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Billet de blog 27 avril 2025

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Continuité du service public, droit de grève : deux exigences non opposables

Alors que la SNCF se prépare à une « semaine noire » avec des grèves prévues dès le 5 mai, un sondage révèle que 65% des Français souhaitent interdire les grèves pendant les ponts de mai. Si cette aspiration à la continuité du service public est légitime, elle ne doit pas se faire au détriment du droit de grève, un droit fondamental.

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Continuité du service public et droit de grève : deux exigences complémentaires, jamais opposables

Par Mehdi Allal, militant syndiqué CFDT ; à Eugénie Bastié...

Alors que le spectre d'une « semaine noire » à la SNCF, à partir du 5 mai, inquiète nombre de Français, les résultats du dernier sondage CSA, relayé par Le Figaro, font écho à une émotion légitime : 65% des personnes interrogées souhaiteraient interdire les grèves durant les ponts du mois de mai.

Cette hausse de 3 points par rapport aux vacances de Noël traduit une exaspération croissante face aux perturbations dans les transports publics, notamment en période de grands déplacements familiaux.

Cette colère, nous, militants syndicaux, l’entendons. Nous comprenons ce besoin vital de pouvoir compter sur les services publics, en particulier sur le chemin de fer, symbole de lien social et d’égalité territoriale.

Mais cette légitime aspiration à la continuité du service ne saurait, en aucun cas, justifier une remise en cause du droit de grève, droit fondamental inscrit dans la Constitution française et reconnu comme pilier démocratique.

La France, forte de son histoire sociale, a toujours cherché à concilier deux impératifs : garantir le fonctionnement des services essentiels et préserver la capacité des salariés à défendre collectivement leurs intérêts. L'opposition brutale entre ces deux exigences ne serait pas seulement injuste pour les travailleurs ; elle serait également inefficace pour la cohésion nationale.

Car à quoi mènerait une interdiction ciblée du droit de grève pendant les périodes sensibles ? À une régression de nos libertés publiques. À une société où les conflits sociaux seraient dissimulés, décalés, mais jamais véritablement réglés. Où les tensions s'accumuleraient sans trouver de débouchés pacifiques.

Les cheminots, comme d’autres agents du service public, n’exercent pas leur droit de grève par légèreté ou par provocation.

Le mouvement du 5 mai est soutenu par plus de 4.600 signatures de contrôleurs demandant une revalorisation salariale et une refonte de la prime de travail des chefs de bord, dont l’inadéquation avec la réalité du terrain est depuis longtemps dénoncée.

Refuser d’entendre ces revendications sous prétexte de calendrier, c’est ignorer le fond du malaise.

La CFDT, à laquelle je suis fier d’appartenir, s’engage depuis toujours pour un exercice responsable du droit de grève. Nous militons pour que les préavis soient déposés suffisamment en amont, pour que l'information des usagers et des usagères soit transparente et rapide, pour que des solutions de substitution soient proposées autant que possible. Cette responsabilité, nous la revendiquons.

Mais la responsabilisation des syndicats ne doit pas devenir un prétexte à l'interdiction pure et simple de l'expression sociale. Une démocratie forte est une démocratie capable d'affronter ses conflits au grand jour, d'en débattre, d'y répondre. Pas de les bâillonner.

Dans cette période de crispations, rappelons-nous que la continuité du service public et le respect du droit de grève ne sont pas des ennemis. Ils sont les deux faces d’une même exigence démocratique : celle de concilier les besoins de la population et la dignité des travailleurs.

C’est à cet équilibre subtil, exigeant mais vital, que nous devons collectivement œuvrer. De manière pacifique, et pour préserver les principes du service public, notamment malmené par des rémunérations au compte-goutte...

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