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Billet de blog 7 décembre 2014

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Le $ face à l’€ : un rapprochement pour contrer les grands émergents ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans le paysage économique actuel, on ne peut plus prétendre émettre une monnaie de réserve mondiale basée sur le déficit budgétaire et les bons du trésor d’un pays pour couvrir les besoins en monnaie globale d’une planète. Tout comme l’avènement du dollar s’est fait par le lent déclin de la livre sterling, le billet vert doit garder une place prépondérante tout en acceptant de partager sa puissance et son privilège de monnaie de réserve globale avec les grands émergents et l’Europe. Aussi, les grandes économies doivent contribuer ensemble à la mise en place d’une monnaie mondiale commune émise par un FMI réformé et axé sur la cogestion des crises financières après un nouveau Bretton-Woods financier.

Dans ce monde en pleine mutation, le $ reste pour le moment incontournable. Son déclin est très relatif car si les USA vont mal, les grandes économies - quant à elles - se portent encore plus mal. L’Europe est trop lente, trop désorganisée alors que la Chine ne dispose pas encore de marchés financiers solidement structurés pour s’octroyer une plus grande place. De plus, son économie reste fragilisée par des bulles financières et immobilières en gestation avancée. Le Japon affaibli depuis longtemps par une déflation pugnace et dont la dette atteint 220% de son PIB essaie de remonter la pente en procédant à des dévaluations compétitives du Yen.

Tous les marchés de matières premières sont cotés en dollar. Soit 85% des opérations de change ; 50% des obligations et 60% des réserves en devises. Le billet vert reste de loin la première devise mondiale. L’ensemble des opérateurs internationaux sont soumis au risque de change à l’exception des banques américaines qui prêtent et sont remboursées en $.

Les taux d’intérêts américains sont bas tout comme le taux d’imposition de leurs entreprises ce qui leur permet d’attirer les capitaux étrangers. Les marchés financiers travaillent bien. Ils sont très liquides car les autres nations y échangent de grandes quantités de dollars et de bons du trésor US. Le QE (quantitative easing) permet de stériliser les déficits jumeaux de la balance des paiements et déficit budgétaire en créant de l’inflation. Dans ce contexte géopolitique Washington reste en position dominante.

Juste derrière se situe l’Europe, cette grande économie ouverte dotée d’une architecture bancaire, de bonnes structures de marchés et dont l’euro peut prétendre devenir une monnaie de réserve mondiale.

La monnaie unique est certes une réussite technique mais elle souffre des faiblesses structurelles des institutions européennes qui sont initiatrices et gestionnaires de son émission. La zone euro a des défauts de fonctionnement et souffre d’une lenteur chronique conséquence directe de la structure des traités à l’origine de l’Union. La BCE ne joue pas encore son rôle de vraie banque centrale. Elle commence à peine à se doter des politiques nécessaires pour faire face à la guerre des monnaies. L’Europe souffre d’une crise politique, d’une crise de l’exécutif et d’une crise d’État car il n’y a pas de gouvernance économique forte. L’euro, c’est une monnaie sans État.

L’€ et le $ représentent les valeurs numéraires de deux grandes économies ouvertes, disposant chacune d’une excellente infrastructure bancaire et de marchés financiers bien structurés. Elles sont toutes les deux en très bonne position pour prétendre jouer le rôle de devises globales. Dans un monde subissant de plein fouet, depuis 2010, la guerre entre les États-Unis et les grands émergents à direction russo-chinoise qui contestent ouvertement l’hégémonie du dollar US, il devient urgent de s’allier pour former un bloc de 800 millions d’habitants. Le monde occidental pourra ainsi peser dans la balance afin qu’une nouvelle monnaie commune mondiale émise par un FMI réformé remplace progressivement et en douceur le dollar qui deviendrait alors une forte monnaie zonale tout comme l’euro, le Yen et le Yuan. La période de transition devrait se faire via des cotations non plus en dollar mais en un panier de devises comportant à la fois des euros, des dollars, des Yen, des Yuan et de l’or.

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