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Billet de blog 27 novembre 2025

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Portugal, classe ouvrière silencieuse - La malheureuse, injuste invisibilité sociale

Ils sont près d’un million. Travailleurs du bâtiment, de la restauration, de l’entretien, souvent qualifiés mais rarement reconnus, les Portugais et Portugaises de France vivent une intégration silencieuse qui se confond avec une servitude sociale. Derrière le cliché de la “communauté modèle”, qui demeure dans les "clous", se cache une reproduction mécanique et déterminante de la précarité...

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La France aime présenter "ses Portugais" et "ses Portugaises" comme une réussite de l’intégration : un peuple discret, travailleur, apolitique, presque invisible.

La réalité est beaucoup plus nuancée.

Selon l’INSEE, près de 45 % des immigrés portugais sont concentrés dans le bâtiment, l’entretien, l’hôtellerie ou la restauration, soit presque le double de la moyenne nationale. Pourtant, leur contribution à l’économie reste sous-payée et socialement dévalorisée.

Arrivés dans les années 1960–1970, fuyant Salazar et la misère rurale, ils ont accepté les métiers les plus pénibles de l’Hexagone. Ils ont bâti routes, immeubles, cantines, pavillons : ils ont été l'un des piliers silencieux de l’expansion française.

Et leur silence a été interprété comme réussite, alors qu’il masque une assignation sociale : intégrés dans le travail, rarement par le travail.


Le mythe de la communauté modèle

La diaspora portugaise est souvent louée pour sa discrétion et sa loyauté. Cette absence de contestation est devenue un argument politique pour valoriser la supposée “bonne intégration”, alors que les données sociales racontent une autre histoire :

  • 30 % des Portugais de France sont ouvriers, contre 20 % pour la population nationale.

  • Seuls 9 % accèdent à des postes de cadres, contre 27 % des Français dits “de souche”.

  • Les salaires restent 20 à 30 % inférieurs à ceux des postes équivalents occupés par d’autres populations.

L’intégration réelle, celle qui permet de progresser socialement, reste limitée. La mobilité intergénérationnelle est faible, la valorisation culturelle et professionnelle quasi inexistante. Les Portugais et les Portugaises sont présents dans l’économie française, mais rarement dans sa narration ou ses sphères de décision.


Une exploitation normalisée

Cette domination sociale s’est imposée sans scandale : quotidienne, rentable, invisible...

Les grands groupes du BTP ou de l’entretien ont bâti leur prospérité sur ce modèle : sous-traitance, intérim et silences syndicaux. On célèbre la qualité des travaux, mais pas la sueur des travailleurs.


Trois axes pour rompre le plafond de verre

  1. Revalorisation salariale

    • Primes de pénibilité systématiques

    • Grilles indexées sur l’usure physique

    • Sanction de la sous-traitance abusive

  2. Reconnaissance professionnelle

    • Validation des acquis pour tous les métiers manuels portugais

    • Accès prioritaire aux diplômes et reconversions vers métiers d’encadrement ou artisanat expert

  3. Visibilité et transmission

    • Intégration de l’histoire migratoire portugaise dans les programmes scolaires

    • Création de lieux de mémoire et de témoignages

    • Soutien aux jeunes d’origine portugaise pour l’accès aux études supérieures et à l’entrepreneuriat

Les Portugais et les Portugaises n’attendent pas la charité. Ils attendent justice et reconnaissance, le droit de s’élever au-delà de la “fonction utile” assignée. La France doit accepter que leur silence n’est pas consentement, et que leur discrétion n’est pas réussite.

Epilogue

Elle doit accepter que leur invisibilisation n'est pas une fatalité, mais une contrainte, qu'ils ou elles subissent peut-être sans se plaindre...
Mais avec une mélancolie propre aux œillères qui ont constitué leur lot quotidien, leur loterie journalière...

Plutôt qu'une coterie fantasmée, davantage qu'une quadrature du cercle dramaturgique et phénoménal...

Encore plus qu'un canal tranquille ou qu'un épisode cévenol, une incartade au narguilé et aux narvalos, une cavalerie pour une cavalcade sans déport...      

À Anne-Marie Nocetti, pour ces silences héroïques qui ont permis à ce pays de tenir debout.

Mehdi Allal.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.