Tout d'abord le terme clivage est-il approprié ? De l'extrême gauche à l'extrême droite en passant par la gauche anticapitaliste, la social-démocratie, le centre-gauche, le centre-centre, le centre-droit, la droite modérée, la droite dure il y a toute une gradation. Je préfère parler d'axe gauche-droite (axe au sens mathématique).
Cette histoire de gauche et droite est bizarre. Le sens de l'histoire est intuitivement perçu comme allant de gauche à droite dans le sens de l'écriture. Alors pourquoi place-t-on les progressistes à gauche, vers le passé, et les conservateurs à droite, vers l'avenir ? Bon il est trop tard pour changer maintenant.
L'axe "gauche-droite" est-il pertinent aujourd'hui ? L'a-t-il été autrefois ?
Prenons le cas du pape François. Sur le plan économique il est très à gauche. Sur le plan de l'immigration aussi. Mais sur le plan des mœurs il est très conservateur.
Macron serait plutôt à gauche au sujet de la colonisation (ça ne lui coûte pas cher, il n'était pas né), mais à droite pour le reste. Lequel est le plus à droite ?
Visiblement en 2020 l'axe gauche-droite est insuffisant.
Il serait plus confortable d'utiliser un espace à 3 dimensions, avec
- un axe économique (partage des richesses <->ultra libéralisme)
- un axe des mœurs (progressisme <->conservatisme)
- un axe de l'étranger (ouverture <->fermeture)
Bien sûr c'est insuffisant mais c'est déjà plus précis.
Il y a d'autres axes à prendre en compte mais hors de l'espace droite-gauche pour ne pas trop compliquer les choses. Par exemple l'axe écolo, l'axe européen, l'axe religieux etc…
Pour comparer avec le passé il faut choisir une période. Suffisamment proche pour que les plus âgés d'entre nous s'en souviennent et suffisamment éloignée pour que de nombreux changements soient apparus depuis. Je ferme les yeux. Pif pouf ce sera les années 50. Disons de 1950 à 1958 lors de la 4e république.
A l'époque l'axe économique était à peu près semblable à ce qu'il est aujourd'hui.
Les mœurs n'avaient guère changé depuis longtemps. L'avortement était toujours interdit, la pilule aussi, on parlait peu d'homosexualité, la peine de mort était bien acceptée… pas évident de comparer avec notre époque
C'étaient plutôt les progressistes qui manifestaient pour obtenir plus de liberté, des lois plus humaines. Aujourd'hui ce sont les conservateurs qui manifestent car les nouvelles lois leur déplaisent.
A propos de l'axe de l'étranger, on parlait moins d'immigration, l'extrême droite obtenait un score jeanfrançoiscoppéesque, mais il y avait des problèmes de racisme et d'antisémitisme, et la colonisation était un sujet important. Il est bien difficile de comparer le racisme de l'époque, très répandu, paternaliste et condescendant avec le racisme actuel, plus rare mais haineux.
Ce qui peut surprendre c'est que certains députés de la SFIO étaient plutôt conservateurs, ou colonialistes.
A l'époque il était déjà difficile de placer un homme politique sur l'axe droite-gauche ou alors (comme certains observateurs vintage) il faudrait tenir compte uniquement de l'axe économique.
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En revanche, si nous parlons des électeurs, l'obsolescence du "clivage gauche-droite" est plus significative. Dans les années 50 on votait en restant fidèle à son "camp", comme il y avait des peugeotistes ou des citroennistes. Aujourd'hui on papillonne, un jour à droite, un jour à gauche, un jour ailleurs.
Je pense parfois qu'aujourd'hui être de gauche c'est exigeant. Il faut être à la fois pour la solidarité économique, progressiste et ouvert aux étrangers.
Si l'on considère qu'il y a 3 droites : la droite ultra libérale, la droite conservatrice et la droite raciste, être de droite c'est seulement appartenir à l'une de celles-là.
Mais bon, tout cela c'est du blabla. La réalité est plus complexe.