Avec un déficit budgétaire US de plus en plus abyssal, la Chine va-t-elle augmenter ses positions et absorber une portion de cette dette supplémentaire ? Ou va-t-elle diversifier ses réserves en achetant de l’euro et en continuant d’acquérir de l’or? Ainsi serait donnée au Yuan la capacité de devenir la prochaine devise de réserve mondiale. La conséquence directe en serait l’éclatement d’un système monétaire international déjà bien malmené.
Chine : une économie fragilisée
Avec une inflation des prix à la consommation plus forte que prévue ayant augmenté de 2,7% de février 2009 à février 2010, - et persistant en 2013 à 2,57% - les marchés ont attrapé froid.
Depuis 2009, l'économie nationale est confrontée à un fort ralentissement dû à une chute des exportations et des bénéfices des entreprises dans un contexte mondial morose, soulignant la fragilité économique du pays. L’objectif de croissance à 8% fixé par les autorités - officiellement à 9,2% en 2013 - afin de maintenir l’emploi à son niveau actuel s’en est trouvé affecté. En effet, de nombreux économistes soupçonnent certaines entreprises d'avoir spéculé sur le yuan en présentant trompeusement l'afflux consécutif de capitaux comme des échanges commerciaux. Ceci réduit encore la marge de manœuvre de la Banque populaire de Chine qui cherche à soutenir l'économie sans favoriser l'inflation.
Néanmoins, les exportations restent un indicateur rassurant avec une hausse supérieure aux prévisions de 14,7% pour 2013.
États-Unis : les défis économiques et budgétaires compliquent le remboursement de la dette
En février 2010, le déficit budgétaire américain était de 220,9 milliards de dollars — le total mensuel le plus important de l’histoire -. Pour les cinq premiers mois de l’exercice fiscal 2010, le total était de 651,6 milliards, 10% supérieur aux 589,9 milliards de dollars de 2009.
En outre, les dépenses de nombreux programmes ont continué à croître et à dépasser les réductions permises par l'amélioration de la conjoncture économique. Encore plus choquants : des revenus de 107 milliards pour des dépenses de 328 milliards de dollars. Soit un dollar de revenu pour trois dollars de dépense ramenant ce pays au niveau d’une république bananière.
Avec un déficit avoisinant les 1.500 milliards de dollars en 2011, soit 9,8% du PIB, qui bat le record de 1.416 milliards de l'exercice 2009 et de 1.294 milliards de 2010, le remboursement de la dette pourrait devenir très compliqué. Les États-Unis sont ainsi confrontés à des défis économiques et budgétaires accablants.
Avec une telle hausse de la dette conjuguée à celle des taux d’intérêts s’ajoutant au renforcement de la reprise économique, le paiement des intérêts est voué à exploser d’ici 10 ans. Aussi les milieux d’affaire se demandent si l’empire du Milieu va augmenter ses positions et absorber un peu de cette dette supplémentaire ?
Arrêt d’acquisition de dollars
En décidant d’arrêter d’accumuler des réserves de change, la Banque Centrale de Chine montre que le moment est venu de freiner le stockage de dollars et d’élargir la gamme de négociations quotidiennes du yuan.
Ceci met fin à des années de politique d’accumulation des billets vert visant à maintenir la valeur de cette monnaie haute et celle du yuan basse afin de rendre les produits chinois moins chers sur le marché international.
Au cours du troisième trimestre de 2013, les réserves de devises étrangères de ce pays ont été évaluées à environ 3660 milliards de $ en grande partie constituée de dollars américains… Pékin pourrait bientôt cesser d’acheter plus de dette américaine au détriment des intérêts de l’Oncle Sam. L’arrêt du stockage des réserves de change ferait alors chuter le dollar et il n’y aurait plus aucun frein à l’appréciation du Yuan.
Arrêt du stockage de la dette US
Si la Chine abandonne le stockage de dollars, il est probable qu’elle va aussi arrêter le stockage de sa dette… Fragilisant ainsi un peu plus les USA fortement tributaires des pays étrangers pour leur prêter de l’argent.
La Banque Populaire de Chine laisserait alors sa monnaie fluctuer, sans intervention, niant ainsi la nécessité de tenir de grandes réserves de dollar. Et si le dollar n’est plus nécessaire, elle pourrait chercher à réduire ses achats d’actifs libellés en dollars comme les bons du trésor américains.
Risque d’effondrement du dollar et du système financier des États-Unis
La Chine se débarrassant de ses dollars et de la dette US alors la quasi-totalité de la planète lui emboiterait probablement le pas avec des effets très néfastes.
En effet avec une Réserve Fédérale commençant à effiler ses achats d’obligations et une Chine cessant d’acheter de la dette US, la demande pour les obligations gouvernementales sera moindre. Ceci entraînera une augmentation drastique des taux d’intérêts causant la mort du dollar, de l’ensemble du système financier et d’immenses dégâts à l’économie américaine.
Les contrats à terme du pétrole brut bientôt libellés en yuans ?
Selon Reuters, les contrats à terme du pétrole brut pourraient bientôt être libellés en yuans sur le Shanghai Futures Exchange [1]… Ainsi l’Empire du Milieu, comme premier importateur mondial de pétrole, commence à contester ouvertement le pétrodollar.
Avec une demande pour le dollar et la dette américaine ralentissant durablement dans un monde qui change, le niveau de vie de cette grande puissance baissera en raison de l’augmentation de ses coûts d’achat ; lui rendant tout beaucoup plus cher y compris l’emprunt d’argent.
Aussi la fausse prospérité dont la plupart des Américains profitent aujourd’hui va bientôt commencer à disparaître. Les années à venir vont être très difficiles.
Pékin : émetteur d’obligations libellées en euros
Les entreprises chinoises sont désormais présentes sur le marché des obligations libellées en euro. Fin septembre 2013, le géant pétrolier China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) a ainsi levé 500 millions d’euros à 7 ans, précédé par son compatriote Sinopec avec 550 millions d’euros et sur la même durée [2].
Ce mouvement devrait prendre de l’ampleur car les groupes chinois souhaitant diversifier leurs sources de financement tenteront d’émettre en euros et ce d’autant plus que leur marché national ne semble plus assez grand pour satisfaire leurs besoins.
Ces investisseurs – suite à la crise budgétaire américaine – sont incités à se tourner vers les marchés européens pour leur attrait de valeur refuge.
Nouvel accord d’échanges de devises entre la BCE et la Banque populaire de Chine
Depuis 2010, avec une moyenne annuelle de 25 milliards de dollars, les sociétés chinoises ont envahi massivement les marchés du crédit, faisant de ce pays le premier émetteur d’obligations en devises étrangères [3].
En libéralisant son économie et en allégeant son système de contrôle des changes, Pékin permet progressivement à ses entreprises d’émettre sur les marchés internationaux et de rapatrier les fonds à domicile.
De plus, le nouvel accord d’échanges de devises entre la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque populaire de Chine étalé sur une durée de trois ans devrait accélérer le mouvement.
Selon Paris Europlace, cet accord « de swap » porte au maximum sur 350 milliards de yuans - soit 45 milliards d’euros - ce qui constitue le troisième montant le plus important derrière Hong-Kong (400 milliards de yuans), la Corée du Sud (360 milliards de yuans) et bien en deçà de l’accord signé par la Banque d’Angleterre (200 milliards de yuans).
Grâce à cet accord, les banques de la zone euro pourront obtenir des yuans en échange d’euros, la Chine pouvant quant à elle recevoir des euros en échange de yuans.
Stratégie d’augmentation des réserves d’or chinoises à long-terme
Quel sera le rôle de l’or dans la grande stratégie de gestion de devises « fortes » de ce pays ? Tout porte à croire que le métal jaune est en passe de devenir un canal d’investissement important pour ses réserves de change. L’Empire du Milieu reconnaît en détenir 1.000 tonnes en 2010 avec pour objectif de doubler cette quantité d’ici début 2014. Avec les prix actuels, cela ne représenterait qu’environ 30 milliards de dollars. Une goutte d’eau comparée aux 2.400 milliards de réserve de change [4] engrangés pour 2010.
Dans le cadre d’un plan à long terme, la Banque centrale chinoise augmentait ses réserves d’or de 4.000 tonnes métriques en 2008 et de 1.054 en 2010. Elle compte ainsi en accumuler 6.000 pour 2014 et 10.000 d’ici 2019.
Quelle que soit l’issue, les implications à long terme pour augmenter les réserves en or du pays auront des conséquences importantes sur la stabilité des réserves de change chinoises, japonaises, américaines et celles de l’UE ainsi que de la capacité du yuan à devenir la prochaine devise de réserve mondiale sous réserve de convertibilité dans le cadre d’une guerre des monnaies. Maxence DAGHER
[1] La Chine, qui a dépassé les États-Unis comme premier pays importateur de pétrole au monde en septembre 2013, espère que le contrat deviendra une référence en Asie et a déclaré qu’il permettrait aux investisseurs étrangers de commercer dans le marché sans mise en place d’une filiale locale.
[2] Les deux émissions ont rencontré une forte demande, que certains considèrent même comme assez exceptionnelle. L’émission de Sinopec aura ainsi attiré un total de 279 investisseurs pour une demande de 3,3 milliards d’euros.
[3] En 2010, la Chine levait moins de 5 milliards de dollars par an, ce qui constitue un montant non significatif à l’échelle des marchés internationaux. Pour 2013, la Société Générale estime que l’Empire du Milieu a levé environ 100 milliards de dollars.
[4] Pourtant son volume d’or en termes de réserves de change n’était que cinquième au classement mondial en 2010 et donc en dessous de la moyenne.