maxence.dagher

Chercheur en économie internationale appliquée au CEM

Abonné·e de Mediapart

27 Billets

0 Édition

Billet de blog 24 janvier 2016

maxence.dagher

Chercheur en économie internationale appliquée au CEM

Abonné·e de Mediapart

Italie : sa situation économique peut-elle faire vaciller la zone euro ?

L’Italie, troisième économie de l’Union monétaire, se trouve dans une situation délicate et risquée. Malade de sa dette, elle pourrait faire vaciller l’Europe si les réformes actuellement entreprises n’aboutissent pas rapidement.

maxence.dagher

Chercheur en économie internationale appliquée au CEM

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Zone euro: après la Grèce, l'Italie ?

Tous les regards se tournent vers Athènes qui livre en ce moment un dur combat à l’issue incertaine pour se conformer aux conditions de son troisième plan de sauvetage. Rome se trouve également dans une situation délicate et risquée qui inquiète nombre d’économistes. De sombres perspectives l’attendent. Aussi sa situation mérite attention et vigilance.

Les analystes ont cru un moment que ce pays à la dette abyssale – supérieure à 132% de son PIB – était en voie de rémission. En fait, une analyse rigoureuse nous contraint à tempérer cet optimisme et à constater que l’avenir hasardeux de la péninsule pourrait faire vaciller l’Europe.

Croissance du PIB par habitant la plus faible de la zone euro

L’Italie a connu la croissance du PIB par habitant la plus faible de la zone euro entre 1997 et 2007 ; mais contrairement à l’Espagne et à l’Irlande ce pays était dans une situation économique peu favorable bien avant l’arrivée de la crise de 2008 qui trouve son origine dans plusieurs facteurs, notammentun faible investissement dans l’éducation et l’innovation ainsi qu’une démographie défavorable.

Les banques italiennes fragilisées par un grand volume de crédits douteux

Les banques italiennes nagent dans les crédits douteux résultant de l’augmentation des prêts non performants des entreprises de la péninsule. Aussi le plus grand danger menaçant la zone euro n’est probablement pas la Grèce mais deux de ses poids-lourds, à savoir la France et l’Italie, tout particulièrement le secteur bancaire transalpin. Ceci inquiète plusieurs économistes dont certains prévoient une crise majeure pour bientôt.

Programme d'austérité budgétaire

L’Italie n’est pas sure politiquement et on ne peut pas présager que la situation économique va s’améliorer.

Les mesures et le calendrier du plan de réforme national de Romecontribueront à stimuler la performance économique de ce pays. Néanmoins, cet effet bénéfique sera quelque peu atténué par un contexte de resserrement des conditions financières et en raison du programme d'austérité budgétaire du gouvernement.

Rome endettée à hauteur de 1.900 milliards d’euros en 2012 essayait de retrouver un certain équilibre en 2013. Hausse des impôts et baisse des dépenses sont donc au programme.

L’Italie premier grand pays européen à faire un défaut souverain ?

Aucun pays n’incarne mieux le malaise économique européen que l’Italie. Malgré sa richesse ce pays ne fonctionne pas vraiment. Endettement, déficits, stagnation de la croissance, chômage et licenciements explosent. Rome essaye de faire de la relance et de la rigueur simultanément alors que l’Espagne et le Portugal appliquent des politiques d’austérités drastiques. Sa situation économique empire. L’Italie est donc sur la bonne voie pour devenir le premier grand pays à faire un défaut souverain. Il lui faut immédiatement une croissance économique décente pour éviter le gouffre.

La situation particulière de l’Italie – certes anticipée - s’ajoutant au cas grec, nourrit les inquiétudes sur la zone euro. Car dans ces deux pays, les plans annoncés et en cours d’exécution ne convainquent pas encore.

Le décrochage transalpin : un vrai risque pour la zone euro

Le décrochage de l'Italie serait une descente aux enfers. Si ce pays tombe, les banques françaises ne résisteront pas. Elles étaient exposées en 2013 à hauteur de 520 milliards de dollars aux pays en difficulté de la zone.

Grèce, Portugal, Irlande et Espagne sont eux aussi menacés de faillite

La Grèce sauvée par un quatrième plan d’aide internationale ?

Il n’est pas si sûr que la Grèce soit sauvée… Athènes a évité de justesse la faillite incontrôlée en obtenant l’accord d’une grande partie de ses créanciers privés pour réduire et rééchelonner son énorme dette. Ceci a ouvert la voie au versement du troisième prêt de ses bailleurs de fonds publics, l'UE et le FMI.

Le pays est sauf, au moins pour un temps. Mais, vu l'état de délabrement de son économie, la Grèce aura probablement besoin d’un quatrième plan d’aide internationale dans les prochaines années.

Les défauts d’autres pays malportants du sud de la zone euro sont à craindre

En attendant un éventuel prochain point d'inflexion hellène, les autres pays malportants du sud de la zone euro peuvent - sans se relâcher - souffler en évitant le risque de contagion qui reste intact à moyen terme.

Si l’Allemagne n’aide pas les pays du sud de l’Europe, c’en est fini à terme de l’Union. Il faudrait un plan Merkel pour sauver l'UE.

Une sortie de l’Italie de l’euro aurait de lourdes conséquences

La possibilité d’une sortie de l’Italie de l’Euro,- sortie qui pourrait survenir courant 2018-2019 si ses politiques de réformes ne portent pas leurs fruits -, est de plus en plus souvent évoquée par des économistes italiens, allemands, américains et britanniques. Le processus de destruction de l’Euro pourrait bien commencer par l’Italie, et aurait de lourdes conséquences pour la zone euro et la France.

Une zone euro qui s’enfonce

Pas de solutions aux problèmes d’endettement européen

On ne voit toujours pas venir de solutions aux problèmes d’endettement européen, qui pourraient se transmettre de la Grèce à des pays comme l’Italie et l’Espagne. Aussi, il est temps de prendre à bras-le-corps des problèmes qu’on a repoussés depuis longtemps pour éviter un scénario à la grecque.

Risque de plus grande volatilité sur les Bourses

La mise en place du troisième plan de sauvetage entre la Grèce et ses créanciers influence les comportements politiques en Espagne et en Italie, avec un risque de plus grande volatilité sur les Bourses.

Dans ce contexte difficile, les marchés pourraient à nouveau tester la solidité financière de ce pays très instable politiquement. Son niveau d’endettement demeure l’un des plus élevé au monde et son économie reste désespérément au point mort. Le PIB n’arrive pas à dépasser 1% de croissance depuis 2000. En 2013, Rome, dont le PIB était de 2.149 milliards de $, pesait économiquement à elle seule deux fois plus que les trois pays réunis qui ont été sauvés à ce jour de la banqueroute : Grèce (PIB de 242,2 milliards de $), Irlande (PIB de 232,1 milliards de $) et Portugal (PIB de 227,3 milliards de $). Si elle cédait, c’est toute la zone euro qui serait menacée. L’Italie pourrait alors vivre sa tragédie grecque et bousculer durement les économies européennes tout comme les marchés mondiaux. Sa défaillance aurait des conséquences systémiques à l’échelle mondiale comparable à l’effet d’une bombe.

La stagnation de son économie risque de lui faire revivre une crise classique de liquidité. Elle pourrait alors - victime du volume de sa dette et de la dynamique de celle-ci - ne plus pouvoir emprunter à un taux équitable car les spéculateurs s’empresseraient de vendre ses obligations dans la crainte d’un défaut imminent de paiement.

L’Italie reste solvable, à la lumière des données fondamentales. Néanmoins des spéculateurs peuvent pousser ce pays - quatrième emprunteur dans le monde - à la faillite sans que la réalité de sa dette le justifie. Dans ce cas Rome et l’Union européenne prendront des mesures visant à rassurer les marchés et à ramener les taux d’intérêt à l’intérieur d’une fourchette raisonnable. Sans quoi, la crise de liquidité pourrait bien devenir une crise de solvabilité… Hécatombe et jeu de carte sur les places boursières pourraient bientôt refaire surface rappelant douloureusement les mauvais souvenirs de 2011. L’Espagne et le Portugal qui ont fait des ajustements très coûteux (baisse des salaires, etc.) - et qui restent fragiles - pourraient à leur tour être touchés par cette contagion.

Madrid bientôt dans la même situation que la Grèce ?

L’Espagne et son peuple subissent avec un courage admirable - sur fond de récession économique et de crise financière - les réformes d’austérité qui lui sont imposées.

Malgré une croissance dynamique, l'une des plus fortes de la zone euro, Madrid vient de recevoir un avertissement de Bruxelles. La Commission européenne a en effet recalé le projet de budget du gouvernement espagnol pour l'année 2016. L’institution européenne estime que l’Espagne, en procédure de déficit excessif depuis avril 2009, pourrait ne pas respecter les critères budgétaires européens en 2016. Madrid risque-t-elle à nouveau de se trouver dans même situation que la Grèce ?

L’Euro risque de très mal finir

C’est la première fois dans l’histoire que des pays souverains décident d’utiliser la même monnaie. Ce système a failli voler en éclats lorsqu’un choc asymétrique a frappé les différents pays de la zone euro avec la grande crise financière de 2008-2009. Si on n’évolue pas vers plus d’Europe Fédérale et que la situation actuelle perdure les Etats européens privilégieront la souveraineté nationale à la monnaie et ce sera la fin de l’euro.

L’Italie entreprend de courageuses réformes structurelles

Les deux économies grecque et italienne sont très différentes. La péninsule est un pays beaucoup plus industrialisé dont les taux d’intérêt de la dette sont très bas. Ceci exclu pour le moment toute contagion de la crise grecque à Rome.

Ce pays effectue actuellement un parcours courageux de réformes structurelles, qui permettront à son économie de s'acheminer vers la reprise, protégé par le parapluie de la Banque centrale européenne. Après le troisième plan de sauvetage qui maintient pour le moment Athènes dans la zone euro, en se conformant aux réformes exigées par la BCE, le Fonds monétaire international (FMI) et Bruxelles, Rome pourrait bientôt être hors de la ligne de tir et des réactions possibles des marchés en cas de défaut de la Grèce vers des pays très endettés comme l'Espagne et le Portugal.

La péninsule n’est donc pas actuellement préoccupée par elle-même mais par les scénarios globaux de difficultés qui pourraient se déclencher.Maxence DAGHER

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.