à une exécution ; nous rêvions de la nourriture que nous voulions - et même pas de la nourriture venant de l’extérieur, mais seulement de la nourriture de la cantine de la prison. Ceci parce que nous étions toujours si affamés au trou où nous étions nourris moins que la normale. Et souvent, comme punition, on nous donnait des blocs de pain partiellement cuit avec des morceaux de viande et de légumes dedans.

Mais par moi-même, j’ai aussi rêvé pendant des heures. J’ai fait des rêves très normaux, de classe moyenne, d’une femme, d’une belle maison, d’une voiture et d’un enfant. J’ai rêvé de ce à quoi ressemblerait un enfant si je le concevais avec telle ou telle femme. Je rêvais de voyager dans le monde, aux Caraïbes, en Europe, en Afrique. J’ai rêvé d’être artiste, écrivain, j’ai rêvé de cheveux longs, de vie au soleil. J’ai rêvé de bonheur. J’ai regardé les magazines GQ, Vogue et j’ai rêvé de me retrouver dans les vêtements, chaussures, bijoux et manteaux que je voyais dedans. Je rêvais de rentrer chez moi, avec ma famille, dans ma communauté. J’ai rêvé de construire un centre communautaire dans mon quartier - parce qu’il n’y en avait pas. J’ai fais les rêves que je voulais voir se réaliser quand j’étais enfant. Et j’ai rêvé, j’ai rêvé et je continue à rêver. 

Mais parfois, j'ai vu certains de mes pairs devenir leurs rêves, et cela m'a fait peur. Au lieu de dire qu’ils voulaient visiter le Costa Rica, ils disaient qu’ils y vivaient alors que nous savions tout les deux qu’ils n’y vivaient pas. Ou ils disaient qu’ils étaient en Jamaïque la nuit précédente, comme s’ils étaient rentrés en volant dans le couloir de la mort ce matin-là. Des choses comme ça. Pour certains d’entre nous, la ligne entre la réalité et nos rêves semblait s’effacer et ils flottaient de part et d’autre de la frontière, je me demandais souvent comment c'était possible. Et je ne sais pas. Je ne suis pas psychologue. Mais cela m’a effrayé au point où j’ai commencé à soupçonner que cela avait quelque chose à voir avec le fait d’être enfermé dans l’isolement de l’isolement (condamné à mort) depuis si longtemps et de ne pas bénéficier d’une réalité collective et consensuelle, constamment renforcée par la présence d’autres personnes. 

Je pense que nous avons besoin les uns des autres pour nous maintenir en contact avec ce qui est réel, sans cela, la douleur de la réalité peut devenir si insupportable que se réfugier dans le rêve devient le mirage dans lequel nous nous échappons, comme ignorant que nous sommes en train d’embrasser l’oubli, l’abîme. Une de mes nombreuses grâces salvatrices au fil des ans a été d’avoir, à plusieurs reprises, des gens qui exigeaient mieux de moi. Des amis ici et à l’extérieur - mais surtout la fille de ma victime. Ils m’ont tous forcé à rester éveillé et à réfléchir sur la façon dont j’étais apparu et continue à apparaître dans le monde.

Illustration 8
Obie Weathers, Quick paintings/collages © Obie Weathers

« Obie parle » sur la page Facebook: The Death Row Soul Collective

Je tiens fermement à l'idée que le passé d’une personne n’a pas à définir son présent ou la trajectoire de son avenir. Pour moi, l’idée qu’une personne ne peut se résumer au moment le plus horrible de sa vie est une Écriture sacrée. La notion d’une vie sans la possibilité d’une grâce extraordinaire, au milieu d'une cage souvent douloureuse et décourageante est, pour moi, idéation suicidaire. Si, comme je l’ai déjà fait, je croyais le pire de moi-même, que les moments les plus sombres de ma vie reflétaient ma nature essentielle, alors il n’y aurait aucune raison de continuer dans ce miniverse d’acier et de béton.

C'est l’espoir d’un lendemain plus radieux à l'extérieur (disons, l’abolition de la peine de mort et la liberté du baiser de ma petite-amie) qui m’a fait aller de l'avant, ainsi que l’espoir crucial d'un moi plus sain en moi-même (disons, un moi guéri des zones traumatisées en moi-même qui m’ont conduit à blesser les corps et les âmes des membres de ma communauté). Lorsque je repense à mon voyage vers la guérison, qui a commencé, adolescent, dans le couloir de la mort, jusqu’à mes 42 ans aujourd'hui, le fil conducteur est l'amour ; l’amour dans ses myriades d’incarnations, de gestes et d’expressions. Souvent emballé dans des enveloppes au format pro standard. 

En 2022, quelques semaines avant l’exécution, le 9 novembre, de Tracy Beatty, j’ai entendu quelques gardes parler de sa petite-amie comme étant "folle" d’être avec lui. J’étais enfermé dans une cage de parloir, attendant que mon ami arrive, et Tracy n’avait pas encore été escorté à la salle des visites. Mais étant le défenseur de l’amour que je suis, et du droit de chacun à en avoir, peu importe sa position ou sa condition dans la vie, j’ai élevé la voix pour dire que tout le monde mérite d’être aimé. Mais le garde n’était pas d’accord et a insisté : "mais il est FOU!" 
"Okay, et alors, c'est un malade mental ? Il mérite toujours tout l’amour possible pour un être humain", j'ai répondu, mais cela ne m’a valu qu’un regard qui suggérait qu’on remettait maintenant ma propre santé mentale en question. Ce fut un moment plutôt décourageant mais le fait que je défende le droit de tous les humains d’être en profonde camaraderie avec les autres, m'a soutenu.

Le fait que nous nous trouvons dans ce lieu destiné à nous déconnecter de tout ce sur quoi peut s'appuyer un être humain, est une raison de plus pour résister et se connecter avec d’autres pouvant nous offrir les ingrédients essentiels d’une vie saine. Je dis toujours aux gens que s’ils voient quelque chose en moi qui en vaut la peine, alors ils voient un reflet de tout l’amour que des âmes-soeurs, amis comme amants, ont versé dans ma propre âme, bien avant que nous ayons accès au téléphone. 

On me parle d'histoires silencieuses de personnes qui se sont connectées et ont partagé de la chaleur dans des conditions horribles. Nous lisons nos livres d’Histoire et nous regardons nos drames historiques couvrant les chapitres les plus sombres de l’Histoire humaine, mais nous ne voyons pas toujours ou ne réfléchissons pas à la possibilité de tout l’amour qui a été fait entre et pendant ces moments de dépravation. Cependant, nous devons le voir, parce que c’est la clé pour comprendre comment tant de gens ont réussi à traverser les nombreux enfers qui sont apparus sur terre. Et c’est seulement en voyant cet amour qui, au mieux, a été peu documenté que nous sommes capables de comprendre comment il est possible de se connecter profondément avec une autre personne lorsque tout ce que vous avez ce sont des mots écrits entre vous. Des mots façonnés pour envelopper les amants.

Pour nous aider, réfléchissons brièvement sur le sexe entre les prisonniers. Il est souvent vu uniquement à travers le prisme de la violence et de la coercition. Et bien que ce soit un problème sérieux qui doit être résolu aujourd’hui, les discussions sur le sexe entre les prisonniers sont malheureusement limitées. Ce dont nous n’entendons pas parler, ce sont des gens qui se connectent intimement et sincèrement derrière les barreaux - avec des compagnons de détention.

Ils trouvent de la chaleur, du soutien et de la nourriture.

Maintenant, de la même façon que les relations intimes entre prisonniers sont condensées dans des discours sensationnels sur le viol en prison - ce qui est, encore une fois, un problème grave - , les vies amoureuses entre les personnes dans le couloir de la mort et le monde extérieur sont également réduites. Nous sommes tout simplement dégoûtés d’admettre que les gens que nous jetons en prison sont capables et dignes d’amour. Nous cherchons plutôt à contrôler et limiter la quantité et les types de plaisir auxquels ils peuvent accéder. Nous nous en tenons donc à des histoires typiques à sensation, de femmes naïves menées en bateau par des prisonniers fourbes qui sont si seuls qu’ils "prendraient n’importe quoi". Ces pensées exaspérantes dénigrent tout le monde. Les femmes sont considérées comme des victimes de leur faible estime de soi, crédules, et non comme des agentes de leur propre bonheur. Autour des hommes, le récit de la faillite morale et désespérée se poursuit depuis la salle d’audience. C’est tout l’avancement du processus de condamnation, conçu pour enfermer les gens toujours plus profondément dans l’isolement, afin qu’ils puissent finalement être annihilés. Pendant ce temps, personne ne s’arrête afin de considérer que ce type ait enfin pu reprendre ses esprits par rapport à ce qui compte vraiment dans la vie. Non pas des notions de beauté et de désirabilité dictées par les médias, mais une véritable connexion, la compagnie et le réconfort. Connexion, peu importe où, peu importe les obstacles - peu importe quoi.

On a beaucoup parlé de Tracy Beatty chantant "Amazing Grace" avant qu’il ne parte d'ici pour sa mort. Certains disent que c’est un miracle, une œuvre de Dieu que Tracy, un homme dont nous savons tous qu'il a souffert, ait une chanson à chanter lors de son dernier jour. Moi, je ne suis pas un partisan de l’invisible et du non-vérifié, mais j’ai été assis face à face avec l'amour pendant que j’étais enfermé dans une cage de parloir dans le couloir de la mort et j’ai vu quelle grâce extraordinaire et incarnée, c’est. 

Obie Weathers, 2024

Vous pouvez faire un don à Obie via Paypal


English version

Obie Weathers is 43 years old. In 2001, he was sentenced to death and placed on death row at the Allan B. Polunsky Unit, a facility west of Livingston, Texas.

Via Securus, a telecommunication platform dedicated to the prison population, which allows to communicate with prisoners via telephone calls, e-messages, but also in visio, obviously under surveillance, and from which France should draw inspiration, I was able to ask Obie a few questions about how he survives where he is. 

On Instagram, where his girlfriend Francesca regularly posts his paintings, drawings, artistic works, but also on Facebook, or via websites belonging to staunch anti death penalty mouvements, we can appreciate his works, and read his always precise and lucid reflections concerning his situation, his condition, and how he manages to regain a semblance of freedom, where he is, through meditation and creation whatever it may be.

It is on this last point that I wanted to discuss with Obie, not so much to recount once again his conditions of detention, which are known and obviously unbearable, intolerable, and revolting, but to share tracks of dynamics and personal discipline to adopt with those who can find themselves imprisoned, discouraged and hopeless when they think about their present and future. 

Obie has developed over the years, in his own words, but we can see it, a reflexive hyper-acuity, a form of hyper-intelligence that draws its strength from himself but also from what remains luminous through the interstices of his prison environment. If some senses are damaged in prison cells, and more particularly in the solitary confinement units in the United States, especially those of death rows, if others on the contrary are over-solicited, we can say that Obie, by his permanent work on himself but also by what his practices express, shows a rare clairvoyance that can only enlighten us, we who work in prison, you who are locked up there, in a wise and dazzling way.

First of all, thank you for agreeing to the interview, Obie. If you don’t mind, we’re not going to discuss your legal case, your sentence. Our readers will easily find information on these points themselves. 
I would just like you to tell us: from where do you write to us ? Where do your voice and thoughts come from these days ? What are your physical and your mental state ?

I write to you from the floor of a solitary confinement cell in the woods of east Texas.

I've just had my post-breakfast nap after some Ashtanga yoga. It is another day of no recreation here on death row where I have been since a month after my 20th birthday and days after 9/11. I reached my 43rd year on Earth this month of August in this year of 2024.

I find that my voice, as usual, comes from an existential place. But there's something different from the raw terror and death anxiety that has characterized my relationship to life since my teens when I was nearly killed by gun violence twice, and soon after being sentenced to death. The existential dread I'm experiencing lately is actually one that I'm fortunate to be experiencing as it derives from the natural fear of getting old that marks modern life. I'm aware that I'm no longer the 18 year old body that I was when I committed harm against my community members and was arrested for. Though I'm in fairly good health, I can not only feel the difference in my body but if there was ever any youthful sense of immortality I suffered from, this illusion has seemingly dropped from my eyes like a veil overnight causing a bit of a crisis that I can't remedy in all the normal reckless ways that modern western society allows.

So I'm forced to sit here in this cell with my discomfort which of course is the wisest thing anyone could ever do no matter who or where they may be lucky or unlucky to find themselves. This all is creating a ton of reflection on what feels like my wasted youth. Suddenly I see the youth in the faces of other men around this prison that I have been in for nearly a quarter century and I mourn for the years I've lost in this hole where the excesses of society are disposed. I weep for what lies ahead of these young men who are just a couple years into the intestines of society - what prison is. 

This has come out in a lot of the art presently stacked up around this cell : Black children wallowing in prison toilets, Black men being sucked down into toilets or dumped into them by non-visible processes, Black limbs clawing their way out of toilets and so forth. It seems to be a documenting of the many steps that brought me to this place as well as what it takes to remain alive in a situation like this. I'm trying to make visible for others the reality of my life and the lives of so many others because there are simple narratives told about us that suit a need to make sense of the world but really don't tell the truth. 

And I'm really grateful that you asked about my mental and physical state at this time because our internal state affects so much of how we show up in the world and in order to understand what comes out of a person at any given time, we have to understand what was going on in their body. When you've done horrible things in life like I have and you have an operating capacity for self-awareness, you at some point discover the connection between the internal world and what actions show up in the external world of our lives. In a lot of ways my internal world has long been in a state of remorsefulness but also in an apologetic state. So much of what comes out of me is not to excuse what I've done but is a desperate attempt to help those I've harmed first, understand that I care and that maybe evil does exist in the world but when I did what I did to hurt their loved ones, I was just plain stupid and hurting - not evil incarnate.

It's about the hope for the healing of understanding to be gifted to them.It's something about understanding things that make them a touch less painful. When things are described as evil, I think it's not really understood what that means and it leaves more suffering than would be if we knew what a person was going through when they did something inexcusable and painful. I think when people listen to me speak,write or view my art, they only see a harsh critique of the criminal legal system and perhaps me attempting to skirt responsibility but my experience has made me a very responsible citizen.

What brought you to art, paintings, drawings and writings ? Class of art ? Class of literature ?

It's always a million places to start when it comes to my art origin story. For me, art has always been about a pathway to survival. In elementary school, I use to draw Bart Simpson in class and this was a way to feel connected to my friends William and Eddie as we all drew. So it served a social function which is very essential to human beings. After elementary, the only art I was into was fashion which can also feel rather dire when you're in middle and high school. 

When I was arrested for the harm that led to my being on death row at some point, I found myself in lockup for 23 hours a day with an older Mexican-American guy who taught me how to trace outlines of roses onto standard business size envelopes, and using colored pens brought from the jail commissary, pick-shade them. The whole process was a couple hours work but one could then trade the envelope for a ramen soup and a single-serving of coffee. Because I was and remain quite poor, I didn't have much money being sent from family to buy items from the commissary so this simple technique shown to me by this guy helped me survive a little. 

After I was sentenced to death at the age of 19 and soon after transferred to Texas death row, I found myself to be quite angry. And we know that anger comes from pain and the pain I was dealing with was realizing that all these university educated people who could speak so well had used their command of the spoken word to convey me to this cell 300 miles from my family. Or in the case of my defense attorney, they didn't use it to protect me. It was at this point that I determined that I wanted the power to tell my story, to be able to effectively communicate to the world who I am. This set me on the path to learning the art of communicating with words,written and verbally. 

At the time, I was also very impressed - both negatively and positively - with some of the men I met in the prison. Some guys could really form their thoughts with a level of clarity I hadn't ever witnessed in my 20 years of life. And I wanted that kind of control. Then there were those who seemed to have been victims of isolation so that their speech sounded stunted. It was sad and compelled me to developed myself in this area and it is something I continue to work on with my teacher here on death row : a self-taught writer who has been on death row nearly 50 years. 

After I was well on my way developing a relationship with my pen, I discovered that I often think in images. And this is what ultimately returned me to visual art around 2005. I essentially wanted to say things visually to communicate my experience.  In this case though I didn't take up with a serious teacher for visual art which might have been a saved me from being formulaic. I read a lot of art history books, but mostly I just looked at art over the centuries of human development. I studied the art of children and patients in psychiatric facilities. But I seriously locked in on abstract expressionism both in Europe and in America but also the works of Afro-Caribbean artists. Then I was introduced to surrealism and conceptual art - and all of these ways of approaching art left an impression and inform me today. 

There has never been an opportunity for formal art studies for me on death row. Education seems a wasted potential expenditure on a population of people slated to be killed. Which is quite stupid because spending money on teaching people to express themselves in some creative form would mean that some people would find healthier ways to express strong emotions when what got people involved in the criminal legal system - more so than not - in the first place is uncontrolled outbursts of emotions, often drug induced of fueled. I'm not saying that art programs would turn every life around in on death row but it definitely would help some lives and be cheaper than executing people. And how much healthier would a society be if the people who've caused harm used what they've learned about themselves to make art that promoted pro-social behavior.

In your portfolio on Justice Arts Coalition website, you write: "I have committed some grave acts in my life and I will never be able to undo them. Yet the very least I can do is to improve myself." 
Are you engaged in a process of self-improvement to feel better or to be better ? Do you think this process requires creative practice ? What kind of creative activity is possible for a prisoner to perform ? And more: how do you find the energy to fit into this dynamic ?

Both. Typically what's going on inside impacts how we show up in the world. And how we show up in our lives is an indication of what's happening internally. Imagine what an 18 has to be going through to do the things I did. I've long dealt with the issues that led me to harm my neighbors but I'm a self-aware person so I'm constantly observing myself and trying to better myself. It's not only about what's going on inside, it's also being in a situation like I am in : under sentence of death and held in solitary since I was 19. You are forced to deal face to face with so many unfavorable conditions that you can either allow them to grind you down and then crush you or you can find ways to use them as sparks to add to your light.

It's easy to become angry in this situation. You wake to cold food on filthy plastic trays, you see the roaches, all through the night a guard is waking you with a flashlight into your face. Later in the day you're told yet again you won't get any time out the cell for recreation nor a shower and you feel cramped and like the lack of exercise is prematurely aging you. You become angry with the staff or the courts for sending you here and you could let that anger hang out, pumping toxic stress into your body or you can take control and make sense of your life. You can remind yourself of your harmful actions 24 years ago and forgive yourself and you can spend time staring out the window soaking your retina in nature and you can practice yoga in the tiny cell to keep the body strong and free of the toxic stress.You can read or learn a new skill. 

So it's not only about it feeling better and being better, it is also about survival. It's about being water as the great philosopher Bruce Lee suggested. You become a fixed identity by defining yourself in relationship to your environment and condition in life. But if you say, "well, I'm an yogi and an artist and this cell is a meditation cell and studio", then you've accomplished transforming this weapon of the state (solitary and a death sentence) and turned them into plowshares. And that's a creative act. We are all creative and if we aren't being a creative agent in our lives, I think we don't feel so good nor are we engaging in an ongoing process of becoming. 

We are fixed in the past in such a state. Some might call it stagnation but I call it fear. It is very scary sometimes to do something different when it comes to who we are and in our relationship to the world around us so we remain the same. This fear and the resultant stuckness depresses our energy because we are spending most our energy gripping tightly our identity when we could let go of these useless patterns of behavior and allow the exhilaration of doing something new and fresh to energize our lives. 

Over the years I've made it a practice of radically changing my behavior from time to time, or doing things that the fixed notion of male prisoners aren't suppose to do, such as yoga. Here it's mostly viewed as something for women, not men. Prison is a place of very toxic, virulent hypermasculinity. It's such an unhealthy way of thinking and being that it would rather its host body be unwell than allow it to engage in something that would help it remain healthy. So just breaking free of toxic ideas has allowed me to remain energetic throughout the years. 
But then there's also just this desire to do something meaningful with my one life. I don't have any ideas about an afterlife so I desire a certain sense of fulfillment in this life we are in right here and right now. I am on record as creating a lot of destruction in the innocent lives of people from my own community and I have a big debt to pay. I hope that when I die - however I die - that the people I hurt can see that I didn't take my actions lightly. I want them to see reflected through my actions a person who learned his lessons, turned his life around and gave something healthy to the world. And I don't have forever to get my work done so there's really no room for engaging in energy wasting activities.

"You have permission to dream" says one of your small written papers taken in photo on Instagram. May I ask you: what are your dreams made of ? Your waking dreams and your dreams when you sleep. Would you say that your works contain a part of dreamlike ?

As I mentioned, it's only been in the past few years that people on death row have had access to a few rehabilitation course. Still there's no education classes, not even the basic GED (General Educational Development Test). Whatever creative processes a person on death row engages in has to be self-directed and carried out alone in a cell. And I think one of the greatest creative processes a person on death row could engage in is one where they're recreating themselves into the person they need to be in order to survive. And then can perhaps share their insights in some form with others.

This is the long tradition of combating the premise of the death penalty - which is not that there are some people so dangerous they need to be murdered. No, the basis for societies being willing to sanction the killing of other people (aside from raw vengeance) is the idea that some of us have a deficit, inferior humanity and lack the intrinsic human qualities that make us deserving of being treated with dignity no matter who we are. 

There are two postcards tacked to the inside of the steel door to this cell. One features the face of a young girl giving the finger and the other the famous words of Banksy : "Art should comfort the disturbed and disturb the comfortable". Last night I had two dreams : one featured a steaming pile of about half a loaf of French toast on a blue plastic prison food tray. It was all covered in chocolate syrup. The second dream featured the top surfaces of the postcards removed. The remainder of the cards were still tacked to the door. This second dream startled me awake. It is like this for me : either the oblivion of desire or terror. That's the existential poles my existence as a human on death row in Texas oscillates between. 

My waking dreams are perhaps not much different, but because I have a lot more agency over those, they are more elaborate and usually more pleasurable. So like while I was practicing yoga this morning and when I'm suppose to be present with what's happening now, I was dreaming about being in this meditation room I always daydream of. There's wood and slate all around this very basic, clean space with huge windows to allow in the day or moon light and to see the woods not far away. This morning, the dream room was lit warm and low and there was some Palo Santo burning as I went through my asanas. Sometimes I'll find myself in this room while mediating and my mind has strayed from my breath. I'll be sitting there in this room and a little baby will crawl in towards me, cooing laugher, and climb into my lap. My friends have encouraged me to begin painting from this place as a way of putting out what it is I want in life, but right now my paintings come from the other end of the pole. 

So, yes, my paintings are derived from my dreams, mostly my waking dreams.They make critiques by way of connecting disparate ideas sometimes.When I tell people that I'm a bit surrealist they don't see it because they're expecting something that's riffing off Dalí. I'm definitely not aiming for irrationality, but you take my painting My African-American Stuck Dream and I've taken a real thing - sleep paralyses, which growing up I heard my peers call "stuck dreams." Then I've taken the language of the American Dream and mashed it all up and tried to show what the American Dream looks like for some Americans : You're stuck in some situation that doesn't make much sense yet you have this almost equally irrational hope that allows you to keep going after that elusive dream for which you're present reality just may be the inverse of. 

So my dreams are made of hope, longing and desire. The hope for change, the longing for forgiveness and the desire for pleasure in my life. The pleasure of two bodies coming together in private and the relief of not having my life under constant surveillance and threat. And my dreams are made of the terror in the possibility that I might not reach the promised land that my hopeful heart has placed before me to keep me moving forward in this wilderness I'm presently imprisoned.

Where is the religious thought around you and in you ? I read that you can be rather skeptical about rituals, institutions and even symbols. And that, while you seem moved by a kind of religious inspiration, of a religious nature, in the sense that religion is a set of beliefs that define man’s relationship with the sacred. Am I wrong ?

The artist Howard Guidry, a friend of mine, once made a portrait of me sitting folding origami cranes which then took flight out of he cell. That's the hopeful side of me. When I look at some of my visual art, I sometimes see this exorcising of what haunts me. This solitary cell is amber suspending me in the state of my teens when I committed my regrettable acts of harm. The cell refuses to see me as a 43 year old man who is not only sorry, but is in the words of Danielle Sered, practicing Doing Sorry with my youth outreach work. 

It is difficult to get away from certain ideas in such a container as this cell is, therefore so much of my art critiques the cage and its philosophical structures. In the very recent years there has been what I've termed a Rightwing Christian Renaissance on death row and in Texas prisons in general. But particularly at this prison with the introduction of inmate chaplains known as Field Ministers. These are a small group of people (though not sentenced to death) who have been selected for an education and a chance to minister to fellow prisoners across the prison. I'm not at all claiming this is a bad thing, but it simply means there's a spreading of the gospel. And in a setting where religion has historically been seen as a weakness it is now seen as cool. Which is cool. There have been many self-help courses facilitated by the field ministers on death row. I've taken part in many of them and am scheduled to participate in more in the upcoming months. The large majority of them are Christian based and most of the Christianity is positioned to the right. And because so many people on death row are deprived of any sort intellectual stimulation or activities - we naturally take to these programs passionately. And with the toxic culture of prison being what it is, a brand of Christian thought which pushes the patriarchy is easily integrated. 

Then, because the criminal legal system in the States has no desire for self-critique nor examinations of systemic forces impacting our behavior, there's a ton of focus on 'personal responsibility', which also fits right in with Christian ideas of free will. I'm far from an opponent of personal responsibility but I know that it's been impossible for me to thoroughly account for my harmful behavior by merely boiling everything around my harmful actions down to a matter of personal choice - as opposed to the effects of brain functioning, childhood trauma, historical trauma, addiction, mental health struggles and culture. 

Many of my peers are becoming better, healthier humans because of their engagement with Christianity - but especially because of their conversations with one another. I'm grateful to be part of a community with them ; they're good people. They are also helping me grow into a better person. But for me, Christianity reminds me of my past - bad ("don't spare the rod") and good (« love thy neighbor »). And it reminds me of the current political upheaval in my country, oftentimes stemming from actions taken by my state against marginalized populations. For my peers, it seems the associations are positive. Primarily (I suspect) because its all new to them as many didn't grow up in the church like I did. I can see both the beautiful and the hideous. Someone might counter me by pointing out that there are flaws in everything humans are involved in. Perhaps. But I think you have to be willing to see things as they are, fully, and engage with the unflattering aspects, not merely willfully ignore them.

I see this as an extension of what I'm asking for the lives of my peers and I here on death row : examine the totality of our humanity, don't just focus on one aspect. But because I grew up a fish swimming in the water of Christianity, when I hear the songs, the scriptures and the screaming for Jesus, I'm remained of moments in my past. Or the ways today a figure of liberation (Jesus) is being invoked to bind people. I welcome these triggered moments as opportunities to explore parts of myself (and my country) and gain insights, and heal perhaps.

I've read this quote by you on Scalawag: "This painting, like nearly all my paintings with Black figures, is autobiographical. The hips exist not as a fact at any point in time in my material reality, but in the space of my imagination - a place where the captive often flees so much from painful existence that it becomes automatic, and often a permanent state. This can have dangerous consequences for those held in perpetual solitary where they are denied the human necessity of constructing and confirming reality with others."

Can you elaborate on how this space can be, in your opinion, dangerous, if it is one of the only escapes, the only possible exits for many prisoners ? Because one could lose the reality that it shares with others ? Because the madness would not be far ? But madness, are you not already locked in it ? I mean, prison already is a mad place, isn't it ?

Yes, prison is a mad place. When you're an adolescent like I was when I was sent to death row you're still in this phase where you want to be like your peers. And most of your peers on death row are either your age or numerically older but trapped in the adolescent phase of development. So you're all bouncing off of one another and reproducing the madness of each but it all comes from a culture that we didn't create, that if you traced back we would arrive somewhere in pre-civil war America... 

I've always been a dreamy child. When I sat on my bike as a kid a theme song who start up as I petaled out of the backyard and onto the street. Sometimes my bike was a galloping horse and at other times it was a rugged four-wheel jeep exploring the trash strewn alleys of my neighborhood. For a lot of complicated reasons when I first got here I was acting out which landed me in the hole - a place of increased deprivation in this already barren hellscape. There I only had books and writing to occupy my mind in an external way. When I wasn't doing this or kicking up dust I was daydreaming. 

Sometimes I'd day dream with my friend Leon, talking through an air duct which linked our cells. We'd dream aloud about things we'd like to do, clothes we'd like to wear, colognes, cars, places, the type of peace we wanted for our lives. Sometimes we'd dream of a better, say more humane, form of confinement where we could simply be left the fuck alone, not harassed but just left to live out our years either til freedom, death by natural causes or an execution. We'd daydream about how we'd resist an execution ; we'd daydream about food we wanted - and not even food from the outside but just food from the prison store. That last part is because we were always so hungry in the hole where we were fed less than normal. And often as punishment, we were fed blocks of partially cooked bread with flecks of meat and vegetables in it.

But by myself,  I also daydreamed for hours. I dreamed very normal, middle class dreams of a wife, nice house, car and a kid. I dreamed of what a child would look like if I created one with this or that woman. I dreamed of traveling the world, to the Caribbean, Europe, Africa. I dreamed of being an artist, a writer, I dreamed of long hair, life in the sun. I dreamed of happiness. I looked at GQ magazines, Vogue magazines and I dreamed my way into the clothes, shoes, jewelry and coats I'd see in them. I dreamed of being back home with my family, in my community. I dreamed of building a community center in my neighborhood - because there wasn't one. I dreamed the dreams I needed realized as a kid. And I dreamed and I dreamed and I continue to dream. 

But sometimes I would see some of my peers who became their dreams and this frightened me. Instead of them saying they wanted to visit Costa Rica, they would say they use to live there and I know damn well they hadn't. Or they'd say they were in Jamaica the previous night, as if they just flew into death row that morning. Stuff like that. With some of us the line between reality and our dreams seemed to be erased and they flowed back and forth over the border that I often wondered how this happened. And I don't know. I'm not a psychologist. But it frightened me to the point where I started to suspect that it had something to do with being locked in the isolation of solitary (under a sentence of death) for so long and not having the benefit of a collective and consensual reality that is constantly reinforced by the presence of other people. 

I think we need one another to keep us in touch with what's real and without that the pain of reality can become so unbearable that taking up refuge in the dream becomes the mirage we escape into, sort of unaware that we are embracing oblivion, the abyss. One of my many saving graces over the years has been my repeatedly having people who demanded better of me. Friends here and on the outside - but especially my victim's daughter.They all forced me to stay awake and reflect on how I had and continue to show up in the world.


« Obie speaks » on The Death Row Soul Collective Facebook Page 


I hold tightly to the idea that a person's past does not have to define his present or his future's trajectory. For me the idea that a person is not the sum total of his most horrific moment is sacred scripture. The notion of a life without the possibility of an amazing grace in an often painful and dispiriting cage is,for me,suicidal ideation. If I, as I once have, believed the worst about myself,that the darkest moments of my life reflected my essential nature then there would be no reason to go on in this steel and concrete miniverse.

Its been the hope for a brighter external tomorrow (say,the abolition of the death penalty and the freedom of my girlfriend's kiss) that's kept me going,along with the crucial hope for a healthier me within myself (say,a me that has healed traumatized areas within me that lead to me wounding the bodies and souls of my community members). When I look back on my journey of healing beginning as teen on death row to my present age of 42, the throughline is love; love in its myriad embodiments,gestures and expressions. Often packed into standard business envelopes. 

In 2022 just weeks prior to the November 9th execution of Tracy Beatty, I overheard a couple guards discussing his sweetheart as "crazy" for being with him. I was locked in a visitation cage waiting for my friend to arrive and Tracy hadn't yet been escorted to the visitation room. But being the defender of love that I am and everyone's right to it, no matter their station or condition in life, I spoke up saying everyone deserves love. But the guard wasn't having it and stressed "but he's CRAZY!" 

"Okay, so what he's mentally ill? He still deserves all the love that's possible to a human being", I said back, but this only earned me a look that suggested she was now questioning my sanity. It was a rather deflating moment but I was buoyed by the fact that I stood up for the right of all humans to be in deep companionship with others.

The fact that we find ourselves in this place that's intended to disconnect us from all that sustains a human being is all the more reason to resist by connecting with others who can offer the essential ingredients of a healthy life. I always tell people that if they see anything worthy in me then they are seeing a reflection of all the love poured into me by soul friends and soul lovers alike, long before we gained phone access. 

I am informed by silent histories of people connecting and sharing warmth in dire conditions. We read our history books and we watch our historical dramas covering the darkest chapters of human history, but we don't always see or ponder the possibility of all the love that was made between and within these moments of depravity. However, we must see this because it’s key to understanding how so many people made it through the many hells which have popped up on earth. And, it’s only in seeing this love that at best has been scantly documented that we're able to understand how it’s possible to connect deeply with another person when all you have are written words between you. Words which are fashioned to wrap around the lovers.

To help us along, let's think briefly about sex among prisoners.It is often only seen through the lens of violence and coercion. And although this is indeed a serious problem which needs to be solved today,the discussions around sex among prisoners is woefully limited.What we don't hear about are the people who are connecting intimately and genuinely while behind bars--with fellow prisoners.
 
They are finding warmth,support and nourishment.

Now, in the same way that intimate relationships among prisoners are condensed to sensational talk of prison rape--which again is a serious problem--the love lives between people on death row and the outside world are similarly reduced. We simply are loathed to admit that the people we throw away in prisons are capable of and worthy of love. We seek rather to control and limit the amount and kinds of pleasure they can access. So we stick to typical lurid tales of naive women taken for a ride by cunning prisoners who are so lonely they'll "take anything.” These exasperating thoughts disparage everyone. Women are cast as gullible victims of low self-esteem,not agents of their own happiness. Around the men the narrative of the morally bankrupt and desperate is continued from the courtroom.It is all furtherance of the condemnation process designed to lock people evermore deeply in isolation so that they can ultimately be annihilated.All the while no one stops to consider that this guy could have finally come to his senses about what truly matters in life. Not media-driven notions of beauty and desirability but genuine connection, companionship and comfort. Connection no matter where,no matter the obstacles--no matter what. 

A lot has been said of Tracy Beatty singing Amazing Grace before he was walked out of here to his death. Some say it was miracle,a work of God that Tracy, a man we all know suffered, would have a song to sing in his final day. Me, I'm not a proponent of the unseen and unverified, but I've sat face to face with love while locked in a death row visitation cage and have seen what an embodied amazing grace it is. 

Obie Weathers, 2024

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