Maxime Rouquet

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Billet de blog 15 juin 2022

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Quand la start-up nation manque à ses obligations de sécurité

Le président et la première ministre affirment qu'ils refusent d'écarter les ministres accusés de viols en vertu de la présomption d'innocence. Mais s'ils ne sont effectivement pas juges, ceux qui se revendiquent dirigeants de la « start-up nation » devraient s'inspirer du code du travail, et appliquer les obligations de sécurité et de résultat en écartant Damien Abad et Gérald Darmanin.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La présomption d'innoncence est un principe fondamental hérité des Droits de l'Homme. Une société démocratique doit permettre à toute personne mise en cause de se défendre au cours d'un procès équitable, avant que soit par exemple prononcée une peine de prison. Mais lorsqu'Elisabeth Borne affirme qu'elle « n'est pas juge » et invoque ce principe républicain pour maintenir au pouvoir des hommes comme Gérald Darmanin et Damien Abad, accusés de viols ou tentative de viol par 5 femmes, celle qui fut ministre du Travail pendant près de deux ans avant d'entrer à Matignon pour être la Première ministre du Président de la Start-up Nation sait forcément qu'elle commet ce qui serait un grave manquement à son devoir de garantir la sécurité de ses salariées si elle était la dirigeante d'une entreprise à qui on signalait que deux de ses managers sont de potentiels violeurs.

En effet, le code du Travail est clair : tout employeur a une obligation de sécurité et de résultat envers les personnes qui travaillent pour lui. Ainsi, dans toute entreprise où les dirigeants seraient informés qu'un manager aurait par exemple tenté de droguer puis de violer une de ses collègues, il est de leur devoir de conduire une enquête interne. C'est à la suite d'une enquête de ce type que peuvent être notamment prononcés des licenciements pour faute dans des cas d'agression, de harcèlement, etc. : dès l'instant qu'il a réuni des éléments de preuve suffisamment forts, tout employeur doit agir pour faire disparaître le risque pour ses salariées d'être agressées par le manager. C'est ainsi que des agresseurs sont chaque année licenciés sans indemnités, et surtout sans attendre une éventuelle procédure en justice. Libre aux victimes de porter plainte ou non pour tenter de faire condamner en justice leur agresseur, et seule la justice peut ou non prononcer une peine de prison. Mais c'est bien à l'employeur qu'il revient le devoir d'écarter un manager potentiellement dangereux de ses responsabilités, a fortiori lorsqu'il a déjà commis ou tenté de commettre des violences sexuelles en profitant de son ascendant moral.

Le chef de l'État Emmanuel Macron s'était présenté avec enthousiasme pour son premier mandat comme dirigeant de la "Start-up Nation", comparant la France à une entreprise dont il aurait la présidence. Dès lors, comment pourrait-on comprendre que la cheffe du Gouvernement Élisabeth Borne refuse d'écarter des ministres accusés d'avoir utilisé leur pouvoir, leur ascendant ou encore de la drogue pour contraindre des femmes en situation de vulnérabilité à avoir des rapports sexuels avec eux ?

De deux choses l'une. Ou bien Messieurs Darmanin et Abad disposent d'un moyen de pression sur Emmanuel Macron, qui leur permet d'exiger d'être maintenus en poste en toute impunité, et la situation est grave si le chef de l'État est lui-même soumis à la contrainte de potentiels agresseurs. Ou bien, et c'est peut-être plus grave, Emmanuel Macron serait parfaitement libre de les congédier mais fait le choix de sciemment maintenir deux potentiels prédateurs sexuels à la tête des Ministères de l'Intérieur et des Solidarités.

Dans tous les cas, on peut s'attendre à ce que si les candidats aux législatives issus des rangs d'Ensemble obtiennent une majorité dimanche prochain, les ministres mis en cause pour viols resteront au gouvernement. Par la suite, il est difficile de croire que le gouvernement Borne aurait plus de considération pour la cause des violences faites aux femmes que pour la sécurité de ses propres collaboratrices.

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