La guerre des monnaies menée par les États-Unis et la Chine s’étend et menace les grands états du monde qui se trouvent depuis un certain temps dans une situation financière déséquilibrée. Elle aura pour conséquence une récession généralisée et durable dont le système monétaire mondial actuel ne se remettra pas. Aussi un nouveau Bretton Wood s’avère indispensable et ce très vite !
Compétition entre le dollar américain, le Yuan chinois et l’euro
La guerre des monnaies [1] est le nom d’une politique agressive opposant plusieurs puissances économiques. Dans cette confrontation, des pays ou zones économiques tentent de garder le taux de change de leur monnaie le plus bas possible. Car ce dernier favorise les exportations : ainsi un pays lambda peut placer plus facilement ses produits [2] sur les marchés mondiaux au détriment de ses concurrents. En contrepartie, il renchérit les importations ce qui peut protéger certains secteurs de son économie [3] d’une concurrence internationale trop féroce.
Actuellement ce sont surtout le dollar américain ($ ou USD), le Yuan chinois (元ou CHY) et l’euro (€ ou EUR) qui sont en compétition. Autour de ce trio gravitent le Yen japonais ((¥ ou JPY), le Réal brésilien (R$ ou BRL) et en Europe, la Livre britannique (£ ou GBP) et le Franc suisse (Fr ou CHF). Mais elles ne peuvent pas toutes reculer simultanément car une monnaie trop faible devient alors très risquée.
Chine : surchauffe économique et apparition de grandes bulles spéculatives
La Chine maintient artificiellement une valeur du yuan à un niveau bas - sous-évalué de 40% en 2013 - pour stimuler sa croissance tout en engrangeant du dollar. Elle pourrait donc être confrontée à une surchauffe économique et à l’apparition de grandes bulles spéculatives.
États-Unis : risque d’inflation élevée
Depuis 2010, la planche à billets US fonctionne à plein régime pour soutenir l’activité domestique et favoriser la baisse du dollar. Aussi les États-Unis - grands consommateurs de produits importés - pourraient être confrontés à une inflation élevée.
Le Japon se lance également dans une dévaluation compétitive
Le Japon, cet autre poids lourd de l’économie mondiale, en "stagflation" [4] depuis près de 20 ans - en se lançant lui aussi dans une dévaluation compétitive - vient perturber cette situation anormale qui favorise américains et chinois. Ainsi l’Inde, l’Australie et la Corée du sud, annoncent des mesures immédiates pour contrer cette démarche.
Une récession généralisée et durable
La conséquence de cette politique est une perte de confiance dans les monnaies, responsable d’une baisse immédiate des échanges, du commerce international et donc d’une récession généralisée et durable. Aussi elle n’a donc aucun sens et ne peut s’inscrire dans la durée... Or cette confiance est le seul soutien du système mondial depuis Bretton Wood rendant cette situation la plus dangereuse de ces cinquante dernières années.
L’Europe est politiquement mal organisée pour se défendre
Aujourd’hui, seule l’Europe, grâce à l’Allemagne, représente l’ultime gardien d’un concept monétaire bafoué. Néanmoins, une trop forte baisse de l’euro mettrait en danger ses États constituants - très endettés - qui risqueraient alors de faire exploser la monnaie commune.
Mais, comme dans toutes les guerres, il y a des alliances. La Chine qui détient beaucoup de réserves de change libellées en dollars et en euros n’a aucun intérêt à provoquer une forte chute de ces deux monnaies.
Néanmoins il est à craindre que l’euro soit le grand perdant de cette guerre car il ne dépends pas d’un seul gouvernement et n’est politiquement pas bien organisé pour se défendre. Aussi un nouveau Bretton Woods est indispensable, très vite, d’autant qu’aucune solution ne semble se dégager.
Nouveau Bretton Woods financier : cogestion des crises et réforme du FMI
Un Bretton Woods financier réunissant tous les acteurs, aurait l'avantage d’envoyer le signal de la rupture, tant sur la nature des relations entre la finance et l'économie réelle que de la réalité des nouveaux rapports de force internationaux.
Cette conférence financière mondiale permettrait un meilleur fonctionnement des agences de notation, l’élargissement du périmètre de la réglementation prudentielle, l’ajustement des normes comptables internationales, l’accord sur des règles du jeu appliquées par les fonds souverains, ainsi que l’amélioration du contrôle interne et de la supervision externe des institutions financières.
Elle donnerait de la cohérence à tout cela et éviterait, à l’avenir, les dramatiques désordres d'aujourd'hui, en supervisant mieux les marchés.
Ce Bretton Woods devrait aussi redéfinir le rôle du FMI dont les clients ont fui en raison du choc pétrolier et de la flambée des prix alimentaires pour se désendetter et voler de leurs propres ailes. Il doit désormais se consacrer, à titre principal, à la prévention, à la détection avancée et à la cogestion des crises bancaires et financières de nature systémique afin que leurs effets néfastes soient très atténués.
Cette conférence devrait également permettre une meilleure cogestion des crises en faisant collaborer plus efficacement les gouvernements, les banques centrales et le Fonds. Le FMI se verrait alors doté d’un pouvoir réglementaire en matière bancaire et financière tout particulièrement en ce qui concerne les questions globales - agences de notation et fonds souverains -. Néanmoins, il laisserait aux États et à l'UE le soin d’exercer l'essentiel du pouvoir réglementaire et du contrôle prudentiel dans ces deux domaines.
L’Europe - aujourd'hui la victime des désordres d'outre-Atlantique - doit devenir l’acteur principal de la mise en œuvre d'une gouvernance bancaire et financière de qualité dans l’équilibre économique mondial à venir. C'est à elle donc de prendre l'initiative de ce nouveau Bretton Woods, dont elle sortira certainement plus unie et plus renforcée.Maxence DAGHER
[1] La "guerre des monnaies" est le nom donné à une confrontation dans laquelle des pays ou zones économiques tentent de garder le taux de change de leur monnaie le plus bas possible.
[2] Comme les voitures, téléphones ou textiles.
[3] Par exemple, le secteur agricole.
[4] Pas de croissance et dette de 200% supprimant toute marge de manœuvre budgétaire.