Bonjour
Je vous adresse ce message avec une forme d’urgence calme : celle qu’on ressent quand une injustice invisible commence à devenir insupportable. Vous êtes de celles et ceux qui, je le crois, savent entendre ces voix qu’on n’entend jamais. Alors je tente.
J’ai 42 ans, je suis mère, engagée depuis plus de vingt ans dans l’accompagnement social – avec ATD Quart Monde, Emmaüs, en tant que chercheur d'héritier, AESH, dans des structures éducatives auprès de jeunes et adultes en grande précarité, en exil, en difficulté etc. J’ai monté des projets (comme une boutique sans argent Recycl'donc), j’ai accompagné, soutenu, construit avec et pour les autres, porté des initiatives et soutenu des luttes de terrain. J’ai aussi élevé ma fille avec un engagement total. Et aujourd’hui, je souhaite me former en psychologie, pour aller plus loin dans cet engagement professionnel, humain, et politique.
Il y a quelques années, j’ai intégré une formation d’éducatrice spécialisée après avoir réussi le concours d’entrée. Et heureusement que Parcoursup n’existait pas à l’époque : je n’aurais sans doute jamais eu cette opportunité aujourd’hui, tant mon profil ne rentre pas dans les cases. J’ai validé cinq semestres de formation, mais j’ai dû interrompre en dernière année (deux mois avant la fin) à cause d’une grossesse compliquée puis arrive le covid. Mais malgré l'absence de diplôme final, cette formation m’a profondément formée et renforcée dans mes compétences de terrain.
Ma vie, ma santé (je suis reconnue en ALD pour une fibromyalgie et un TDAH diagnostiqué récemment), ma situation familiale m’amènent à envisager une reconversion plus adaptée. Car aujourd’hui, avec la fibromyalgie, je ne peux plus exercer comme éducatrice sur le terrain, en internat, de manière intensive.
Bref je reprends des études, et ce sera psychologie à distance, à Rennes 2 ou Toulouse ou Paris 8 (les seuls à proposer ce dispositif). C’est un projet réfléchi, construit, nécessaire. J’ai validé 5 semestres sur 6 de formation d’éducatrice spécialisée, j’ai un BTS, j’ai une expérience et une maturité que peu de jeunes étudiants ont. Et une détermination qui dépasse les mots.
Mais me voilà en liste d’attente (et bien à la fin), sans perspective. Évincée par un système qui ne lit ni les lettres, ni les parcours, ni les engagements. Juste des bulletins. Des notes de lycée datant de 2001, un BTS de 2005. Rien sur ce que j’ai fait depuis. Rien sur ce que je suis.
Je n’ai même pas précisé dans ma candidature que j’étais en ALD ou en demande de RQTH. J’avais confiance. Je me suis dit que mon dossier parlerait de lui-même. Je pensais, sincèrement, qu’un parcours engagé, nourri de terrain et de réflexion, serait reconnu. Mais quand on apprend qu’une lettre de motivation sous forme de recette de brownie a été prise au sérieux dans Parcoursup, on comprend que les règles du jeu sont absurdes, voire cyniques.
Ce système ne me reconnaît pas. Il ne reconnaît pas les mères, les aidants, les travailleurs du social, les personnes en reconversion, les malades, les gens qui tiennent debout malgré tout. Il reconnaît des cases. Et moi, je ne rentre pas dans les cases.
Je vais écrire aux commissions de recours. Mais je vous écris aussi à vous, parce que mon cas, au fond, n’est pas un cas isolé. Il est emblématique. Il pose une vraie question politique : Parcoursup est-il un système équitable ? Reconnaît-il la diversité des parcours ? Permet-il réellement l’égalité des chances ?
Je suis prête à rendre cette situation publique, à témoigner. Pas pour me plaindre. Pour alerter. Pour que les femmes, les invisibles, les adultes qui veulent encore apprendre ne soient plus tenus à l’écart.
Si mon message vous touche, si vous pouvez relayer cette voix ou m’orienter vers quelqu’un qui pourrait la porter plus loin, je vous en serai très reconnaissante.
Avec tout mon respect et ma sincérité,
Marion