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Billet de blog 15 mars 2012

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La gauche peut sauver l’Europe

Si la France fait le choix de François Hollande au soir du 6 mai 2012, elle ne tournera pas seulement la page du Sarkozysme et de « l’abaissement national », elle écrira peut-être la première d’une nouvelle histoire, celle du retour de la social-démocratie en Europe.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Si la France fait le choix de François Hollande au soir du 6 mai 2012, elle ne tournera pas seulement la page du Sarkozysme et de « l’abaissement national », elle écrira peut-être la première d’une nouvelle histoire, celle du retour de la social-démocratie en Europe. Fin 2013, après des élections législatives en Allemagne, en Italie, et dans cinq autres Etats membres, la zone euro pourrait compter dans ses rangs jusqu’à huit Etats sur dix-sept gouvernés par la gauche[1]. Un an plus tard, le renouvellement du Parlement européen et de la Commission pourraient donner à l’Europe un nouveau visage, celui de l’espoir en une renaissance.

La gauche française est face à l’Histoire car l’Europe avance chaque jour un peu plus vers l’abîme. La protection sociale et la démocratie appartiendront bientôt au passé, la récession s’imposera comme la norme. Au sein des Etats ou entre eux, misère sociale, injustice et populismes mèneront inexorablement à la violence et au chaos. La Grèce, l’Espagne le Portugal, ou encore la Roumanie nous en montrent aujourd’hui les prémices.

L’Union européenne s’est précisément bâtie pour éviter cela. Les sociaux-démocrates ont  accepté l’Union monétaire en espérant que le temps emmènerait l’Europe sur le chemin du gouvernement économique et de la protection sociale. Ils constatent aujourd’hui avec effarement le « cul-de-sac » que constitue cette crise.

Pour expliquer la situation actuelle, deux diagnostics s’affrontent : incurie des Etats ou endettement privé, à qui la faute originelle ? Pour les néo-libéraux, la crise des dettes souveraines valide leur thèse selon laquelle les dépenses publiques sont « néfastes » à la bonne marche de l’économie. Pour un certain nombre d’économistes, cette crise est la dernière d’une longue série, et l’énième conséquence des failles intrinsèques au capitalisme ; la privatisation des profits et la socialisation des pertes ayant nécessairement une limite. Depuis le milieu des années 1970, l’entretien de la croissance du PIB via des crédits « artificiels », d’une part, la dérégulation du système financier d’autre part ont accéléré la mise à nue de ces limites et resserré la cadence des crises. La puissance publique s’est posée en « garante » des spéculations privées, elle est aujourd’hui ruinée.

Les populations européennes sont désormais sommées de rembourser une dette qu’elles n’ont pas réclamée et parfois même pas dépensée. En réponse, la gauche européenne a le devoir impérieux de proposer un autre chemin que celui de l’injustice et de l’austérité. À ce titre, la volonté de François Hollande de renégocier le traité « Merkozy » représente l’ultime chance pour la démocratie d’infléchir le cours des choses.

L’une des clés du problème se situe en Allemagne. Il faut comprendre leurs inquiétudes sur l’inflation, leurs besoins de garanties sur les gestions nationales des déficits, et l’on peut en retour envisager de considérables avancées : taxe sur les transactions financières, restructuration d’une partie des dettes mutualisées, lutte contre les paradis fiscaux, convergence fiscale, convergence de la protection sociale vers le haut, stratégie européenne de croissance avec les Eurobonds et la transition énergétique…

Des arguments « de raison » sont de notre côté. Le ferment de la croissance en Allemagne, ce sont ses exportations, réalisées à 60% en Europe. C’est pourquoi la récession à leurs frontières frappe d’ores et déjà chez eux. Leurs travailleurs pauvres connaissent pour la première fois une baisse de leur espérance de vie ; n’est-ce pas un signal d’alarme suffisant ?

Samedi 17 mars François Hollande sera au Cirque d’hiver à Paris en présence de tous les dirigeants sociaux-démocrates européens. Pourquoi n’annonceraient-ils pas la mise en place d’un « groupe de travail pour l’établissement d’une coopération renforcée[2] », avec des personnalités qualifiées et des mandataires de leurs partis ? Tous les économistes, les philosophes, les sociologues, tous les penseurs européens seraient invités à proposer leurs solutions. On donnerait la parole à la Confédération européenne des syndicats, aux « Economistes atterrés » ou au lobby « Finance Watch », on pourrait imaginer une tournée dans l’Europe qui brûle, des rencontres avec les acteurs clés, des analyses alternatives à celles de la Troïka (UE, BCE, FMI)…

Une telle initiative présenterait par ailleurs des avantages indirects. La crédibilité des candidats sociaux-démocrates, dans leurs campagnes respectives, en ressortirait renforcée. La voie tracée par les conservateurs néo-libéraux aurait enfin une alternative, tandis que les sirènes du  néo-marxisme seraient ramenées à leur vacuité : sans accord européen et en cas de sortie de l’euro, toutes les promesses de dépenses publiques redistributives – et il y en a pléthore  chez notre Jean-Luc Mélenchon national – sont nulles et non avenues.

La social-démocratie n’est peut-être pas morte. Elle peut encore dompter un capitalisme devenu fou si elle sait s’accorder au niveau européen. Une victoire de François Hollande le 6 mai 2012 ouvrirait un nouvel horizon, il faut travailler dès maintenant à l’éclairer.

[1] Par ordre chronologique, en plus de Chypre et de la Slovaquie : France, Lituanie, Grèce, Allemagne, Italie et Malte.

[2] Le traité de Lisbonne impose la présence de neuf Etats membres, mais France, Allemagne et Italie peuvent réunir autour d’eux des Etats non gouvernés par des sociaux-démocrates.

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