Voter d'abord pour barrer la route à l'extrême-droite, qui n'a comme projet que le racisme et le fascisme. Non seulement le RN a déjà renoncé à toutes ses promesses sociales — Bardella a même parlé d'allonger encore l'âge de départ à la retraite — mais en plus il est évident que rien n'a changé à part la communication. Tous les cadres RN à commencer par leur jeune président (en 2012) ont adhéré à la grande époque où Jean-Marie Le Pen était président puis président d'honneur du parti et déclamait ses propos antisémites, négationnistes, lgbt-phobes, etc. : ils étaient donc tous assez à l'aise avec toutes ces positions rances avant que Marine Le Pen ne décide qu'il fallait cesser de «dire tout haut ce qu'ils pensent tout bas» pour avoir plus de chances d'être élu. Derrière des discours savamment travaillés pour éviter de sortir de la légalité (on parle de xénophobie plutôt que de racisme, de binationaux plutôt que de français d'origine maghrébine ou israélienne, etc.), tout le monde aura compris que les idées antisémites, racistes, fascistes et contraires aux valeurs qui font la grandeur de la France sont toujours bien là, comme les éructations des trop rares candidats RN à apparaître dans les médias nous le rappellent dans une campagne malheureusement trop brève pour permettre de réaliser l'ampleur de l'armée des pires de nos tontons racistes que le RN a réunie pour ces législatives surprise de 2024.
Pire, et bien trop peu alertent : notre Vème République est très dangereuse à mettre entre les mains d'un parti autoritaire, rendant un basculement en dictature fasciste beaucoup plus simple que dans la plupart des autres pays. Quand certains rappellent que Trump aux États-Unis ou Bolsonaro au Brésil n'ont pas instauré de dictature malgré leurs tentations fascistes, ils oublient toujours de rappeler que ce sont des pays aux contre-pouvoirs très forts, et surtout où le pouvoir est beaucoup plus décentralisé qu'en France. (Ils oublient également que Trump a fait énormément de mal en nommant des ordures réactionnaires à la Cour Suprême, qui même après l'échec du coup d'État du Capitole et le départ de Trump ont continué d'œuvrer à détruire les droits des américains, à commencer par la suppression du droit fédéral à l'IVG. Rappelons que la Présidence de l'Assemblée Nationale nomme en France un tiers des sages du Conseil constitutionnel) Chez nous, et c'est bien plus dangereux, tout est centralisé : le gouvernement a le contrôle de l'ensemble de la Police Nationale (par ailleurs créée sous Vichy), nomme tous les préfets, les dirigeants des médias publics, etc. Sous les présidents prétendument de gauche ou centriste qu'étaient Hollande puis Macron, des mesures très liberticides ont été prises, parfois justifiées (pendant la pandémie de covid19), mais ce qui est problématique, par la décision de la macronie seule, quand ce n'était pas du gouvernement sans même un contrôle parlementaire. En France, des opposants politiques ont déjà été enfermés pendant une conférence sur le climat. Des élections ont déjà été reportées. Des couvre-feux, restrictions de circulation et autres États d'Urgence ont déjà été proclamés ; puis leurs mesures exceptionnelles ont été en partie passés dans le droit commun. Les forces de police ont été massivement équipées d'armes de répression des foules, et parfois carrément médaillées quand elles mutilaient voire tuaient des manifestants. Des réseaux sociaux ont été bloqués en Nouvelle-Calédonie. Des lois comme la réforme des retraites, à laquelle les trois quart de la population étaient opposés, ont été imposées par la force au Parlement privé du droit de voter.
Seule la menace de perde les élections suivantes fait encore hésiter nos dirigeants actuels ; mais demain il suffirait qu'un gouvernement sans scrupules invoque n'importe quel prétexte abusif (un attentat voire une simple menace, réelle ou fictive) pour reporter les élections voire ensuite se maintenir indéfiniment. Des candidats RN parlent déjà de «mettre au pas» le Conseil constitutionnel et les derniers contre-pouvoirs qui pourraient mettre le holà. Les médias publics seraient assujettis en moins de deux. Quand aux médias privés, massivement détenus par des milliardaires qui préfèrent l'ordre et les cadeaux fiscaux que la démocratie et la taxation de leurs profits, bref qui «préfèrent Hitler au Front populaire», ils sont nombreux à déjà activement militer pour l'extrême-droite. À commencer par ceux de Vincent Bolloré, le milliardaire hypocrite qui invitait Nicolas «nettoyer la racaille au Karcher» Sarkozy sur son yacht alors qu'il avait fait une partie de sa fortune en vendant les feuilles de papier à rouler OCB, utilisées entre autres par les clients des dealers. Bolloré, le magna qui fait répéter ad nauseam dans tous ses médias que les étrangers notamment africains seraient la cause de tous nos problèmes, alors qu'il a fait une autre partie de sa fortune en pillant ledit continent, jusqu'à plaider récemment coupable de corruption d'au moins deux despotes africains.
Bref, si l'extrême-droite passe, il y a un fort risque que cela soit un voyage sans retour et la fin de la démocratie. Les français ont laissé la Première République se transformer en Premier Empire après un coup d'État, la Seconde République voter les pleins pouvoirs à Louis-Napoléon Bonaparte après un coup d'État, la Troisième République voter les pleins pouvoirs à Pétain après l'invasion nazie. À chaque fois, il aura fallu l'intervention de plusieurs armées étrangères pour défaire le pouvoir autoritaire ayant aboli les élections en France. Ne prenons aucun risque et votons résolument contre le RN partout où il risquera d'être élu : l'enjeu est bien plus grand que tout le reste.
Mais derrière cette urgence impérieuse de barrer la route au fascisme en votant contre le RN, il faut également voter «pour». Lorsque Macron a dissout, il espérait que la gauche resterait divisée : cela lui aurait permis de mettre la France au pied du mur et de nous forcer à voter pour la macronie contre le RN dans la plupart des seconds tours. Il a échoué, et il faut s'en réjouir, grâce à la gauche qui a compris instantanément le risque de voir l'extrême-droite au pouvoir, considérant le dégoût profond que la majorité des personnes qui votent ont désormais pour la macronie. L'union de la gauche et la formation du Nouveau Front Populaire ont proposé contre le RN la seule alternative pouvant espérer une majorité, et le bloc de gauche a logiquement talonné l'extrême-droite et relégué derrière la macronie et l'ensemble de la droite dite «républicaine». Le projet proposé est un projet de rupture avec le déclin proposé par la macronie, et d'espoir pour plus de justice : sociale, économique, climatique, etc. Qu'on soit de gauche ou de droite, c'est désormais pour tous les républicains le seul projet viable pour notre pays si l'on parvient à faire échouer celui du fascisme aux relents nauséabonds. Quelle que soit la composition de l'Assemblée nationale dimanche prochain, non seulement il faut que l'extrême-droite n'ait pas de majorité, mais il faut aussi que l'union de la gauche ait le poids le plus fort possible. Et dans tous les cas, pour les autres forces républicaines à commencer par la macronie, il faudra accepter que le peuple ne souhaite plus de leurs réformes injustes. Il leur faudra renoncer à leur politique, et soutenir le premier projet démocratique voté par les français : le programme du NFP.
Il est aussi temps de comprendre une chose fondamentale : les françaises et français ne veulent plus de majorité au Parlement. Cela a été clairement affirmé aux législatives de 2022 où la macronie n'a pas obtenu la majorité absolue, première fois qu'un président nouvellement élu se voyait refuser aussi nettement la majorité. Pour autant, la leçon n'a pas été retenue : les macronistes ont demandé à différentes personnes d'autres partis de venir soutenir leur programme, la plupart on très logiquement refusé, et Macron a fini par constituer un gouvernement purement macroniste. Sa politique a pu être conduite grâce à une union de la droite non assumée : le patron de LR Éric Ciotti a obtenu son bureau à dorures et sa voiture avec chauffeur sans être officiellement soutien, en prenant simplement un poste de questeur de l'Assemblée nationale plutôt que ministre. Mais cette politique de la macronie soutenue par LR (et régulièrement le RN comme sur la loi immigration), et surtout l'emploi de méthodes brutales et antidémocratiques comme le 49.3, ont tellement déplu au peuple que la macronie va perdre énormément de sièges après cette dissolution surprise. Pour autant, les sondages sont clairs : aucune des trois principales familles politiques principales (RN, Renaissance, et France Insoumise) ne serait plébiscitée, car le peuple ne veut plus d'aucun mouvement politique en majorité absolue. Plus qu'un clivage idéologique profond, c'est avant tout la méthode et le fondement même de la Cinquième République qui est en cause : les gens ne veulent plus qu'on leur impose une réforme aussi majeure que celle sur les retraites ; au 49.3 ou simplement par la détention d'une majorité absolue à la chambre basse du Parlement.
Certains ont reproché au Nouveau Front Populaire d'être une union de personnes qui sont souvent en désaccord : c'est vrai, et c'est au contraire une très grande force ! Les partis de gauche viennent d'encore une fois nous prouver qu'aussi fortes que soient leurs divisions, ils pouvaient s'unir quand l'heure était grave. Un inespéré programme d'union a été établi (et chiffré) en un temps record pour ces législatives. Cette union est avant tout un rassemblement de personnes progressistes, avec chacune ses idées mais la volonté de travailler ensemble pour avancer. Le Nouveau Front Populaire est la seule force politique qui fonctionne par compromis sinon consensus, et n'impose pas ses réformes par autorité du chef. C'est à cette manière de faire de la politique que la majorité des françaises et français aspirent très clairement aujourd'hui. C'est aussi pour cela que voter pour donner au Nouveau Front Populaire une majorité est la meilleure chose à faire ce dimanche.
Si tout reste à faire pour barrer la route au fascisme, puis au lendemain des élections déterminer comment fonctionnera le Parlement, tout cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à une dernière chose : quelle sera la suite ? Nous devons changer de manière de faire de la politique car notre système actuel ne fonctionne plus. La Cinquième République était idéale sous une «monarchie présidentielle» avec un bloc conservateur dominant se maintenant au pouvoir. Elle s'est rapidement après le départ de De Gaulle habituée à une alternance entre conservateurs et progressistes, alternant «un coup à droite, un coup à gauche», avançant malgré les secousses. Mais l'effondrement des deux blocs de droite et de gauche rend nos élections de moins en moins efficaces et représentatives : le principe de prime majoritaire devient profondément injuste dès lors qu'aucun bloc politique ne dépasse plus les 40% au premier tour. Nous devons mettre à jour notre fonctionnement démocratique. Acter la fin des grands blocs monolithiques rangés derrière un seul homme (De Gaulle, Mitterrand, Chirac, etc.). Aller vers un système avec moins de brutalité, avec des dialogues plus apaisés et plus de compromis. Nombre de nos voisins fonctionnent ainsi, et s'en portent d'autant mieux.
Or il y a une seule famille politique qui parle de faire évoluer de manière importante notre système électoral. Ceux qui depuis des années réclament à chaque élection majeure une Sixième République. Une proposition qui a amené tant d'entre nous à voter par conviction. Cette proposition, encore une fois, c'est l'union de la gauche qui peut la porter, en cette heure de notre histoire nationale où elle est plus pertinente qu'elle ne l'a jamais été. Je vote aussi Nouveau Front Populaire dans ces élections législatives parce que j'espère de tout cœur que le sujet principal de ces prochains mois sera une Sixième République, la fin de la prime majoritaire, des décisions prises par un seul chef et des mécanismes brutaux comme le 49.3. D'autres pays ont trouvé d'autres solutions : inspirons-nous en, adaptons ce qui se fait de mieux et bâtissons un avenir politique durablement apaisé dans notre pays.
À l'heure où certains du camp macroniste font miroiter à nouveau divers belles promesses (coalition large des républicains, gouvernement provisoire et/ou d'union nationale) une telle coalition n'aura de sens que si elle applique le programme le plus plébiscité hors fascisme : celui du Nouveau Front Populaire. Et qu'elle se consacre en priorité à préparer la suite. Rappelons à tous ceux qui se prétendent démocrates et ont pu défendre un jour l'idée d'une Sixième République que ce sera peut-être notre dernière chance de la construire sans avoir d'abord sombré dans l'abîme.