2019. En visite dans la Somme, Macron officialise le chantier du canal Seine-Nord Europe. Et pour cause, la responsabilité de l'Etat est engagée à plus d'1 milliard d'euros.
Alors que la Société du canal Seine-Nord Europe, en charge du projet, annonce toujours sur son site internet un coût de 5 millliards d'€, on peut lire, au fin fond d'un document paru en 2024, que le budget est désormais évalué à 7 ou 8 milliards. Ce dérapage financier n'a été suivi d'aucune annonce sur les moyens de le combler : nul de sait où trouver ces 3 milliards supplémentaires. Par ailleurs, il est à peu près certain que, comme pour les jeux olympiques ou l'A69, le retard et les obstacles s'accumulant, le coût dépassera les 10 milliards. Si l'Europe assurera 40 % du budget initialement prévu, le reste incombera aux collectivités territoriales (régions Hauts-de-France et Ile-de-France et les départements de la Somme, du Pas de Calais, de l'Oise et du Nord) et à l'Etat.
Le tout entièrement avec de l'argent public.
Alors que le gouvernement Bayrou a tenté d'imposer des mesures austéritaires sans précédent, en demandant aux français-es les plus pauvres et les plus malades un effort supplémentaire pour parvenir à 44 milliards d'euros d'économies, le financement du canal Seine-Nord Europe apparait comme une mission à la fois impossible et indécente.
Où va-t-on trouver les 8 milliards d'euros nécessaires pour financer le projet, s'il faut en économiser 44 ?
5 ans après sa déclaration d'utilité publique par François Fillon en 2008, les premiers rapports étrillent le projet du canal Seine-Nord Europe pour son manque de rentabilité et l'absence de report modal. Les entreprises de construction Bouygues et Vinci quittent alors le navire et rejettent le partenariat public-privé. Depuis 2013, la donne n'a pas réellement changé.
Persister à construire un canal qui ne va pas faire diminuer l'afflux de camions sur l'autoroute A1, mais qui accompagnerait la croissance de l'ensemble des flux de marchandises, dans une fuite en avant néolibérale, écocidaire et anti-sociale, sous un beau vernis de greenwashing, c'est précisément ce que nos gouvernants aiment faire : des projets de "transition écologique" qui ne font qu'accélérer le désastre écologique produit par le capitalisme logistique mondialisé.
Pendant ce temps, les grands patrons de la logistique s'engraissent, au détriment des travailleur-ses du secteur. En 2022, les profits du leader de fret maritime CMA-CGM ont excédé ceux d'LVMH et de Total. La logistique, support matériel du capitalisme, rapporte gros.
Et ça, ça fait rêver Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France et de la société du canal Seine-Nord Europe, principal opérateur du projet, qui voit sa région en "hub logistique". Alors que le méga-canal n'ouvrira pas avant 2032, ses effets se font ressentir sur tout le territoire : du côté de Cambrai, 320 ha sont transformés en pôle logistique dédié au e-commerce, pendant qu'une énorme usine Seveso menace de s'implanter sur la petite commune de Languevoisin.
Dans un territoire déjà mis à mal par la désindustrialisation, les projections de Xavier Bertrand ne vont qu'appauvrir la région en mettant toutes ses ressources au service de ce projet : argent public, force de travail, eau, terres. Dans le Nord, territoire participant d'ordinaire à l'épanouissement de la France entière, toutes les ressources sont mises à contribution pour mener à bien ce projet : des travailleur-ses du BTP via le groupement d'entreprises Nord Confluences aux lycéen-nes du lycée horticole de la région, qui cultive les plantes destinées aux "aménagements environnementaux", des habitant-es exproprié-es car leur maison se situe le long du tracé à l'Oise dont on détourne le lit - sans oublier nos porte-feuilles qu'il videra allègrement.
Une grande dépossession organisée par toute la classe dirigeante, de Darmanin à Macron, dès 2019 et au minimum jusqu'à 2032, date de fin anticipée du chantier.
Il faut dire les termes : sans rentabilité ni bénéfices pour les riverain-es et pour les citoyen-nes plus largement, ce projet, c'est du vol.
Le 10 septembre, nous étions des milliers à tout bloquer pour faire sauter l'austérité et récupérer nos moyens d'existence. Et un mois plus tard, du 10 au 12 octobre, on ira récupérer en Picardie les 8 milliards !
Pour en savoir plus sur la lutte contre le canal Seine-Nord : megacanal.org
Pour avoir les infos sur la mobilisation du 10/12 octobre : https://t.me/soulevementseine
Agrandissement : Illustration 1