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Billet de blog 16 décembre 2025

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L’égalité selon la droite contemporaine : une idée plurielle en débat...

L’article « L’Égalité selon la droite contemporaine » de Darrin M. McMahon, publié le 16 décembre 2025 par AOC media, propose une lecture stimulante mais sélective de la manière dont certaines formations de droite revendiquent aujourd’hui l’égalité. Il invite à réfléchir à ce que ce concept millénaire signifie réellement, au-delà des usages politiques ponctuels... A Apolline de Malherbe...

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Un concept à géométrie variable

Au cœur du débat se trouve la reconnaissance que le mot égalité n’a jamais eu de sens univoque.

Il a été pensé différemment à travers les âges — des régimes antiques aux révolutions modernes — et demeure aujourd’hui élastique et disputé.

L’historien McMahon lui-même retrace, dans son ouvrage récent, l’histoire longue et souvent contradictoire de cette idée, depuis ses origines jusqu’au XXIᵉ siècle, montrant combien elle est « insaisissable » et socialement construite. 

Dans le contexte politique contemporain évoqué par l’article, certaines figures auto-déclarées de droite associent l’égalité à des appels à unité nationale ou à des politiques de nivellement par le haut, ce qui, dans les faits, peut traduire une conception restreinte ou instrumentale de l’égalité, détachée de ses racines juridiques et philosophiques plus larges. 

Héritages juridiques et sociales du principe d’égalité

Sur le plan juridique, en France et dans beaucoup de démocraties modernes, l’égalité est un principe fondamental du droit.

En droit français, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 proclame que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », affirmant que la loi doit être la même pour tous. Cette égalité devant la loi a été consolidée par la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel ainsi que par le principe d’égalité devant les services publics et l’administration. 

Dans la tradition juridique, ce principe s’est traduit par des obligations concrètes : égalité d’accès aux emplois publics, égalité devant la justice ou encore égalité devant les charges publiques et l’impôt. Il existe aussi une distinction classique entre égalité formelle (traitement identique devant la loi) et égalité matérielle (réduction des inégalités sociales).

Sur le plan sociologique, l’égalité se trouve historiquement liée à la construction des démocraties libérales. Elle ne se réduit pas à une simple égalité de traitement, mais engage des rapports sociaux profonds : égalité des chances, lutte contre les discriminations structurelles, et égalité des positions dans la société.

Ces dimensions rappellent que le principe d’égalité ne s’épuise pas dans des formulations politiques instrumentales, mais se révèle comme un vecteur de transformation des rapports sociaux.

Critique nuancée du cadre proposé par l’article

L’article de AOC met en lumière l’instrumentalisation contemporaine du concept d’égalité par certaines forces politiques de droite — parfois comme un outil de séparation plutôt que d’inclusion.

Cette lecture a le mérite de questionner les récits politiques dominants, mais elle risque aussi de réduire à un seul registre les multiples facettes de l’égalité.

Elle tend à juxtaposer une égalité progressiste, censée être universaliste, à une égalité de droite supposée utilitaire, sans toujours explorer les continuum conceptuels et historiques qui traversent ces positions.

Or, l’égalité a été revendiquée à la fois par des mouvements révolutionnaires (de la Révolution française à la lutte pour les droits civiques), mais aussi par des penseurs libéraux classiques qui ont posé l’égalité devant la loi comme condition de la liberté politique. Cela montre que la conception de l’égalité est traversée par des tensions internes bien antérieures aux clivages politiques contemporains.

Conclusion : une notion plus large que les usages politiques

L’analyse de McMahon ouvre un débat nécessaire : celle d’une idée qui, loin d’être statique, se transforme avec les contextes historiques et les projets politiques.

Sur le plan juridique, l’égalité demeure une valeur structurante de l’État de droit et un principe contraignant pour l’action publique.

Sur le plan sociologique, elle continue d’être un repère pour les mouvements de justice sociale et l’analyse des inégalités.

Enfin, sur le plan politique, sa récupération instrumentale — quel que soit l’angle — rappelle que ce concept, comme toute notion normative majeure, ne vit que par les débats qu’il suscite.

En ce sens, une lecture plus nuancée qu’une simple opposition binaire des usages de l’égalité à droite ou à gauche enrichirait la compréhension de ce que signifie être égal en droit et dans la vie sociale, aujourd’hui comme hier. 

Notamment afin de dépasser la notion d'égalitarisme, qui a conduit à de nombreux désastres ; mais également à développer une nouvelle approche, typiquement française, qui ferait de la "discrimination positive" le moyen de faire correspondre l'égalité en droit et l'égalité en fait, mais seulement pour les groupes mis à l'écart, mis au ban de la société, et qui ne demandent qu'à rattraper leur retard... 

Mehdi Allal,
Juriste en droit public et politologue...

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