Peut-on être féministe et musulmane ? La complexité entre tradition, modernité, attachement à la famille et affirmation de soi font qu’une intégration réussie passe par ce paramètre incontournable qu’est l’affranchissement des Musulmanes au sein de la laïcité.
Selon Necla KELEK1 et Seyran ATES2, l’émigration musulmane pose en Allemagne un problème d’intégration en raison de la structure patriarcale et archaïque des milieux émigrés turcs.
Pour Mme KELEK, que la collectivité décide des choix d’un individu est perçu comme un abus par l’Europe ce qui différentie fondamentalement, religion et culture. Alors que pour les sociétés musulmanes traditionnelles la religion EST la culture. Cette dernière, importée en l'état en Allemagne inquiète et donne une mauvaise image de la migration musulmane au sein de ce pays.
Mmes ATES et KELEK conviennent que l’Allemagne est trop tolérante en permettant la création d’écoles turques sans obligation d’éducation laïque en langue nationale.
En France, la langue n’est pas le problème mais des difficultés apparaissent dès que se forment de grandes communautés de Musulmans. Aussi l’émancipation sociale des femmes - très différentes des Allemandes - par le droit au divorce par exemple, se fait avec l’aide de l’Etat3 et des services sociaux.
Selon Dounia BOUZAR4, les jeunes issus de l’émigration, nés et socialisés en France, ne parlent pas arabe. Isolés et tenus à l'écart par les deux cultures (celles d'origine et celle d'adoption), ils sont en souffrance et cherchent une place dans ce monde. Ils s’approprient la religion par la violence pour être au-dessus des lois d'une société civiles qui les rejette. Ce fait est social, non culturel5.
Les jeunes Musulmanes, surtout celles de la dernière génération, se sont réapproprié l’Islam pour revendiquer leurs droits. Baignées de culture européenne, elles ont accès à une autre vision du monde, au savoir et à l’indépendance. Elles deviennent actrices de leur vie, s’organisent, ne se laissent plus manipuler, se redéfinissent et redéfinissent la notion d’Islam. Elles replacent ainsi les textes religieux dans leur cadre historique et les actualisent afin de s’épanouir et vivre en harmonie, faisant de la religion un instrument de rapprochement et non de séparation. Elles SONT françaises de confession musulmane.
Les autorités, dans le cadre d’un système d’intégration de la religion prenant en compte leurs facteurs économiques, historiques et culturels, leur donnent les moyens d'émancipation, au nom du principe de laïcité. De nouveaux horizons leur sont ouverts, des responsabilités leur sont données. Ainsi, apparaît un Islam libéré de ses scories archaïsantes, laissant place à une féminité faite de tradition et de modernité aux conséquences positives pour la France et les pays du monde arabo-musulman.Maxence DAGHER
[1] Necla KELEK, sociologue allemande, auteur de « La fiancée importée » (2005).
[2] Seyran ATES, avocate berlinoise, auteur de « La traversée des flammes » (Calmann Lévy).
[3] Il existe actuellement en Allemagne 3.500 écoles coraniques et 1.500 mosquées.
[4] Dounia BOUZAR, sociologue française, auteur de « L’une voilée, l’autre non » (Albin Michel – 2003-Denoël - 2005).
[5] Le diagnostic social s’est ainsi culturalisé, permettant l’économie des questions sociales par islamisation des problèmes sociaux et confessionnalisation des débats.