La remarquable croissance économique chinoise de la dernière décennie n’est pas la seule force motrice du boom des matières premières. La faiblesse structurelle des prix très volatiles des ressources naturelles confirment que, sur le long terme, ce marché haussier est principalement le reflet d’une chute prolongée du dollar américain. Cette tendance est accentuée par le poids croissant des nombreuses économies émergentes. Aussi, à l’avenir, les prix des « commodités » pourraient ne plus évoluer conjointement et se comporter individuellement en fonction des facteurs d’offre et de demande spécifiques aux besoins de chaque économie.
Forte influence chinoise sur le prix des matières premières
Au cours de la dernière décennie, la Chine a connu une croissance économique exceptionnelle se traduisant par une hausse moyenne de son PIB de plus de 10% par an. Ainsi, en l’espace de sept ans, cette économie a doublé et triplé ces 13 dernières années.
Cette foudroyante expansion a conduit Pékin à importer massivement des matières premières. Ainsi les importations de minerai de fer ont été multipliées par dix passant de 70 millions de tonnes en 2000 à 763 millions de tonnes aujourd’hui. Il en va de même pour ses importations de cuivre qui sont passées de 1,6 million de tonnes, pour la même année, à plus de quatre millions de tonnes en 2013. Depuis 2007, ce géant asiatique achète deux fois plus de minerai de fer, 1,5 fois plus de cuivre et six fois plus de charbon aux autres pays.
L’Empire du Milieu, exportateur net de pétrole il y a 17 ans, est devenu aujourd’hui le deuxième plus grand importateur d’or noir, à raison de 5,4 millions de barils quotidiens. Aussi sa responsabilité est lourdement engagée dans la hausse des prix des matières premières de cette décennie.
Malgré le ralentissement de sa croissance depuis 2012, cette dernière se maintient à un taux respectable de 7 à 8% par an et contribue toujours à hauteur de 33% de la croissance mondiale. Ceci en fait l’un des principaux acteurs pesant sur les prix des « commodities ».
La chute du dollar est responsable du marché haussier des ressources naturelles sur le long terme
Suite à la hausse de la demande chinoise de matières premières et dans un contexte d’augmentation des prix, Pékin a semblé être la principale force motrice de ce boom. Il n’en est rien.
A qui attribuer la structure fragile des prix volatiles des ressources naturelles ? A la politique monétaire des États-Unis ! En effet, les données des échanges commerciaux confirment que, sur le long terme, le marché haussier des « commodities » [1] - aggravé ces dix dernières années par une spéculation féroce - était en grande partie le reflet d’une chute prolongée du dollar US.
Cette tendance se manifestait déjà dans les années 90 où le cours du pétrole était à son niveau historique le plus bas (10 $ le baril). L’économie américaine était alors en plein boom avec un dollar fort et donc des ressources naturelles au prix peu élevé.
Les prix des matières premières pourraient ne plus évoluer à l’unisson
Cette forte orientation est accentuée par le poids croissant des nombreuses économies émergentes dans la balance mondiale. Ces dernières se développent rapidement - soutenues par la consommation de leurs jeunes populations – et rejoindront bientôt le club très fermé de « l’establishment » actuel.
Ainsi peut-on estimer que les prix des matières premières pourraient ne plus évoluer ensemble à l’avenir [2]. Les investisseurs devront désormais se concentrer sur des matières individuelles, selon les facteurs de l’offre et de la demande et en fonction des besoins spécifiques à chaque économie.Maxence Dagher
[1] Les prix des matières premières évoluent en sens inverse du taux de change du dollar. Si le dollar apprécie alors le cours des matières premières baisse et inversement si le dollar déprécie, le cours des matières première apprécie. Exemple : une dépréciation du dollar – qui correspond à une appréciation de l’euro - a mécaniquement pour conséquence une hausse du prix du pétrole qui lésera les consommateurs en zone dollar mais protégera les consommateurs en zone euro.
[2] Les prix des différentes matières premières évolueront indépendamment les unes des autres. Une chute du dollar n’entraînera pas nécessairement une hausse conjointe des prix des différentes ressources naturelles. Ces prix évolueront individuellement en fonction des nouveaux facteurs que nous venons d’évoquer mais surtout conformément à la dictature des marchés financiers qui obéissent, eux, à une logique spéculative ultra-libérale.