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Billet de blog 5 avril 2016

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Entre fumisteries bourgeoises et critiques populaires: Où en est le Venezuela ?

Le Venezuela est souvent considéré comme un pays peu démocratique, ayant à faire des efforts pour obtenir l’adoubement des experts. C’est probablement l’un des seuls pays au monde qui a pu recevoir autant de critiques dont la moitié est à mettre dans la poubelle des mensonges.

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C’est que les experts médiatiques ne se lassent pas d’éplucher les moindres faits et gestes du gouvernement de Caracas. Si un membre du PSUV ou du gouvernement use d’un sac Chanel ou d’une ceinture Vuitton, les chiens de garde de la mauvaise presse le seront. Les coupables seront cloués au pilori, et avec eux, l’utopie socialiste morte avant même de commencer. Les journalistes agissent d’avantage en commentateurs de la société qu’en critique de celle-ci, plongeant les téléspectateurs dans l’ère du vide et du vague. La rhétorique ne s’appuie pas sûr grand-chose, et c’est de cette façon qu’elle gagne en expansion sur les réseaux sociaux. Il faut voir par exemple le traitement médiatique qu’a reçu l’affaire concernant les neveux de Maduro qui se seraient soit disant fait prendre avec 800Kg de cocaïne… avant une élection, ce type d’affaire ne fait pas du bien. D’autant qu’elle vient allonger une longue liste de faits similaires. Si ces nouvelles croustillantes font beaucoup parler, les mea culpa, en revanche, font moins de bruit. Il s’avère que l’information publiée à l’origine par la télé dominicaine et reprise par tout le monde a été démentie de suite par l’organisme antidrogue dominicain (DNCD) et par les avocats du propriétaire du Yatch ou les 800 Kg de cocaïne furent trouvés. Malgré l’engouement de la presse plus sensible au sensationnelle qu’à la vérité, tout était faux.

Le Venezuela n’est pourtant pas tout blanc et on peut lui faire de nombreux reproches en ce qui concerne l’intégrité, mais on se passerait aisément de ces sermons qui s’appuient sur le mensonge, le vide, la bêtise. On se passerait volontiers des fumisteries bourgeoises.

Critique de la démocratie

Le Venezuela n’est pas une démocratie, le Venezuela est un pays autoritaire… qui n’a jamais entendu ce type de critique ? Ces accusations communes, souvent condescendantes, restreignent la brèche d’une liberté d’expression honnête. Elles reflètent la vision parcellaire de certains. Pour savoir où en est le Venezuela sans tomber dans la caricature ou la désinformation, il convient d’élucider et décortiquer tout un discours construit fait de raccourci, de semi vérité, d’hypocrisies, qui empêchent d’avoir un regard clair et une voix singulière sur ce pays.

En réponse à ce discours commun ambiant qui nous colle à la pensée et auquel nous devons résister, que pouvons-nous dire ?

On peut dire que même en utilisant les outils des démocraties occidentales pour évaluer leur état de santé, le Venezuela est loin devant… si on juge que ces instruments de mesures sont fiables pour évaluer le bon fonctionnement d'une démocratie, on conclue que la santé de la démocratie vénézuélienne est plutôt bonne. Le taux de participation à la dernière élection était de 75%. A cet égard, la critique de dirigeants de pays qui ont des taux de participation de plus en plus faible aux élections est malvenue. On peut aussi s’étonner de ceux - aux Etats-Unis, en Europe - qui observent à juste titre la corruption1 impressionnante qui ronge la démocratie venezuelienne mais restent myopes face aux lobbys qui influencent leurs chères institutions, sciant la branche sur laquelle ils sont assis. Ce type de plainte vient aussi d'à côté.

Avant son accession au pouvoir et durant celle-ci, Mauricio Macri n'a pas manqué de donner des leçons de morales au Venezuela. Il est encore une fois déplorable que ce soit ceux qui baignent le plus dans le vice qui se permettent de donner des leçons de vertus. Le président en charge du tournant neoliberal de l'Argentine est plus doué dans les sermons que dans la pratique. Le dirigeant est habile pour voir la paille que Caracas a dans l'oeil mais ignore la poutre qui est dans le sien. Pour ce grand démocrate, il n'est pas très démocrate d'user de censure et de licencier le journaliste Víctor Hugo Morales et de faire taire les voix dissonantes à coup de répression.

Parfois, le Venezuela est aussi associé à un pays belliciste représentant une menace pour l’humanité. Obama a étendu le décret qui présente le Venezuela comme une menace pour le monde2. La critique est fait par le pays le plus militarisé de la planète qui dispose de l’arme atomique. Là encore, la critique n'est pas sérieuse.

Il est curieux de partir en croisade contre le Venezuela lorsqu’il se passe pire dans son propre pays, comme l’Etat d’urgence en France, ou les politiques étrangères respectives des Etats Unis et de la France qui misent, avec d’autres (Grande Bretagne, Allemagne), sur les bombardements pour obtenir la paix en Syrie. D’un point de vu éthique, bombardement et démocratie ne devraient pas faire bon ménage. Malheureusement, ces manquements aux libertés et à la démocratie, comme l’état d’urgence criminel mis en place en Turquie, n’ont pas réellement écorché aux yeux des grands medias le prestige de la France et de la Turquie.

2. Critique de la démocratie

S’il faut critiquer le Venezuela, on doit le faire pour d’autres raisons. L’arme critique de la bourgeoisie n’est pas du tout opératoire, ni pour renseigner sur le Venezuela, ni pour évaluer la qualité d’une démocratie qui ne se limite en rien aux élections et au taux de participation. Si la démocratie vénézuélienne est bonne c’est pour d’autres raison ; si elle est fragile c’est pour d’autres raisons. On peut beaucoup apprendre du Venezuela. Pour paraphraser Eduardo Galeano posons-nous la question suivante : Quel président serait capable de remettre en jeu son mandat à la moitié de celui-ci, et quel dirigeant resterait au pouvoir après un referendum révocatoire ? Vu la popularité des présidents en Europe, il ne devrait pas être nombreux à passer l’épreuve du plébiscite. Cette possibilité existe au Venezuela. Elle pourrait être un critère pour juger de la qualité d’une démocratie. Un autre critère possible : le niveau des inégalités sociales.3 Le coefficient de Gini qui sert à mesurer les inégalités pourrait aussi servir à cet effet ; être un indicateur de plus pour évaluer le bon fonctionnement de la démocratie. Il faut savoir que le coefficient est passé de 0,4865 en 1998 à 0,4099 en 2008. Durant cette période la pauvreté a diminué, passant de 48,6% à 27,8% ; et l'extrême pauvreté de 22,2% à 10,7%.4

Là où le bât blesse, c’est que ces bons résultats économiques ont suivi une autre tendance à partir de 2013. Selon le CEPAL le taux de pauvreté est passé de 25,4% à 32,1% entre 2012 et 2013. La démocratie améliorée grâce à des choix innovants et à un partage relatif des richesses se retrouve fragilisée en raison de lacunes économiques qui demeurent. La crise économique importante que vit le Venezuela et qui impact en premier lieu la partie la plus pauvre de la population met en péril un projet de démocratie sociale5. Pour certains, les difficultés économiques s’expliquent par la situation internationale (et surtout la chute du prix du baril) allier à la pusillanimité du gouvernement et probablement, au manque de conscience de la population. De plus, certaines grandes entreprises nationales et internationales se servent de ces conditions pour mener une guerre économique et médiatique au gouvernement qui se retrouve à la merci de ceux qui dispose le pouvoir économique. Ces facteurs réunis empêchent de porter le coup fatal au Capital pour qu’enfin, la population puisse vivre librement, sans perdre sa vie à la gagner. Pour d’autres, la responsabilité en incombe entièrement au gouvernement.

Critique de la révolution bolivarienne.

Le gouvernement et le discours critique qu’il porte à l’égard du capitalisme est accusé d’avoir déclenché toutes les foudres qui s’abattent sur le Venezuela. On ne juge pas le procès mais le résultat. Les propriétaires de la presse s’en charge : La propagande conservatrice à profité de l’écrasante victoire de la droite lors des élections législatives du 6 décembre derniers pour tirer de nouveau sur le cadavre socialiste ; convaincu que cette victoire est la preuve de plus qui montre a la lumière du monde que le socialisme ne fonctionne pas.

Pourtant, que les choses soient claires, il n’y a pas plus de socialisme sous Maduro qu’il n’y en a eu sous Mitterrand, Zapatero ou Papandreou. Ce qui n’a pas eu lieu ne peut échouer. Bien que le socialisme ne soit pas institué, quelques traces laissent deviner l’émergence progressive d’une société qui cherche à en finir avec la dictature du capital. Dans les mots, il y a quelques choses. Une critique plus acérée du capitalisme. Dans la pratique de plus en plus contradictoire, des traces bien réelles de la révolution bolivarienne.

La question qu’on peut se poser est la suivante : Est-ce que ce sont ces quelques balises héritières des luttes et de l’engagement de la population qui sont aujourd’hui dénigrées par le peuple ? Est-ce qui qui permet d’expliquer la grave crise économique dans laquelle le pays se retrouve confronté ? A première vue, il semble que non, car le processus révolutionnaire qu’on appelle la révolution bolivarienne est bien plus politique qu’économique. Les acquis de la révolution ne reposent pas seulement sur les nationalisations, comme celle de l’entreprise pétrolière PDVSA qui a permis de réguler la valve de sortie des richesses, en redistribuant en parti les revenus6. La réussite, c’est d’avoir avant l’heure tenté de donner une coloration différente a l’idée de démocratie, pourrie par l’argent ; et à l’idée de socialisme, pourrie par ses caricatures. Tout cela ne pèse pas bien lourd mais est d’une importance vitale7. Ce ne sont pas les outils à disposition du peuple pour faire vivre une démocratie sociale et participative qui posent problèmes. Au Venezuela, on se plein surtout de la délinquance et de l'inflation qui augmente, des produits introuvables, des queues interminables qui se terminent parfois par un retour à la maison les mains vides.

Il n'y a pas de cause à effet entre acquis démocratiques et crise économique. Faire croire cela est un faux procès. La société vénézuelienne est malade de la corruption mais elle dispose aussi de remèdes qui font cruellement défauts dans d'autres démocraties. La démocratie bolivarienne, c'est la révocabilité des mandats et la décentralisation populaire. C'est la mise en place de conseils communaux et de communes. Ce sont des aspects positifs qui dynamisent et reconfigurent le concept de démocratie en la faisant plus locale, plus populaire. Ces organes de pouvoir sont au cœur du socialisme qui peut finalement se traduire, politiquement, par le droit du prolétariat à l’auto-administration.8 Or, si des leviers sont mis en places pour que les citoyens participent aux conseils communaux et aux communes, tout n’est pas gagné. La démocratie est en construction. Des secteurs comme Barlovento sont pour le moment dépourvus de communes. De plus, les turpitudes économiques et la situation générale qui se dégrade n’encouragent pas à poursuivre un engagement dans le conseil communal. Le temps est précieux, et lorsqu’on sacrifie en moyenne 40h par semaine dans le travail sans compter le temps perdu à se procurer de la nourriture, il ne reste pas grand-chose pour soi. Peu de temps pour lire, penser, s’engager. Après la semaine de 8h mise en place par Chavez au début de son mandat, il serait opportun, pour le plus grand bien du pouvoir populaire, de réduire de nouveau le temps de travail. C’est une nécessité économique et démocratique. La démocratie dépend donc du temps qui est laissé aux citoyens pour qu'ils puissent agir comme un peuple législateur, et ce type de réduction du temps de travail implique souvent un meilleur partage des richesses9. En arrêtant de faire ses heures pour le compte du Capital, on les fait pour soi, sa famille, la démocratie, l'humanité.

Démocratie alimentaire.

Tandis que des milliers de travailleurs du secteur public ont été licenciés en Argentine depuis l’arrivée de Mauricio Macri, la mesure prise par l’ancien parlement du Venezuela d’interdire les licenciements pour les trois prochaines années semble - a posteriori - salutaire. Mais c'est une autre loi qui va nous intéresser, votée le même mois. Elle concerne l’alimentation, mais pas uniquement… la loi des semences voté le 23 décembre dernier peut ouvrir un nouveau chapitre qui s’écrive sans OGM ni pesticides. En passant par l’assiette, on revient sur la question de la démocratie qui n'est pas la même en fonction du pays et qui s'évalue aussi en fonction du régime alimentaire.

Au Etats-Unis par exemple, dans cette grande démocratie numéro un dans la culture du soja OGM, la population n'est pas libre de choisir son alimentation et les paysans peuvent se retrouvés contraints de faire pousser des céréales transgéniques sans qu'il le souhaitent vraiment. Aucune étiquette ne précise ce qui est avec ou sans OGM. Les consomateurs se retrouvent alors obligés d'achèter à l'aveugle. Le pire c'est que cette monoculture de la pensée qui est la leur a été imposée à de nombreux pays du monde, comme l'Inde, avec des résultats catastrophiques d'un point de vue écologique, social, et démocratique [dans le monde, trois entreprises contrôlent plus de la moitié du marché mondial des semences : Monsanto (26%), DuPont Pionner (18,2%) et Syngenta (9,2%)]. Pour ne plus qu'une poignée de firmes contrôlent ce que nous mangeons, la loi des semences à été voté en décembre ; elle est le fruit d'un long cheminement et d'une longue bataille menée depuis la base. Le procès même de cette loi qui a duré deux ans est un bel exemple de démocratie qui n'a de sens qu'avec l'engagement de la population. Bien que la constitution de 1999 rejète les OGM, tout n'était pas gagné pour que ce souhait soit réellement effectif. Il a fallu de la fermeté en 2004 pour interdire à Monsanto la culture de son soja transgénique sur 50 000 hectares au Venezuela. La création de l'Institut Nacional des Semences va servir de régulateur, garantissant à tous la possibilité de jouir et de s'échanger les semences. Cette possibilité a été permise en Inde après plusieurs années de combats menées par un mouvement multiforme paysan et écologique. Inspiré du réseau Via Campesina la loi défend la diversité biologique des semences et sanctionne le modèle unique des transgéniques. Se faisant, elle est un nouvelle obstacle au maintien d'une dictature alimentaire et donne un nouveau pas en avant en faveur d'un nouveau régime alimentaire qui soit en même temps un nouveau régime politique : la démocratie alimentaire.

La loi contient 71 articles. Voyons de plus près ses déclarations de principes.

Article 1. La présente loi a pour objectif de préserver, de protéger, garantir la production, multiplication, conservation, la libre circulation et utilisation des semences dans la promulgation, l'investigation et la certification, distribution et commercialisation, depuis la même République Bolivarienne du Venezuela, grâce à une perspective agroécologique socialiste, dans le but de consolider notre sécurité et souveraineté alimentaire, en conformité avec l'article 305 de la Constitution. Cette loi défend le développement d'un système de production de semence moderne mais contraire à l'usage des OGM, et contraire aux droits de propriété intellectuels. Elle mise sur la qualité, la souveraineté, et la démocratie participative dans l'usage des semences et met l'accent sur la valorisation des semences originaires et paysannes qui bénéficient à la diversité biologique et aident à la préservation de la vie sur terre.

Article 5. La loi interdit : la production, l'importation, la commercialisation, la distribution, et l'utilisation de semences transgéniques. Le système National de Semence doit développer et garantir, dans le cadre de la présente loi, la capacité et la force, sur le plan technique et organisationnel, pour pouvoir prévenir, identifier, détecter, corriger, revoir et sanctionner les violations de cette prohibition.

Article 6.

La loi présente comme principes et valeurs :

La lutte pour la sécurité et la souveraineté alimentaire. La pratique de l'équité, l'inclusion et la justice sociale. La lutte contre l'impérialisme et le capitalisme sauvage, le néocolonianisme, le mercantilisme, le neolibéralisme. La loi reconnaît les semences comme intérêt public et patrimoine naturel et culturel des vénézueliens. La construction de l'Etat communal et l'écosocialisme agraire. Participation protagonique et co-responsable des instances de pouvoirs populaires dans l'application et le contrôle de la politique et des prises de décisions en matière de semences. Promotion de l'échange solidaire et de l'accès libre aux semences. Contre la propriété intellectuelle sur les semences et tout type de privatisation. Défense des semences de la biopiraterie et de la bioprospection. Améliorer la territorialité du système des semences. Défense de l'éthique éco-socialiste et lutte contre la corruption. Indépendance, souveraineté nationale et souveraineté des peuples. Reconnaissance de la dimension interculturelle des semences. Reconnaissance et défense des droits de la terre mère et reconnaissance des semences comme organismes vivants. Promotion de la santé agricole intégrale. Etc.

Souveraineté alimentaire et démocratie.

Depuis de nombreuses années, le gouvernement se fixe comme objectif d'assurer la souveraineté alimentaire sans qu'il ne parvienne finalement à y parvenir10. Ce n'est pas comme par le passé ou les conditions climatiques étaient la seule variable : aujourd'hui, le Vénézuela dépend comme de nombreux pays, de la bonne volonté de quelques entreprises qui acceptent de vendre les produits essentiels dont le pays a besoin. Ce système de dépendance qui est le propre de la mondialisation à pour répercution une empreinte carbonne beaucoup pus élevé et une dépossession du peuple en ce qui concerne le prix et la qualité de son alimentation. La 5ème république est dans la lignée de la 4ème république en termes de dépendance. Un secteur d'activité (le pétrole) alimente tous les autres. Lorsqu'il y a un problème avec celui-ci, les autres suivent. Malgré la volonté progressive et tardive pour sortir de cette économie de dépendance qui est en même temps, une abérration écologique, le Venezuela est toujours contraint d'importer une grande partie de sa production alimentaire qui a vu son prix évoluer en fonction de la spéculation sur le marché de l'alimentation, et sa qualité se dévaluer. Depuis la mise en place des transgéniques sans concertations ni débat, la farine de maïs transgénique s'est incrustée dans les commerces sans que la population n'en sache rien. Il en est de même pour les produits finis qui utilisent tous une base de lecithine de soja transgénique. Si la régulation de certains produits alimentaires a permis d'éviter l'envolée des prix comme cela a pu se passer dans d'autres pays du sud, aujourd'hui, en raison des pénuries, un produit à un prix raisonnable ne s'obtient pas sans plusieurs heures de queue (sans avoir la garantie de l'avoir). Ce même produit ne s'obtient pas au marché noir sans dépenser une grande quantité de bolivares ; ce qui pénalise en premier lieu les plus pauvres. La situation agricole et alimentaire actuelle est paradoxale parce que la production a augmenté de 44% les 12 dernières années, passant de 17,1 millions de tonnes d'aliments en 1998 à 24,6 millions de tonnes en 2010 sans que la sécurité alimentaire du peuple ne soit finalement garantie.11

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet état des lieux.

Les produits alimentaires bon marché peuvent être accaparés par une partie de la population qui voit dans la revente à un prix elevé un moyen d'augmenter ses revenus et de mieux vivre. La spéculation peut être effectuée à d'autres fins par les commerçants et les entreprises qui cherchent avant tout à se dégager une marge supplémentaire. La fabrique de la pénurie, en ce sens, ne fait pas que des perdants. Les produits sont revendus à des prix exagérés dans d'autres pays comme contrebande (ce fut une raison de la fermeture de la frontière Venezuela-Colombie), et la part mineur qui reste, à un prix exagéré pour la demande au Venezuela. Enfin, un dernier point qui n'est jamais mis en avant par la presse majoritaire ni par ceux qui baignent dans l'idéologie conservatrice est celui de la guerre économique. De nombreux produits ne sont pas trouvable car les propriétaires du secteur (Neslté, Polar, entre autres) veulent volontairement influencer les prix à la hausse en jouant sur la rareté, et par là, destabiliser ce gouvernement qu'ils haïssent depuis toujours12.

Sur ce sujet une étude a été réalisée par Nava Vásquez Yuneska de l'université de Zulia. Voici un résumé de son travail de recherche, consultable en ligne.

Les résultats démontre que le gouvernement a réalisé des transformations significatives dans le secteur alimentaire. Cependant, les politiques misent en œuvres n'ont pas obtenu les résultats espéré, ce qui se remarque dans la forte crise alimentaire sur tout le territoire national qui se mesure a travers les pénuries significatives d'aliments, avec le plus d'impact dans les états frontaliers dans lesquels les produits alimentaires basiques sont transportés de façons illégales dans les pays voisins. Les failles dans les politiques misent en place dans le secteur alimentaire se doivent, entre autres facteurs, au manque de contrôle et de suivi de ces politiques, et lamentablement, en raison de la culture de la société dans laquelle l'intérêt économique personnel prédomine sur l'intérêt social, de même parmis les plus pauvres de la population avec le moins de pouvoir, favorisés par les mesures gouvernementales (Le secteur alimentaire venezuelien dans l'actualité, 30/05/2014)13.

Le problème alimentaire est un problème parmi d'autres mais il est aussi le cœur du problème. La démocratie politique ne sera pas authentique sans une démocratie économique effective nous enseigne Chmosky. On peut ajouter, il n'y aura pas de liberté véritable, pas d'avenir durable et de démocratie sans une agriculture soutenable qui permette de garantir au peuple la souveraineté alimentaire.

Dès-lors, si la démocratie n'a pas d'avenir sans socialisme, qui implique la libération des classes oppressées et exploitées, elle n'a aucun sens sans la souveraineté alimentaire. Il n'y a pas de liberté tant que des choix aussi importants que l'alimentation restent du ressort de quelques multinationales plus soucieuces de leur portefeuille que de maintenir une biosphère saine et fertile. La révolution bolivarienne a de l'avenir si elle laisse tomber ses projets extractivistes et se tourne radicalement, comme elle commence à le faire avec la loi des semences, vers ce qui est la vraie richesse. La vraie richesse est dans la liberté, la fertilité des sols, les semances libres. La liberté est dans la diversité des semences qui nous rendent plus fort, quand la monuculture et le système unique de la mal bouffe transgénique nous rend plus con. La vraie égalité est dans le droit de chacun à une alimentation saine. Il faut cultiver son jardin et apprendre à pêcher de façon soutenable. Non pas pour en faire commerce mais pour profiter de la valeur d'usage du produit alimentaire, et en jouir, en harmonie avec les autres. Dans le partage.

Maxime Motard

1 Une affaire qui a fait beaucoup parler au Venezuela est celle de l'achat de voix lors de la dernière élection. Début janvier, quatre députés ont été interdits par le Tribunal Suprême de Justice de siéger au parlement national en raison de l'achat de voix effectué dans l'Etat d'Amazonas. Parmis les quatre députés qui se sont faits aider de l'achat de voix pour se faire élire, trois sont de droite (MUD). L'autre est du PSUV.

2 Signalons au passage que suite à la publication du décret de nombreuses associations ou réseaux comme les Amis de la Terre et Via Campesina ont dénoncé son contenu et l'ingérence des Etats-Unis. Les Etats-Unis ne se contente pas de la provocation dans le discours et en publiant ce type de décret imbécile. Il maîtrise l'art de l'ingérence et de la destabilisation. Il faut savoir qu'après l'echec des putchistes vénézueliens en 2002, la NED (National Endowment for Democracy) a arrosé de plus de 100 millions de dollars tous les groupes impliqués dans l'opposition au gouvernement bolivarien. Pour la seule période 2013-2014, 14 millions de dollars sont arrivés par divers canaux, tant pour le financement des campagnes électorales que pour celui des « protestations pacifiques » qui, début 2014, ont présenté toute les caractéristiques d'une tentative de destabilisation. Voir Maurice Lemoine, Les enfants cachés du général Pinochet, Don Quichotte, 2015.

3 Selon Samir Amin, il ne peut y avoir de démocratie sans progès social. « Même dans les pays dits démocratiques, la démocratie est en crise : justement parce que, dissossiée de cette question sociale, elle se réduit à la démocratie représentative, et la solution des problèmes économiques, et donc sociaux, est transférée au marché.

4 « Selon les informations fournient par les organisations multilatérales de la région, la République Bolivarienne du Venezuela est l'un des pays qui a obtenu le plus d'avancé en termes de réduction de pauvreté. Au-delà de la diminution des indices de pauvreté, un des indices les plus révélateurs au niveau international, l'Indice de Developpement Humain (IDH), s'est accrue, passant du faible indice de 0,6917 en 1998, à un IDH élevé de 0,8836 en 2006. »

5 « En 2004, une enquête menée par l'ONU sonde les opinions de vingt mille personnes dans toute l'Amérique Latine. La majorité des sondés se disent déçus par la démocratie car elle a laissé les inégalités intactes. Et les enquêteurs concluent : s'il ne s'attaque pas à la pauvreté, le système actuel pourrait mener à « une mort lente de la démocratie » et au rétablissement des dictatures militaires. Patrick Lehingue, « Les classes populaires et la démocratie représentative en France », Savoir/Agir, n°31, Bellecombe-en-Bauges, mars 2015. Voir « Droitisation, mode d'emploi », Serge Halimi, Monde Diplomatique, juin 2015.

6Sur ce point comme sur beaucoup d'autres, le Venezuela a servi de modèle. Voyons l'exemple de la Bolivie. Le 1er mai 2006, le gouvernement prend le contrôle de 56 champs gaziers et pétroliers. Evo Morales nationalise les hydrocarbures. Les vingts-six compagnies étrangères qui ont bénéficié des privatisations – dont Petrobras (Brésil), Repsol (Espagne), Total (France), ExxonMobil (Etats-Unis) – doivent vendre à l'Etat au moins une quantité suffisante pour que ce dernier dispose au minimum d'une majorité de 51%. Pour la répartition des revenus, l'Etat appliquera les même règles que les multinationales...mais dans l'autre sens. 82% pour l'Etat et 18% pour les entreprises concessionnaires. La mesure prise par Morales va permettre une augmentation très significative des revenus de l'Etat – de 2 milliards de dollars en 2005 à 8 milliards de dollars en2009 – et, grâce à cette manne, la mise en route des plus urgents des programmes sociaux.

7Ce processus qui signe la renaissance du pays triomphe grâce à la nouvelle constitution de 1999. Ce processus ouvre un nouveau chemin, bolivarien, basée sur la critique du neolibéralisme et de l'impérialisme. A partir de 2005, la dimension anticapitaliste du processus est incluse sans que cette volonté ne se solde finalement par une remise en cause radicale de la propriété privée.

8Née il y a deux ans, le mouvement de Pobladores fait coincider pratique et théorie, construction et autogestion. Le gouvernement offre le capital (le terrain, l'assistance technique et les recours matériels ), et les volontaires leur force de travail. Les communautés organisées se chargent de prendre les décisions sur la forme de l'habitat. Les décisions se prennent en assemblée. Le collectif campamentos de pioneros qui forme partie du Mouvement Pabladores ne brasse pas que du ciement et des partaings. Partant d'idées et de modes de vie alternatifs, les militants à l'oeuvre construisent le monde de demain. Les travailleurs construisent ensemble des logements qui ne sont pas destinés à la spéculation. Sur les 13 projets présent actuellement, 11 se développent dans l'air métropolitaine de Caracas, un dans l'Etat de Anzoátegui et un autre dans l'Etat de Lara. Dans la municipalité du Libertador on compte par exemple « La nouvelle communauté socialiste combattante Amatina » avec 140 logements ; « Les militants socialistes Kaika Shi » dans la Vega, avec 88 logements ; « les femmes vainqueurs » à Catedral, avec 36 unités habitables. Voir les autres projets sur le site http://www.avn.info.ve/contenido/unas-1400-viviendas-se-edifican-autogesti%C3%B3n-venezuela

Dans le cadre de la grande mission Vivienda, des milliers de logements ont été construits et se poursuivent pour arriver au chiffre d'un million. Ils seront offerts au peuple et contrôlés par les usagers eux-mêmes, selon les principes autogestionnaires. Dans le quartier populaire de Canaima, le peuple organisé a réhabilité plus de 100 maisons avec l'appui de la Mission Barrio Nuevo et Barrio Tricolor.

9 Contrairement aux idées reçues, l'économie vénézuélienne ne souffre pas d'un excès d'expropriation ou de partage. Le partage n'est d'ailleurs pas un vice. Le problème est totalement inverse car la répartition Capital Travail a évolué, mais en défaveur du Travail. En 1998 le Travail a reçu une rémunération équivalente à 38% du revenu national alors que la partie qui correspond au Capital était de 39%. En 2012, selon le dernier chiffre disponible, la distribution du revenu a évolué substantivement en faveur du Capital. La nouvelle répartition est la suivante : 42% pour le capital et 32% pour le travail.

http://solidaridad.net/solidaridadnet/noticia/8339/venezuela-tratando-de-favorecer-al-trabajo-se-termino-beneficiando-al-capital

10Malgré l'abscence de souveraineté alimentaire encore aujourd'hui, la politique sociale, agricole et alimentaire au début des années 2000 a tout de même permise une avancée majeur pour résoudre la faim au Venezuela: En 1998, 4,9 millions de personnes souffraient de la faim tandis que sur l'année 2007 il n'était plus que 1,7 million. Entre l'année 2003 et 2006, selon les catégories proposés par la FAO (Organisation des Nations-Unies pour l'Alimentation) le Venezuela passe d'un niveau de sous nutrition modéré à un niveau faible. Le rapport précise que les actions dirigées pour atteindre la sécurité alimentaire jointes aux programmes sociaux créés pour atteindre pleinement la qualité de vie de la population auraient pu présenter de bien meilleurs avancée si le pays n'avait pas subit de coup d'état et de destabilisation économique entre 2001 et 2003. « Informe Nacional de Seguimiento de la aplicación del plan de la Cumbre Mundial sobre la Alimentación. 2008»

ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/meeting/013/ai752s.pdf

Il est précieux de se rappeler que le 31 juillet 2008 furent publiées dans la gazette officielle 26 lois par le président d'alors, Hugo Chavez. Elles concernent l'agriculture, l'élevage, l'alimentation et la sécurité alimentaire.

- Loi organique de sécurité et souveraineté agroalimentaire.

- Loi de la santé agricole intégrale

-Loi du crédit pour le secteur agraire.

-Loi de la banque agricole.

-Loi des bénéfices et des facilités de paiments pour les dettes agricoles et secteurs stratégiques pour la sécurité et la souveraineté alimentaire.

11Ces chiffres peuvent être le résultat de diverses actions enteprisent comme « les crédits aux producteurs » a travers le fond pour le développement agraire socialiste (Fondas) et la banque agricole du Venezuela (BAV) qui permetent aux paysans d'avoir accès aux crédits à des taux préférentiels.

http://www.avn.info.ve/contenido/venezuela-aument%C3%B3-producci%C3%B3n-agr%C3%ADcola-44-durante-%C3%BAltimos-12-a%C3%B1os

12Si on met sur la même ligne la situation qui continue d'empirer au Venezuela et les nombreux produits qui sont découverts par l'armée bolivarienne dans des entrepôts (produit alimentaire et non alimentaire, comme des médicaments), on peut se poser la question suivante : Par année, combien de tonnes de nourriture cette extraction effectuée par la partie la plus mafieuse du secteur privé représente t-elle ? En raison des nombreux cas révélés par la presse honnête, la guerre économique menée par les propriétaires et les spéculateurs devrait susciter toute notre attention si l'on veut y voir clair et trouver la bonne combinaison pour sortir du gouffre.

13http://publicaciones.urbe.edu/index.php/cicag/article/viewArticle/2843/4531

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