
Agrandissement : Illustration 1

Depuis quarante ans, partout sur la planète et des milliers de fois, la mort du communisme a été « constatée », comme celle de Marx et des partis politiques s’en revendiquant. Aujourd’hui, les bourgeoisies ont convaincu la grande majorité des classes moyennes que le mot « communisme » n’était guère synonyme que de « goulag »[1]. Ce mot fait peur. Il rebute jusqu’à certains partisans de l’idée (qui rivalisent d’euphémismes à lui substituer – « anticapitalisme », « gauche radicale », « éco-socialisme », lutte contre « la caste », allusion aux « communs », etc.). Pourtant, contradictoirement, le communisme et les mouvements du même nom semblent en revivification : dès avant 2008 et la crise mondiale d’un capitalisme aussi déchaîné que décrédibilisé, un intérêt nouveau et international pour Marx et les marxismes s’était fait jour. Des forces politiques se revendiquant au moins partiellement de lui ont connu des victoires locales (Amérique latine, Grèce, land de Thüringe en Allemagne). Communisme : un nouvel âge s’ouvre pour cet ensemble d’idées et de pratiques bâti par des générations d’auteurs et de militants. Voici l’entrée dans ce qu’il est proposé ici de nommer « deuxième âge du communisme », celui d’une revendication instruite par les expériences qui l’ont précédé. Quelle est alors l’actualité nouvelle de ce « mot-manifeste » (L. Sève), des luttes, des partis, des théories et des pratiques auxquels il renvoie et qui lui donnent sa consistance ?
Clôture du premier âge
2008 marque le début de la plus grande crise du capitalisme depuis celle de 1929. L’âge d’or néolibéral qui s’était ouvert avec les chocs pétroliers et la révolution conservatrice des années 1980 y a trouvé son terme. Le programme des libéraux, appliqué sans relâche (déréglementations, liquidation des protections sociales, financiarisation, transfert massif de richesse des couches populaires et moyennes vers l’oligarchie), a « brûlé sa part de rêve ». En même temps qu’il enrichissait une minorité à une vitesse inédite, il entraînait en Europe la régression des conditions de vie et de l’espérance de vie en bonne santé de larges pans de la population. Élection après élection, les libéraux européens perdent leurs positions ou ont recours, pour s’y maintenir, aux pires expédients (coalitions entre conservateurs et sociaux-démocrates, institutionnalisation de l’extrême droite, piétinement des parlements, racisme pour diviser les salariés, etc.). Si les politiques de prédation et de déprédation atteignent sur le vieux continent un niveau de brutalité inédit, si l’élite financière cherche secours et appui auprès des néofascistes qu’elle gonfle à bloc, c’est en réalité parce qu’elle est acculée par la crise de son propre système d’enrichissement. Ce monde où 1% possèdent 50% des richesses existantes, où 67 personnes possèdent autant que la moitié la plus pauvre du monde[2], fait chaque jour la démonstration de sa violence pour le plus grand nombre. Le constat est du reste partagé par les ONG et certains organismes internationaux.
A cette perte de prestige du projet néolibéral se combine la fin de l’espérance social-démocrate (appelons social-démocratie cette gauche non-marxiste qui, en France, prit successivement les atours de la SFIO après 1920, de la « deuxième gauche » à la fin des années 1970 puis du « social-libéralisme » du PS d’aujourd’hui). L’espoir dont elle était porteuse, c’était celui de réformer le capitalisme, d’en corriger les excès, de le réorienter dans le sens du progrès. Un projet dont l’impossibilité semble chaque jour mieux démontrée, et par les trahisons et renoncements des sociaux-démocrates eux-mêmes. La social-démocratie n’est pas morte comme pouvoir, elle fournit d’ailleurs souvent à la bourgeoisie des « réformes » plus directement favorables à son enrichissement que la droite elle-même[3] (on a du reste trop prophétisé à tort la mort du communisme, et les communistes celle du capitalisme, pour renvoyer sans précaution des faire-part de décès). Le rêve social-démocrate est cependant ruiné, et partout ses troupes ont renoncé à porter la moindre alternative à l’ordre des choses. L’aggravation de la brutalité du capitalisme financier acculé par ses propres dysfonctionnements rend d’ailleurs chaque jour plus manifeste la radicalité des mesures qu’il faudra lui opposer. Cela signifie que les luttes idéologico-politiques qui ont fait rage entre les composantes de la gauche dans tout « l’âge 1 » sont dépassées : pour demain ce sera, au moins transitoirement, communisme ou barbarie.
Car face à cette double décomposition des récits capitalistes et para-capitaliste, on assiste à une reviviscence du projet communiste. Renaissance de mouvements de lutte, victoires politiques locales, regain d’intérêt international pour la pensée de Marx, rajeunissement militant… Cette période de réveil a toutefois ceci d’inédit qu’elle intervient dans un monde où les expériences dites du « socialisme réel » sont closes ou en voie de l’être. La RDA, l’URSS et les républiques de l’Est n’existent plus, Cuba s’ouvre et la Chine est dans l’économie mondialisée comme un poisson dans l’eau[4] : rien ne ressemble désormais à un « bloc » capable d’incarner à échelle mondiale une alternative in vivo au capitalisme[5]. De sorte que, du côté du communisme, ce n’est plus l’heure ni du soutien contraint aux expérimentations étatiques menées au nom du communisme, ni de l’humiliation après l’effondrement de ces régimes. Non, le communisme contemporain qui émerge ici ou là est qualitativement différent de celui connu jusque lors. En Europe, bâti sur le sol des révoltes et des combats d’hier où fut versé le sang des ouvriers et des victimes des dictatures, il n’entretient plus néanmoins le moindre rapport avec ces marqueurs du communisme du premier âge que furent l’héroïsme de la Résistance, la transcendance d’une chefferie ou d’un dirigeant mythifié, ou encore l’écrasement de l’individu. Le communisme du deuxième âge tel qu’il est en train de s’édifier est, quant aux questions de méthode, de forme et d’organisation, rationalisé et laïcisé.
Nouvelle génération décomplexée
Il y a du sens à parler, comme le fait le parti communiste français, de « communisme de nouvelle génération ». Contemporains du reflux général du mouvement ouvrier, de la disparition des régimes socialistes et de la diminution des effectifs des partis communistes européens, nombre de militants engagés durant les décennies précédentes ont été marqués par cette triple désagrégation. Avec pour conséquence une distanciation compréhensible ayant pu emprunter trois types de voie : celle de la déception amère (elle prit la forme d’une focalisation sur « l’érosion » des effectifs et des postes électifs qui est interprétée comme irréversible en regard du communisme « de la grande époque »), celle de la résignation (certains, devant le reflux et la révolution néolibérale, n’ont plus considéré comme possible la transformation de la société et se sont ralliés au « progressisme » intracapitaliste), celle enfin de l’euphémisation gestionnaire (des communistes élus dans des majorités avec des partis sociaux-démocrates se muèrent peu à peu en notables comme les autres)[6].
A l’heure où le communisme enregistre un regain d’intérêt, déception, résignation et euphémisation, affects qui ont si fortement marqué cet engagement entre la fin des années 1970 et le début des années 2000, n’ont plus cours. En Europe, la nouvelle génération n’a connu ni la guerre ni le « socialisme réel » et peut donc déployer un engagement de type nouveau, instruit du passé mais affirmatif et décomplexé. Face aux sceptiques et aux revenus de tout, posons alors la question franchement : pourquoi brandir aujourd’hui à nouveau la bannière du communisme ? Quel peut être le fond de l’engagement communiste en ce siècle qui s’ouvre ? Quels mots d’ordre théorico-pratiques, hérités de Marx mais passés au tamis des expérimentations historiques, sont à l’ordre du jour ? A l’évidence, des tensions constructives sont à l’œuvre entre nécessaires ruptures (elles-mêmes rendues possibles par les enseignements d’hier) et nécessaires permanences (elles-mêmes renouvelées dans des circonstances d’aujourd’hui). Quatre axes minimaux sont ici proposés pour une définition du communisme du deuxième âge : la défense et l’émancipation des classes populaires, l’égalité par la propriété commune, la réappropriation des pouvoirs, et l’internationalisme.
Communisme du XXIe siècle
Les mêmes qui décrétaient la mort de Marx n’ont cessé d’enterrer le prolétariat[7]. En Europe, la désindustrialisation aurait entraîné la péremption de l’idée marxiste de classe ouvrière motrice des révolutions. Peu importe si, à l’échelle du monde, le nombre d’ouvriers continue de croître – effet de l’urbanisation de la paysannerie des pays émergeants. Cette constitution d’un prolétariat mondial valide pourtant largement les vues anticipatrices de Karl Marx, au rebours des espoirs toujours déçus des libéraux d’un effacement de la classe ouvrière[8]. S’agissant de l’Europe et de la France, malgré la désindustrialisation et l’éclatement du groupe ouvrier, celui-ci reste d’importance majeure (environ un quart de la population active). Avec les employés et sans compter les cadres, les techniciens, ingénieurs et autres travailleurs solidaires de leur destin, ces catégories professionnelles représentent la majorité du salariat. Le communisme du XXIe siècle s’inscrit donc autant que celui d’hier dans les luttes innombrables des « producteurs » pour leurs conditions de travail et de rémunération, dans celles des chômeurs pour l’accès aux meilleurs droits et formations, et plus généralement dans les combats pour la défense et l’émancipation des classes populaires et donc du plus grand nombre. En un mot, dans la lutte de classes.
Le communisme du deuxième âge porte la revendication de la réalisation concrète de l’égalité, principalement au travers de la propriété commune (égalité des revenus, mise en commun des moyens de production et des richesses, développement de services publics, appropriation collective de ressources majeures comme l’eau). Il s’autorise de la conviction que rien ne fonde les disparités de richesse, et surtout pas le mérite personnel ou « républicain » (en réalité massivement réinscriptible dans des héritages familiaux). Il pose que le lucre ne peut pas être un moyen pertinent d’émulation de la créativité des individus. Il est inséparable d’une remise en question du consumérisme, du productivisme, de l’utilitarisme auquel on le renvoie parfois à tort[9]. Il pose également la nécessité que le temps de vie humain puisse être consacré à un travail existentiel de désaliénation (du rapport salarial, du fétichisme de la marchandise, mais aussi pourquoi pas de ce qu’il faut nommer le rapport familial, générateur des névroses – en quoi le communisme ne saurait ignorer le dispositif psychanalytique). Dans cette bataille pour l’égalité, il considère comme primordial l’accès aux savoirs et aux qualifications, de telle sorte qu’il y ait rapport de mutuel enrichissement entre la complexité cumulative des acquis sociaux et culturels et la singularité inépuisable des biographies individuelles[10].
Le troisième axe, inséparable de la désaliénation, est celui de la nécessaire prise de pouvoir par chacun sur sa propre vie et des peuples sur leur destin commun, souveraineté individuelle et collective non-négociable. Il s’agit de tourner le dos à la délégation de pouvoir qui favorise tribuns, hommes providentiels et chevaux de retour de l’Etat, au clientélisme au sens large, au traitement spectaculaire du politique par le complexe médiatique. L’enjeu est de donner le pouvoir à tous dans tous les domaines de la cité (les citoyens par une démocratie authentique, les salariés décidant du projet économique de leur entreprise, les fonctionnaires des grandes orientations du service public, etc.) : c’est celui qui travaille qui décide. Dès lors, un « gouvernement » ou un « régime » communiste serait un oxymore. Il ne peut s’agir que d’un « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », d’un mouvement social de masse qui à chaque fois initie et relaie les actions d’un pouvoir non-séparé et collectif.
L’internationalisme enfin (celui des travailleurs, celui de la solidarité entre les peuples), dévoyé par les libéraux en éloge de la mondialisation capitaliste, n’a jamais été plus nécessaire qu’aujourd’hui. L’existence de nations séparées, en butte à l’incontestable unicité de l’espèce humaine, a contradictoirement des aspects positifs et négatifs. Positive (et enrichissante) la coexistence de langues, de cultures, de traditions, de savoirs et d’élaborations propres à des peuples différents et en eux-mêmes divers. Négative (et scandaleuse) la disparité des richesses entre nations, les guerres ethniques, religieuses et impérialistes, le pillage de l’Afrique, l’immense gâchis planétaire et millénaire de la non-coopération. Non, rien ne vaut si l’humanité n’avance pas dans le sens de la solidarité entre ses parties. Ainsi, communisme est le nom du XXIe siècle de ces combats et de nombreux autres intriqués, féminisme, écologie, antiracisme, lutte contre les discriminations…
Mouvement réel
Cette remise en selle historique du communisme face à un capitalisme aussi discrédité que ses infirmiers « progressistes » requiert cependant précision. Car pourquoi capitalisme et social-démocratie seraient définitivement définis par les différentes modalités de leur apparaître historique et déboutés de leur appel à une deuxième chance quand le communisme, lui, bénéficierait d’une amnistie pour ses « incarnations concrètes » ? Pourquoi l’essence du capitalisme nous serait livrée dans son désastre actuel alors que la débâcle des tentatives socialistes laisserait inentamée la pertinence du projet communiste ? Autrement dit, pourquoi n’y aurait-il pas un jour un âge deux du capitalisme ?
A ce questionnement, trois types de réponse peuvent être apportés, pas tous compatibles entre eux. Primo, l’ancienneté plus grande du capitalisme (et des diverses tentatives d’aménagement de celui-ci à quoi peut se résumer la tentative social-démocrate) avérerait son caractère irréformable, quand le communisme, création récente, n’en serait qu’à ses balbutiements (à l’instar de l’espèce humaine selon Marx, non encore sortie de « sa préhistoire »). On trouve cet argument chez Alain Badiou. Secundo, « les réalisation concrètes » du communisme et du programme de Marx n’en seraient en réalité qu’une perversion complète, sans rapport avec les principes et les motivations des révolutionnaires authentiques. Position de Lucien Sève. Tertio, le socialisme « réel » aurait produit des résultats satisfaisants dans le contexte particulièrement hostile de son développement, occultés et inversés par l’omniprésente propagande adverse. Pourquoi ne pas articuler ces trois propositions et considérer que le rejeton communiste, accouché au forceps, a contradictoirement trahi des principes et connu des réussites occultées quand son aîné capitaliste – issu d’une grossesse non-désirée –, en faisant la preuve jamais démentie de sa nocivité, n’a nullement trahi ses ambitions ?
C’est aussi et surtout que « du » communisme existe déjà en germe dans le présent capitaliste : dans les luttes, dans les éléments de protection sociale et dans les services publics, incarnations du fameux principe défini par Fourier – « De chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins ». Les mobilisations collectives et la foncière violence du capitalisme l’obligent, pour survivre et croître, à ménager des espaces non-marchands ou coopératifs de partage, de gratuité et de solidarité. C’est aussi comme cela qu’il faut comprendre le célèbre propos de Marx et Engels dans L’idéologie allemande : « Pour nous, le communisme n'est pas un état de choses qu’il convient d’établir, un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l'état actuel des choses. Les conditions de ce mouvement résultent des données préalables telles qu’elles existent actuellement. » Si c’est notamment d’avoir voulu plaquer brutalement un modèle sur des cultures nationales qui marque la perversité des tentatives « socialistes » du XXe siècle, le capitalisme n’en finit pas de plaquer partout les siens, avec ses bras armés du FMI, de la Banque mondiale, de l’OMC, de la Commission européenne et de la BCE, austérité et libre-échange pour tout le monde mais contre les peuples qui se lèvent.
Forme-parti de demain
Ces perspectives nouvelles ne veulent pas dire que la victoire serait proche. La condition du reflux véritable de l’idéologie capitaliste est un basculement plein et entier dans cet âge deux du communisme qui s’ébauche. Or la gauche de gauche a ses divisions et ses travers. Elle n’a pas son pareil pour les arguties théoriques – l’humour de droite a bien su exploiter ce trait. Parmi les faux débats très en vue du côté des communistes[11], on trouve celui sur la forme-parti. On voit régulièrement refleurir des imprécations contre les partis et les organisations, accusés d’ossifier les mouvements, de permettre aux directions d’imposer leur pouvoir sur des militants ravalés au rang de petits soldats. Il faudrait jeter les partis au bûcher des institutions politiques discréditées (principes républicains foulés aux pieds, démocratie morigénée, abstention massive…). Ainsi, en Espagne, l’émergence de la force anti-austérité « Podemos » s’est faite contre les partis, au moyen de cercles informels, horizontaux, et de démocratie directe par les réseaux internet. Mais sitôt que ce mouvement s’est offert un congrès fondateur, il s’est re-hiérarchisé sous l’autorité d’un secrétaire national, troquant ses jolis cercles pour la bonne vieille pyramide, et apportant malgré lui la preuve qu’une force politique ne saurait se passer d’une organisation. Le communisme du deuxième âge n’en fera pas plus l’économie, la forme-parti dût-elle connaître d’extraordinaires révolutionnements notamment par les réseaux internet.
C’est d’abord la tâche des partis communistes que de déployer ce communisme de nouvelle génération. D’une part parce que ces organisations issues du « premier âge » sont dépositaires d’un siècle d’expérience des luttes : arrimer le combat émancipateur d’aujourd’hui à l’héroïsme d’avant-hier et à la lucidité des échecs d’hier est indispensable. Il n’existe pas de mouvement révolutionnaire sans le sol de tous les combats victorieux et perdus menés par nos prédécesseurs – les marxistes ont du reste donné à l’histoire sa réelle épaisseur matérialiste et dialectique, ce n’est pas pour se convertir, s’agissant de l’organisation communiste, au mythe de la table rase ou de la génération spontanée ! D’autre part parce que, pour prendre le cas spécifique de la France, le travail et le réseau local du PCF font qu’il demeure la seule force disposant d’un ancrage territorial et d’élus agissant tous les jours avec les populations, ce « patrimoine » fût-il menacé (voyons aussi les mouvements contraires, le rajeunissement massif, le renouvellement, l’ouverture aux enfants et petits-enfants d’immigrés)[12]. L’un des enjeux de demain doit être de réinvestir les organisations « de masse » – CGT, Secours Populaire, Mouvement pour la Paix… – qui peuvent fédérer largement sur une perspective progressiste. L’exemple victorieux de Syriza en Grèce le montre : le communisme du deuxième âge peut et doit s’édifier par l’alliance des partis communistes historiques et des mouvements hétéroclites qui tentent de construire une alternative écolo-sociale au libéralisme[13]. De fait, la seule organisation politique de jeunesse qui, à gauche, connaisse une dynamique citoyenne d’ampleur est justement le Mouvement des Jeunes Communistes de France. Difficile d’enregistrer un signe plus satisfaisant de l’entrée dans un nouvel âge du communisme.
Maxime Cochard
Membre du comité de rédaction de la Revue du projet
Secrétaire de la section PCF des 1er et 2e arrondissements de Paris
[1] Les mêmes, en France, sont moins pressés d’inscrire au bilan du communisme la sécurité sociale, dont on fête cette année le soixante-dixième anniversaire.
[2] Chiffres Oxfam.
[3] Au contraire peut-on être frappé par la permanence et l’importance des forces sociales que le capitalisme a su créer au XXe siècle en même temps qu’il se désindustrialisait, cette petite-bourgeoisie du tertiaire guettée par la crainte du déclassement et de la prolétarisation qui fournit l’essentiel des électeurs de la social-démocratie néolibérale.
[4] Cette thèse d’une « Chine capitaliste » fait cependant largement débat. Pour en lire une réfutation, cf. Samir Amin, Chine 2013. In : La Pensée, juillet/septembre 2013, n°375.
[5] L’exemple embryonnaire de l’ALBA (Alliance Bolivarienne pour les Amériques) comme organisation internationale alternative promouvant la coopération est tout récent.
[6] Symptomatique est en la matière le cas du Parti communiste italien. Le PCI s’est sabordé comme force révolutionnaire pour se transformer en Partito Democratico, lequel PD s’est aujourd’hui sabordé de fait en renonçant à porter une quelconque alternative à l’état des choses.
[7] Exemple : André Gorz, Adieux au prolétariat, 1980.
[8] Cette prolétarisation des paysanneries des pays en développement est d’ailleurs utilisée par les libéraux comme argument « en faveur » du capitalisme : ce système entraînerait à l’échelle du monde une élévation du niveau de vie et se révélerait donc bénéfique au plus grand nombre – ce qui réfuterait la critique marxienne du capitalisme. Cette pseudo-réfutation est en réalité une validation de l’analyse marxienne du capitalisme industriel comme révolutionnant les sociétés et les modes de vie. Il n’a pas été question pour les marxistes d’affirmer que le capitalisme appauvrissait les prolétaires par rapport à l’organisation économique qui lui est antérieure (i.e. l’économie préindustrielle), mais bien qu’il consistait en un gigantesque « manque à gagner » quantitatif et qualitatif par rapport au communisme comme mise en commun des richesses.
[9] Les communistes n’auraient voulu ou su développer que des prestations quantitatives – salaires, congés, services – et non un rapport qualitatif à l’existence, à l’autre, à la planète, ce qui constituerait le défaut du socialisme « scientifique » par opposition au « socialisme originaire », « utopique », « orwellien », ou à l’écologie.
[10] Cf. Lucien Sève, Penser avec Marx aujourd’hui, t. 2, « L’homme » ?
[11] Citons en exemple celui qui prétend opposer réforme et révolution, comme si des réformes profondes conquises sur le capital n’acquéraient pas, dans la période, une nature révolutionnaire, et comme si les révolutions récentes – arabes, ukrainienne… –, survendues par les médias du monde entier, n’avaient pas laissé rigoureusement intact l’ordre existant. De sorte que la révolution à proprement parler semble prendre aujourd’hui la forme soit d’un soulèvement populaire faiblement programmatique (Printemps arabe) soit d’une mobilisation électorale forte en faveur de l’implémentation de politiques de rupture (Amérique latine).
[12] Loin des discours spontanéistes, l’existence d’un nombre important d’élus et de majorités locales communistes suscite une indéniable fierté pour les sympathisants communistes – et bien au-delà pour nombre de sympathisants de la gauche.
[13] Syriza (Coalition de la gauche radicale) est constituée d’une alliance entre Synaspismos, communistes ayant scissionné du KKE, et une multitude de groupes allant des maoïstes aux écologistes.