Après des années d’une hausse spéculative des prix de 30% par an, l’immobilier chinois connaît sa première crise. Suite à la chute du nombre de transactions, 177 agences parmi les plus petites ont fermé, en octobre, à Pékin. La crise ne sera pas sans conséquence sur l'économie mondiale.
Le nombre d'appartements invendus dans la capitale s’élevait à plus de 120.000, son plus haut niveau en deux ans et demi. Les négociations sont passées de 1.000,-- € / appartement à 5.000 / 10.000 €. Idem pour les prix qui ont évolué depuis juillet de 1.800,-- € / m² à environ 1.400,-- € / m². Face à des acheteurs potentiels préférant désormais attendre une confirmation de la baisse, les promoteurs ont de plus en plus de mal à convaincre et bradent les appartements non-vendus, ce qui induit une chute de la valeur de ces résidences.
Bon nombre de promoteurs vont jusqu’à offrir la climatisation, un garage gratuit voire une grosse cylindrée, soit environ 13% de la valeur d'un appartement de luxe.
Depuis octobre, les tous derniers acheteurs protestent et manifestent avec violence contre des promoteurs immobiliers leur ayant vendu des appartements juste avant de baisser leurs prix. En conséquence, ils demandent l’annulation de leurs contrats de vente.
D'après l'agence de notation Standard & Poor's, les prix pourraient tomber en moyenne de 10% d'ici un an. On peut donc s’attendre à une tendance négative sur plusieurs mois voire plusieurs trimestres.
Pékin resserre le robinet du crédit
A l'automne 2009, Pékin a financé un plan de relance de 4.000 milliards de yuans (462 milliards d'euros) pour répondre à la crise financière. Cette manne du crédit a contribué à une flambée des prix de l'immobilier en 2009 et 2010. Ceci a engendré de l'inflation - par gonflement de la masse monétaire - fragilisant les banques et contraignant Pékin à resserrer l’offre de prêts et à contrôler l’achat des résidences secondaires.
Le gouvernement chinois est donc à l’origine de cette baisse qui pourrait atteindre 15% et qui durera plus longtemps que celle de fin 2008 - début 2009. Pékin frappe ainsi très fort pour contenir une inflation galopante et apaiser les classes moyennes révoltées par le prix des appartements. Tout est fait pour éviter la surchauffe de cette économie.
Les restrictions sur le crédit ou le nombre d'appartements que les particuliers peuvent acheter seraient maintenues et le gouvernement a exclu d'intervenir dans l'immédiat pour enrayer cette tendance. Ces mesures expliquent en grande partie le retournement du marché.
Éclatement de la bulle immobilière : dans 6 mois ?
Si la baisse se confirme sur plusieurs mois, elle aura sûrement des conséquences sur l'économie mondiale car les répercussions d'une crise du secteur de la construction de logements en Chine - qui draine un cinquième des investissements - vont se faire sentir dans d'autres secteurs et au-delà des frontières.
Les secteurs les plus touchés seront ceux des matières premières, de l'électroménager et de l'électronique grand public (les achats d'appartements allant souvent de pair avec l'acquisition de nouveaux appareils). De plus, la demande pour le ciment, l'acier, le béton ou l'aluminium sera également affectée car la Chine est le premier producteur mondial d'acier et de ciment.
Ainsi le marché immobilier chinois - pilier de la deuxième économie mondiale - commence à battre de l'aile et pourrait entraîner dans sa chute d'autres secteurs dont les marchés mondiaux des matières premières. La correction du marché devrait cependant rester limitée alors que la demande demeure très forte dans un pays en voie d'urbanisation rapide. D’ici six mois, cet ajustement va faire éclater la bulle qui grossissait depuis cinq ans. En conséquence, la croissance économique de ce pays ralentira d’un point ou deux.
Les marchés mondiaux et le FMI espèrent un ajustement et surtout pas un effondrement. Pékin est appelé à la prudence car un ralentissement des exportations d’acier ou de ciment est déjà prévu dans les prochains mois ayant pour conséquence le non-remboursement de prêts aux banques. Néanmoins, pour les analystes, le pays ne devrait pas connaître une chute généralisée du crédit comme aux Etats-Unis.
Une économie fragile
La grande différence entre la Chine et les Etats-Unis réside dans la faible exposition de ses concitoyens au crédit. En effet, pour acheter un appartement dans ce pays, il faut un apport de départ de 20 à 30% de sa valeur. Cette différence fondamentale explique une récession moins forte qu’en Amérique sans défaut de paiement des acheteurs auprès des banques. Ces investisseurs peu endettés et ayant un apport personnel conséquent ne seront pas trop lésés. Par contre, les entreprises dont l'immobilier était « la vache à lait » vont souffrir et fragiliser l’économie.
La phase de correction qui s'amorce ne sera pas suivie d'un boom semblable aux années 2009-2010. Cependant, grâce au développement du marché obligataire, les Chinois auront bientôt, en dehors de l'immobilier, plus de moyens à leur disposition pour faire fructifier leur épargne.
Après avoir dépensé sans compter ces dernières années, les provinces chinoises accusent une dette de plus de 1.000,-- millions d’euros. Or leur richesse est largement liée à la vente de terrains et donc à l’état de santé du marché immobilier.
Il est plus difficile d’évaluer les risques qui pèsent sur les gouvernements locaux et les entreprises ce qui fragilisera la croissance chinoise.
Vers un effondrement brutal des marchés boursiers ?
Lorsque les marchés réaliseront l’énorme surcapacité de production de l’empire du Milieu, l’explosion de la « bulle » pourrait se produire. Alors cette économie en très forte croissance, risquerait de s’effondrer sous le poids des crédits considérables octroyés par la Banque du Peuple, entraînant une dévalorisation massive des actifs immobilier et boursiers.
Le marché des matières premières, entre autres du fer et de l’acier, s’effondrera ; les producteurs d’acier de ce pays étant confrontés à des stocks excessifs de produits finis supérieurs de 29 % à la demande et dont le tiers de la production est risquée sur le cours du fer sous forme de produits financiers structurés.
Les jours sombres sont devant nous
L’effondrement brutal des marchés boursiers chinois, engendrant un ralentissement de la croissance de ce pays bien au-dessous de 8%, aura des conséquences sociales et politiques très graves. De plus, une chute des marchés financiers mondiaux fermerait encore davantage le marché du crédit aux entreprises conduisant l’économie globale déjà très secouée par la crise de la zone euro vers une nouvelle dépression. Des jours sombres s’annoncent pour le village planétaire. Maxence Dagher