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Billet de blog 6 novembre 2025

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Refonder le droit des étrangers : en finir avec les accords de 1968...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis plus d’un demi-siècle, la France demeure liée à un accord qu’elle n’a jamais osé remettre en cause : les accords franco-algériens du 27 décembre 1968.

Signés à une époque où l’Algérie venait à peine d’obtenir son indépendance, ces accords définissent encore aujourd’hui les conditions d’entrée, de séjour et de travail des ressortissants algériens en France.
Ils constituent un régime d’exception unique dans le paysage migratoire français — un privilège administratif et social qui déroge au droit commun.

Ce texte, adopté dans un contexte de réparation symbolique et de dépendance politique, ne correspond plus ni à la réalité migratoire, ni à l’exigence d’égalité devant la loi. En maintenant un dispositif bilatéral asymétrique, la France s’est enfermée dans une relation de dépendance morale qui, loin d’apaiser les tensions, les entretient.

Un héritage postcolonial devenu anachronique

L’accord de 1968 a été pensé comme un instrument de continuité entre deux peuples liés par l’histoire et par des millions de destins croisés. Mais au fil du temps, ce dispositif a produit des effets pervers : des conditions de séjour et de regroupement familial plus favorables que celles accordées à d’autres ressortissants étrangers, et une incapacité chronique de l’État à faire exécuter certaines mesures d’éloignement.
Le résultat est un sentiment d’injustice, y compris parmi les immigrés d’autres nationalités, soumis à des régimes bien plus contraignants.

Aujourd’hui, alors que la France peine à maîtriser ses flux migratoires et à assurer l’égalité de traitement, le maintien de ce texte relève moins d’un choix politique que d’une inertie institutionnelle. Pire encore, il expose notre pays à un déséquilibre diplomatique : l’Algérie refuse souvent de reprendre ses ressortissants sous le coup d’une expulsion, tout en bénéficiant d’un régime préférentiel.

Sortir de la confusion et de l’idéologie

La question migratoire mérite mieux que des slogans ou des calculs électoraux. Elle exige de la clarté.
Refonder le droit des étrangers ne signifie pas fermer les frontières ni renier notre tradition d’accueil. Cela signifie rétablir l’équilibre, la transparence et la cohérence du droit. Aujourd’hui, le système français est un empilement de textes et d’exceptions qui déroute les citoyens et les citoyennes autant qu’il fragilise l’État.
Cette opacité nourrit à la fois la défiance et la démagogie.

L’abrogation de l’accord de 1968 ne saurait donc être un acte de rupture, mais un acte de lucidité. Elle permettrait de replacer la loi nationale au cœur de la politique migratoire, en alignant tous les régimes sur le même principe : celui de l’égalité devant la règle commune.

Redonner la parole au peuple

Sur un sujet aussi sensible, le seul moyen d’apaiser les tensions est de consulter directement les Français et les Françaises.
Un référendum sur la refonte du droit des étrangers — incluant la dénonciation de l’accord franco-algérien — permettrait de trancher démocratiquement une question trop longtemps confisquée par la technocratie et la diplomatie.
Le débat doit être posé, ouvertement, sans stigmatisation, ni culpabilité. La France ne peut plus courber l’échine devant un passé mal digéré. Elle doit se redéfinir dans un rapport d’égal à égal avec ses partenaires, y compris avec l’Algérie.

Pour une souveraineté apaisée

Rompre avec l’accord de 1968, ce n’est pas rompre avec l’Algérie. C’est au contraire ouvrir la voie à une relation adulte, réciproque et transparente.
La souveraineté ne s’oppose pas à la fraternité : elle en est la condition.
Tant que la France restera liée à des dispositifs hérités d’un autre temps, elle demeurera prisonnière de ses ambiguïtés historiques et de ses impuissances politiques.

Refonder le droit des étrangers, c’est redonner du sens à la loi, du souffle à la République et du respect à ceux et celles — Français comme étrangers — qui vivent sur notre sol.

Notamment si ce référendum aboutit à intégrer le résultat de ce référendum dans la Constitution, pour y définir les droits fondamentaux qui s'appliquent aux résidents et aux résidentes étrangers, et dont la liste ne doit pas dépendre des neufs sages de la rue Montpensier, mais être pensée en amont, en les nommant et en circonscrivant leur étendue...

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