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Billet de blog 8 juin 2013

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Marchés émergents et Goldman Sachs : des « BRIC » aux « MIST »

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En 2001, après une décennie de boom de l’investissement, Jim O'Neill [1] - économiste de la firme Goldman Sachs - a trouvé un nouveau sigle accrocheur concernant les quatre plus grandes économies de marché émergentes, - le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine (BRIC) -. En 2010, le Président de la division gestion des actifs de la Banque d’Affaires Goldman Sachs a présenté un nouveau quatuor de pays à croissance accélérée : le Mexique, l'Indonésie, la Corée du Sud et la Turquie (MIST en anglais).

MIST : nouveau quatuor de pays à croissance accélérée

Suite au manque d’ardeur des investisseurs pour les « BRICS », Goldman Sachs a proposé à ses clients un nouvel acronyme pour le club des marchés émergents les plus récents : les « MIST ». Le Mexique, l’Indonésie, la Turquie et la Corée du Sud.

L'étiquette « BRIC », au départ une pure construction théorique destinée à déplacer des produits d'investissement, est devenue d’une importance mondiale. Mais qu’en est-il des « MIST » ? Dans la conjoncture actuelle, la disparité culturelle et politique existant entre les « MIST » rend le bloc des « BRIC » encore plus cohérent. Néanmoins, ce nouvel ensemble de pays partage un grand potentiel économique.

Mexique : des freins puissants à la réalisation de son potentiel économique

Possédant une base démographique solide qu’il partage avec d’autres « MIST », une main-d’œuvre majoritairement jeune [2] et en pleine expansion, un taux de croissance démographique de plus d’1% en 2012, le Mexique dispose d'un socle de travail important sur lequel s’appuyer, ingrédient essentiel d’une future croissance économique [3].

Idéalement placé pour prendre la relève d’une Chine où l’augmentation des salaires réduit la compétitivité d’une industrie manufacturière globalisée [4] à faible production et valeur ajoutée ; il bénéficie également – grâce à sa position géographique - d'une réduction des frais d'expédition sur le marché américain. Il en est de même pour le marché des pays de l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord). Ainsi, fort de ses avantages de fabrication, Mexico a vu augmenter de 10% sa part des importations américaines de 2009 à 2010.

Pour autant, cela ne signifie pas que la Chine, moteur de l'économie mondiale, soit supplantée. En effet, elle garde toujours de considérables avantages économiques propres. Au contraire, le Mexique se situe bien au sein d’un giron chinois qui reste prépondérant dans le monde du faible coût de fabrication [4]. Une transition que l’empire du milieu lui-même encourage pour augmenter ses salaires ainsi que sa consommation intérieure.

La corruption généralisée et la guerre contre les cartels de la drogue restent des freins puissants qui fragilisent ce pays.

Indonésie : la plus grande économie d'Asie du Sud

Comme le Mexique, l'Indonésie [5] a une distribution démographique propice à une croissance économique rapide. Ce pays récoltera un « dividende démographique » au cours des prochaines décennies car sa population active surpasse déjà celle des personnes âgées dépendantes.

Jakarta – elle aussi très bien située pour profiter de la zone ASEAN-Chine de libre -échange – est la plus grande économie d'Asie du Sud. Ceci lui a permis d'enregistrer trois années consécutives de croissance du PIB de plus de 6% de 2009 à 2012.

Son économie se distingue parmi les « MIST » en raison de son niveau élevé de consommation intérieure qui représente plus de 60% de son PIB (Chine : 35%). Elle a pu ainsi surmonter le choc de la crise asiatique de 1998 et la grande récession qui en a découlé. L'Indonésie  continue à croître à un rythme soutenu.

Néanmoins, cette économie reste toujours dépendante des taux de croissance et de décroissance de l'économie mondiale, ses exportations étant dominées par les produits et les ressources naturelles importées majoritairement de Chine. Aussi, tout ralentissement de son grand voisin du nord aurait des conséquences terribles sur son économie fragilisée par un sérieux problème de corruption.

Turquie : l'une des prochaines grandes économies mondiales émergentes

Comme le montrent les chiffres de ces quinze dernières années, la Turquie [6] se positionne comme l'une des prochaines grandes économies mondiales émergentes. Contrairement aux populations vieillissantes qui caractérisent d'autres puissances économiques dans la région, ce pays bénéficie d'une répartition démographique extrêmement favorable à sa croissance. Elle jouira bientôt du « dividende démographique » d'une population majoritairement jeune tout comme la Chine et le Brésil. De plus, elle dispose d’un autre atout : celui d’un marché intérieur fort de 79 millions d’habitants.

Une différence essentielle entre la Turquie et d'autres économies régionales est son faible ratio de dette au PIB, actuellement stabilisé à un taux d’environ 40%. De plus, elle a reçu un investissement direct étranger (IDE) impressionnant de $ 22 milliards en pleine crise financière globale de 2008. Ceci fait donc de la Turquie une puissance économique en devenir.

Corée du Sud : considérée déjà comme une économie développée

La Corée du Sud [7] – au grand dynamisme économique – reste une exception dans les pays « MIST ». A bien des égards, elle peut déjà être considérée comme une économie développée et sera donc classée comme telle par tous, des pays du nord aux institutions internationales comme l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

Disposant d'un revenu par habitant de $ 27.000, son économie - tirée par les exportations - reste alimentée par une forte valeur ajoutée manufacturière. Autre atout : la maturité de ses institutions politiques qui lui permet de réduire la corruption.

La position avancée de la Corée du Sud sur l'arc du développement économique signifie aussi que sa démographie diffère de celles des autres pays « MIST ». Sa population est la plus petite du club et représente ainsi le marché intérieur le plus étroit. En termes de répartition par âge, elle est nettement plus âgée. On notera aussi un taux de croissance démographique de 0,2% seulement (176ème au rang mondial) jumelé à une des lois les plus strictes d'immigration au sein de l'OCDE. Ceci en fera rapidement un pays vieillissant.

« Fonds N-11 Equity » de Goldman Sachs

En termes de PIB et de participations dans des fonds, les nations « MIST » sont les plus grands marchés au « Fonds N-11 Equity » de Goldman Sachs. Lancé en Février 2011, le fonds disposait à partir du 30 juin de 113 millions de dollars d'actifs répartis à travers 73 portefeuilles d’actions. En août de cette année, « N-11 » a surclassé les 410 millions de dollars de participations dans les fonds Goldman Sachs du Brésil, de la Russie, de l'Inde et de la Chine, atteignant ainsi une croissance de 12%, comparativement à un gain de 3,2 % pour les « BRIC ».

Outre les pays « MIST », le fond « N-11 » comprend le Bangladesh, l'Égypte, le Nigeria, le Pakistan, les Philippines et le Vietnam. L'Iran en est également membre malgré les sanctions américaines limitant strictement la façon dont les banques investissent dans ce pays. Avec des populations en général plus jeunes que celles des États-Unis et de l’Europe, les nations « N-11 » [8] attirent plus les investisseurs.

Ainsi, en se basant sur les taux de croissance économique, ils ont versé, de 2001 à 2010, environ $ 67 milliards en actions « BRIC », période pendant laquelle ils ont battu l'indice boursier Standard & Poor de 281 points de pourcentage. Ces derniers ont alors retiré environ $ 15 milliards cette même année suite au « refroidissement » de ces économies.

Citigroup et BLK : acronymes CARBS et CASSH

De même, Citigroup a introduit en 2010 un acronyme « CARBS » pour le Canada, l'Australie, la Russie, le Brésil et l'Afrique du Sud - ces pays fournissant en tant que groupe - 25 à 50% des produits dans le monde. Quant aux analystes de BlackRock (BLK), ils ont créé l’acronyme « CASSH » pour les économies financièrement solides, soit le Canada, l'Australie, Singapour, la Suisse et Hong Kong. Les PIIGS (Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne), eux, sont maintenant de notoriété publique.

Les pays « MIST » tireront bientôt une forte croissance mondiale

L'acronyme « MIST » est né du désir d’acheminer les produits d'investissement Goldman Sachs, tout particulièrement le « Fonds N-11 Equity ». Ce dernier montre aux investisseurs que les quatre pays « MIST » disposent d’arguments solides et tireront bientôt une forte croissance mondiale - à l'exception de la Corée du Sud, déjà en forte croissance – faisant d’eux un bloc très cohérent.

[1] Jim O'Neill est un économiste de la firme Goldman Sachs. Il dirige la filière Goldman Sachs Asset Management. Il est surtout connu pour ses analyses économiques concernant le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine. Il utilise le terme « BRICs » dès 2001 pour les désigner, dans son article The World Needs Better Economic BRICs. Il est également l'auteur du sigle « MIST » (en anglais) pour désigner le groupe de pays Mexique, Indonésie, Corée du Sud et Turquie. O'Neill a un intérêt pour le Forex. Il y obtient un certain succès. En 2005, Gavyn Davies (en anglais) le décrit comme « le meilleur économiste de Forex de la dernière décennie ». Le 5 février 2013, la banque annonce dans un communiqué que Jim O'Neill quittera ses fonctions dans le courant de l'année pour des raisons qui restent encore inconnues. Il s'agirait cependant selon plusieurs analystes d'un différend quant au positionnement stratégique de la filiale de gestion Goldman Sachs Asset Management. (Source Wikipedia)

[2] Actuellement, il y a neuf enfants pour chaque personne âgée au Mexique.

[3] Le Mexique a une population d’environ 115 millions répartie en une structure d’âge de 27,8% pour les 0-14 ans, 65,5% pour les 15-64 ans, 6,7% pour les 65 ans et plus. Son PIB est de 1,155 milliards de dollars – distribué entre agriculture : 3,8% / Industrie : 34,2% / Services : 62%. Il exporte principalement des produits manufacturés, des produits pétroliers et du pétrole, l'argent, des fruits, des légumes, du café et du coton. Il reste classé au 100e rang mondial pour la corruption.

[4] Le salaire manufacturier moyen en Chine a dépassé celui du Mexique plus tôt cette année.

[5] L’Indonésie a une population d’environ 249 millions répartie en une structure d’âge de 27% pour les 0-14 ans, 66,6% pour les 15-64 ans, 6,4% pour les 65 ans et plus. Son PIB est de 845,7 milliards de dollars - distribué entre agriculture : 14,7% / Industrie : 47,2% / Services : 38,1%. Elle exporte principalement du pétrole et du gaz, des appareils électriques, du contreplaqué, des textiles, du caoutchouc. Elle reste classée au 100e rang mondial pour la corruption.

[6] La Turquie a une population d’environ 80 millions répartie en une structure d’âge de 26,2% pour les 0-14 ans, 67,4% pour les 15-64 ans, 6,4% pour les 65 ans et plus. Son PIB est de 778,1 milliards de dollars – distribué entre agriculture : 9,3% / Industrie : 28,1% / Services : 62,6%. Elle exporte principalement des vêtements, des produits alimentaires, des textiles, des fabrications métalliques et du matériel de transport. Elle est classée au 100e rang mondial pour la corruption.

[7] La Corée du Sud a une population d’environ 49 millions répartie en une structure d’âge de 15,1% pour les 0-14 ans, 73% pour les 15-64 ans, 11,9% pour les 65 ans et plus. Son PIB est de 1,116 milliards de dollars - distribué entre agriculture : 2,6% / Industrie : 39,2% / Services : 58,2%. Elle exporte principalement des semi-conducteurs, des équipements de télécommunications sans fil, des véhicules automobiles, des ordinateurs, de l'acier, des navires, des produits pétrochimiques. Elle est classée au 43e rang mondial pour la corruption.

[8] Confrontation des marchés émergents : indice de facilité à faire des affaires (rang moyen) BRIC 117 - MIST 65. Nombre de personnes âgées de 20 à 50 ans (2010) BRIC 1,65b - MIST 0,26b, production économique totale (2011) BRIC $13,5t - MIST $3,9t, croissance annuelle moyenne du PIB (2011) BRIC 5,8% - MIST 5,6%. (Source : Fond Monétaire International, Banque Mondiale, Nations Unies).

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