Le vendredi 23 mai 2025, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a brisé l’omerta diplomatique en dénonçant la situation à Gaza comme « la période peut-être la plus cruelle de ce cruel conflit ».
Une déclaration d’une gravité inédite, qui nomme enfin la réalité : un peuple affamé, déplacé, meurtri par des bombardements incessants, et une aide humanitaire réduite à une goutte dans un désert de désolation.
Ce que les chancelleries occidentales s’obstinent à qualifier de « riposte sécuritaire » porte désormais les stigmates d’un nettoyage ethnique, au sens juridique, comme historique du terme.
Quand des enfants meurent dans les bras de leurs parents sous les décombres, quand les hôpitaux deviennent des cibles et les écoles des tombeaux, il ne s’agit plus d’une guerre : il s’agit d’un effacement.
Le silence des puissants, la parole des justes
Le silence complice de nombreuses puissances, la complaisance avec laquelle Israël est systématiquement absous de toute responsabilité, participent à cette dynamique destructrice. L’inertie internationale est devenue une arme de guerre. Mais les mots d'Antonio Guterres, eux, dessinent un sursaut possible. Ils exigent un passage à l’acte.
Ce que peut (et doit) faire la communauté internationale
Cessez-le-feu immédiat, garanti par l’ONU, avec mécanisme de sanctions dissuasif. Assez de résolutions sans effets, assez de veto meurtriers.
Déploiement d’une mission internationale de protection humanitaire, avec accès total à l’ensemble du territoire de Gaza.
Reconnaissance pleine et entière de l’État de Palestine, sur la base des frontières de 1967 et avec Jérusalem-Est pour capitale. La paix sans justice est une illusion.
Création d’un Tribunal pénal spécial pour Gaza, pour juger les responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de destruction d’infrastructures civiles.
Suspension immédiate des transferts d’armes à toutes les parties impliquées dans des violations graves du droit humanitaire, notamment Israël, tant que les frappes contre les civils continuent.
Soutien financier et politique à la société civile palestinienne et aux voix israéliennes dissidentes, qui œuvrent pour une paix juste, au prix souvent de leur liberté, voire de leur vie.
Protection renforcée des journalistes et collaborateurs gazaouis, comme le demandent les Sociétés des journalistes françaises. La vérité ne doit pas mourir sous les bombes.
Le devoir d’indignation
Ce conflit ne se réglera ni à coup de drones, ni à force de murs. Il ne se réglera pas tant que les Palestiniens et les Palestiniennes ne seront vus qu’au prisme sécuritaire.
Il ne se réglera pas tant que l’impunité régnera. Ce n’est pas d’un statu quo qu’a besoin cette région, mais d’un choc éthique et politique.
Face à la guerre d’effacement menée à Gaza, il faut répondre par une politique de reconnaissance. Une reconnaissance de la souffrance, du droit, de l’histoire. Et avant tout, une reconnaissance de l’humanité.
Qui gît là-bas sur les rotules, comme pour prier, mais cette fois en faveur d'une ferme et franche volonté d'en finir définitivement avec un peuple en quête de la porte de sortie, autre que celle qui lui est proposée par ses principaux interlocuteurs, c'est-à-dire une solution interlope...
Mehdi Allal est enseignant-chercheur en sciences politiques. Spécialiste des relations internationales et des mouvements de libération dans le monde arabe, il travaille sur les logiques de domination postcoloniales, les résistances populaires et les politiques de sécurité. Il intervient régulièrement dans les débats publics sur les enjeux du Proche-Orient.