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Billet de blog 11 novembre 2025

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L’hiver ukrainien n’est pas celui de la défaite, encore moins celui de la voltige...

Alors que de nombreux observateurs annoncent que l’Ukraine s’apprête à vivre « son hiver le plus difficile », certains et certaines y voient déjà le prélude d’un effondrement. C’est une erreur d’analyse. Cet hiver ne sera pas celui du renoncement, mais celui d’une redéfinition stratégique. Par Mehdi Allal. Pour Eva et Ana...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’épuisement, catalyseur de réorganisation

Oui, les Ukrainiens sont éprouvés. Oui, la guerre d’attrition imposée par Moscou use les corps et les esprits.

Mais l’épuisement ne signifie pas la défaite. Depuis février 2022, l’Ukraine a démontré une capacité d’adaptation exceptionnelle : réorganisation militaire, innovation technologique, mobilisation civique... Chaque offensive russe a généré, non pas la résignation, mais une contre-réponse intelligente.

Cet hiver, loin d’annoncer un effondrement, peut marquer un tournant dans la manière dont l’Ukraine structure sa défense et repense sa guerre : plus rationnelle, plus intégrée, moins dépendante du court-terme.


Le soutien occidental : un rééquilibrage nécessaire

Les signaux d’essoufflement à Washington ou à Bruxelles ne doivent pas être lus comme un désengagement, mais comme une invitation à refonder le partenariat.

L’aide à l’Ukraine ne peut plus reposer sur la logique du « flux d’urgence ». Elle doit devenir un investissement de long terme : transfert industriel, production locale d’armement, diplomatie concertée...

L’incertitude occidentale, aussi frustrante soit-elle, peut pousser Kyiv à renforcer son autonomie stratégique. C’est une épreuve qui, paradoxalement, solidifie sa souveraineté.


La guerre de l’énergie : la riposte s’organise

Certes, la Russie s’apprête à frapper l’infrastructure énergétique ukrainienne.

Mais l’Ukraine a anticipé : systèmes anti-aériens renforcés, générateurs déployés, coopération accrue avec les opérateurs européens... L’hiver dernier avait déjà montré la capacité du pays à résister à une guerre de l’électricité et du froid. Cette fois, l’expérience accumulée devient une arme.

Le Kremlin parie sur la fatigue, la peur, la nuit. L’Ukraine, elle, parie sur l’endurance et la lumière.


Redéfinir la victoire

La véritable mutation en cours est celle de l’idée même de victoire.

L’objectif n’est plus seulement la reconquête territoriale totale à court terme, mais la consolidation d’un État viable, démocratique et intégré à l’espace européen. Ce déplacement n’est pas un renoncement ; il est une maturation stratégique.

L’Ukraine peut transformer un hiver de vulnérabilité en moment fondateur d’une nouvelle phase de sa souveraineté.


L’Europe à l’épreuve

Face à cela, l’Europe a une responsabilité historique. Ce n’est plus le temps de la compassion ou du calcul politique, mais celui de la constance. Si l’Ukraine tient, c’est toute l’idée européenne – celle d’une solidarité active et d’une liberté défendue – qui tient avec elle.

L’hiver ukrainien sera aussi celui de notre cohérence : sommes-nous prêts à soutenir, non plus seulement une cause, mais un partenaire stratégique ?


Conclusion

Le discours du "dernier hiver", d'un "coeur en hiver" (Claude Sautet) pour l’Ukraine repose sur une erreur de perception : confondre fatigue et effondrement, transition et défaite. Voltige et équilibre...

L’histoire montre pourtant que les nations forgées dans l’adversité ne s’éteignent pas dans le froid ; elles s’y trempent.

L’Ukraine n’entre pas dans l’hiver de sa chute, mais dans celui de sa reconstruction intérieure. Et si elle tient – ce dont je ne doute pas – c’est toute l’Europe qui en sortira plus forte.

Tandis que la Russie ne pourra que se réjouir de déposer les armes et de disposer de nouveaux réseaux pour stocker, écouler, et qui découlent de son ancien lustre... 

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