Crimée, Donbass et Dniepr : quand Trump impose sa « paix » coloniale à l’Ukraine
Par Mehdi Allal | Tribune | 25 avril 2025
Alors que la guerre en Ukraine continue de faire rage, Donald Trump revient sur la scène internationale avec un plan de paix qui n’a de pacifique que le nom. En cédant aux exigences de Vladimir Poutine et en posant un ultimatum à Volodymyr Zelensky, l’ancien président américain transforme le conflit en instrument électoral, au mépris du droit international, de la souveraineté ukrainienne et de la stabilité européenne. Une tribune qui dénonce une logique impériale dangereuse et un chantage diplomatique sans précédent.
L’illusion du soutien inconditionnel à l’Ukraine vient de voler en éclats. Le dernier rebondissement dans la guerre russo-ukrainienne – la présentation d’un plan de « paix » par Donald Trump – n’est pas seulement une ébauche diplomatique : c’est une offre de reddition, un diktat géopolitique qui rappelle les heures les plus sombres du partage du monde entre grandes puissances.
En résumé : les États-Unis proposent à l’Ukraine de céder à la Russie la Crimée, les oblasts de Louhansk, Donetsk, Kherson et Zaporijjia. En échange, un cessez-le-feu, un droit de passage sur le Dniepr et un accès à son embouchure seraient garantis à Kyiv.
La centrale nucléaire de Zaporijjia passerait, elle, sous contrôle américain, au nom de la « stabilité énergétique » de la région. L’Ukraine devrait, en outre, renoncer à intégrer l’Otan. Aucune garantie de sécurité. Aucun engagement de reconstruction. Juste un prix à payer pour sauver un semblant de paix.
Ultimatum voilé, chantage ouvert
Volodymyr Zelensky n’a pas tardé à réagir : « C’est notre territoire, point final. » Mais la menace est limpide : accepter ou perdre le soutien américain. Un chantage à ciel ouvert, assumé jusqu’à la brutalité. JD Vance, vice-président de Trump, justifie ce plan en invoquant une prétendue « équité des lignes de front ». Une rhétorique dangereuse, qui entérine l’idée que la force fait le droit.
Ce que propose Trump n’est pas une solution de paix, c’est une reconfiguration impériale. Un Yalta 2.0, sans consultation, sans multilatéralisme, sans égard pour les peuples. Derrière les négociations, se cache une réalité : l’Ukraine n’est plus qu’un levier dans une élection américaine, un pion dans le jeu de pouvoir entre Trump et Poutine.
Véritable cynisme, fausse compassion
Pendant ce temps, les frappes russes continuent de s’abattre sur Kyiv. Trump, dans un post sur son réseau Truth Social, tente de se donner un ton de médiateur :
« Vladimir, STOP ! 5 000 soldats meurent chaque semaine. Faisons en sorte que l’accord de paix soit conclu ! »
Le cynisme est à son comble. L’ancien président feint la compassion pour mieux appuyer son plan. Les morts deviennent des chiffres, utiles pour accélérer la capitulation.
Une Europe fantomatique
Et l’Europe dans tout cela ? Silencieuse. Une nouvelle fois absente des débats sur son propre avenir géopolitique. Dépourvue d’autonomie stratégique, elle observe, impuissante, la négociation d’un règlement qui pourrait redessiner les frontières à ses portes. La souveraineté de l’Ukraine est piétinée, mais celle de l’Europe aussi.
Contre une paix sous contrainte
Ce moment est crucial. Accepter cette logique de soumission, c’est valider une lecture brutale des rapports de force : celle où la survie d’un État dépend du bon vouloir d’un empire. C’est aussi admettre que des territoires peuvent être « cédés » pour le confort d’un agenda électoral aux États-Unis. C’est enfin trahir l’idée même de droit international, de solidarité entre peuples et de justice.
L’Ukraine ne mérite pas une paix sous contrainte, un traité bâclé, une défaite camouflée. Elle mérite la reconnaissance pleine et entière de ses droits souverains, de son intégrité territoriale, et surtout de sa voix. Car aucun accord ne sera juste sans la participation des premiers concernés : le peuple ukrainien lui-même.
Un peuple martyr, mais qui peut compter sur ses dirigeants pour défendre "becs et ongles" ce qui lui reste de marge de manœuvre : des territoires encore "vierges" de toute présence russe ; malgré des forces armées en déliquescence et un moral en berne, en raison des pertes humaines toujours plus importantes au fur et à mesure du déplacement des lignes de front...
À propos de l’auteur
Mehdi Allal est politiste, enseignant-chercheur en relations internationales. Il travaille sur les conflits armés contemporains, la reconfiguration des souverainetés et les formes de domination postcoloniale en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et en Afrique. Il collabore régulièrement avec des médias engagés dans une lecture critique des relations internationales, et milite pour une diplomatie fondée sur les droits des peuples et la justice globale.