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Billet de blog 2 mai 2012

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A Thessalonique, Antonis Samaras, président de "Nouvelle Democratie" promet l'impossible

Antonis Samaras, chef de file du parti Nouvelle Démocratie était aujourd’hui à Thessalonique. Je me suis rendu à ce meeting, placé sous haute sécurité.

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Antonis Samaras, chef de file du parti Nouvelle Démocratie était aujourd’hui à Thessalonique. Je me suis rendu à ce meeting, placé sous haute sécurité.

Je suis arrivé vers 19h au centre d’exposition international de Thessalonique où était annoncée la venue de Samaras. J’ai rencontré de grandes difficultés rien que pour accéder à l'endroit du meeting. De nombreuses barrières gardées par des policiers et des gardes de sécurité étaient en effet installées tout autour du lieu.

Alors que j’y accède finalement, et que je commence à prendre quelques photos, deux gardes de securité m’approchent et me demandent ce que je fais là. Je leur réponds que je suis français, et que je viens pour écouter le discours, dans le but d’écrire un papier. Très sceptiques, ils me demandent ce qu’il y a dans mon sac (presque vide), et me demandent de rester calme durant le discours. J’acquiesce.

Ces sbires resteront près de moi durant tout mon temps passé au parc d’exposition.  

Malgré la pression qu’ils me mettent, je fais mon boulot. A chaque fois que j’approche une des nombreuses personnes venues pour voir leur idole, ils se rapprochent, pour écouter la conversation.

Dehors comme dedans, le dispositif de securité deployé pour le discours est véritablement impressionnant. Des centaines de policiers anti-émeutes sont placés autour du parc expo, à chaque entrée. A l’intérieur, des dizaines de garde sont là, partout autour de nous, dont mes deux gardes attitrés pour la soirée.

Le contexte est tel que les représentants politiques du parti qui a gouverné pendant de nombreuses années la Grèce ne peuvent aller dans des endroits publics sans risque.

La situation était d’autant plus périlleuse que ce matin, 200 personnes du syndicat rattaché à Nouvelle Democratie (DAP NDFK) se sont rendus dans le TEI (équivalent d’un IUT) où se tenaient les élections de la direction. Ces 200 personnes étaient munies de battes de baseball, d’extincteurs et de barres de fer, pour empêcher toute contestation de ces élections, qui sont les premières qui se tiennent suite au vote de la nouvelle loi très contestée qui modifie les conditions d’élection de l’administration. Ils blesseront deux étudiantes, qui malgré leur présence, s’opposeront à la loi. Cela donnera suite à des représailles de personnes encagoulées, qui iront détruire les bureaux de DAP des deux universités de Thessalonique, ajoutant d’autant plus de vigueur au discours de victimisation continuellement proféré par Nouvelle Démocratie et ses satellites.

Ce sont d’ailleurs les membres de ce syndicat qui occupent une tribune derrière l’endroit où Antonis Samaras parlera. Ce ne sont pas des sympathisants du mouvement, non, ce sont de véritables supporters, qui chanteront durant toute la durée du discours des slogans, agitant leur drapeau grec. On n’est pas loin de penser qu’on se trouve dans un stade de foot où les hooligans honorent leur idole par des slogans répétés sans faire attention à ce qu'il se passe sur la scène.

Bref, de nombreuses personnes arrivent: des députés, des candidats aux futures élections. Kostas Karamanlis, l’ancien premier ministre est d'ailleurs de passage. Il est acclamé par la foule, qui se masse autour de lui.

Peu après, Antonis Samaras arrive à la tribune. Des centaines de drapeaux grecs s’agitent autour de moi. Son discours sera assez court.

Dans un premier temps il présente son programme. Il promet, s’il arrive au pouvoir de permettre la « croissance » du pays. Il insiste, à de nombreuses reprises sur la grandeur du pays incarnée tant par son héritage historique que par ses nombreuses richesses « jamais mises en valeur ».

Il énumère par la suite les quelques mesures qu’il appliquerait s’il arrivait au pouvoir. Il est acclamé à chacune des propositions qu’il énonce : Création de centres de rétention pour entraver l’immigration clandestine, « nouveau problème principal du pays » ; permission de la création d’universités privées ; baisse des taxes ; création d’un nouveau système fiscal ; nettoyage de l’Etat partisan, corrompu… A propos des « encagoulés » il insiste, comme lors de tous ses discours sur la nécessité d’ « enlever leurs capuches ». « Nous allons voir leurs visages,  apprendre qui sont-ils, et qui se trouve derrière eux. » Il parle à de très nombreuses reprises de « la nouvelle jeunesse du pays » dont l’avenir a été détruit par la politique du PASOK.

Et, reprenant la fameuse expression prononcée par Georgos Papandréou, hué à chaque fois qu’est prononcé son nom, il énonce : « Papandréou nous a dit : « il y a de l’argent » ; Moi je dis : « il n’y a plus d’argent dans les poches du peuple ».

La grande partie du discours consistera surtout à taper sur le PASOK et sur les « plus petits partis qui tentent de (les) diviser ». « Dans une telle période, l’important est de se rassembler autour de la force qui, sûre d’elle, remettra le pays sur les rails de la croissance ». Il a enfin très grandement insisté sur sa détermination à ne participer à aucun gouvernement de coalition. Et si jamais il n’avait pas la majorité nécessaire pour gouverner, il convoquerait de nouvelles élections.

Il terminera son discours par un appel à « l’aide de Dieu »  expression qui pourrait nous paraitre étrange, mais qui permet ici, par sa simple prononciation de rapporter de nombreuses voix.

De manière générale, c’est un ton très populiste qu’il a adopté ce soir, promettant un avenir joyeux, sans préciser ne serait-ce qu’une seule fois comment provoquerait-il « le changement » qu’il promet. Il s’est voulu rassurant, et volontaire, asseyant l’ensemble de sa réflexion sur les valeurs traditionnelles grecques. Il appelle d’ailleurs la foule « macédoniens, macédoniennes » insistant sur la grécité de la Macédoine, thème très fort, particulièrement ici dans le nord de la Grèce.

Autour de moi, personne ne doute ne serait-ce qu’un instant de sa capacité à changer la situation.

Kostas, retraité, touchait 2000€ par mois il y a deux ans. Il n’en touche plus que 700 aujourd’hui. « Et ils réduisent encore chaque mois !!! ». Il a toujours voté Nouvelle Démocratie, et ne compte pas changer aujourd’hui. « Il va tout changer » me répète-t-il sans cesse. Défendant corps et âme son candidat, il n’est pour autant pas capable de m’énoncer la manière dont Samaras changerait les choses. « Il va réaugmenter les salaires et les retraites ». Je lui demande avec quel argent : « l’argent que ces enfoirés du PASOK cachent depuis des années !!! ». Esquivant les questions de programme, il frappe sur le PASOK et la gauche, ainsi que sur Kammenos, ancien député de Nouvelle Democratie qui a créé son propre parti, les « grecs indépendants », et Dora Bakogiannis, qui a créé « l’alliance démocratique ».

Reprenant mot pour mot le discours de Samaras, il laisse entrevoir toute l’adoration qu’il porte à son « parti de cœur » et son candidat. Pour autant, chez Kostas, ainsi que chez les autres personnes avec qui j’ai pu discuter, jamais je n’ai pu ressentir la moindre réflexion de fond sur le programme, si programme il y a.

Tous semblent enfermés dans l’illusion d’un changement qu’apportera le candidat de Nouvelle Démocratie, sans pouvoir préciser quel est-il, et comment fait-on. Surtout, aucun ne critique ne serait-ce qu’un peu l’action de leur parti, qui a provoqué d’une certaine manière la situation actuelle, et qui a voté, comme le PASOK les dernières mesures d’austérité…

Avant de partir, Kostas m’attrape par l’épaule, et me dit très sérieusement : « Faites bien attention à Hollande, il vous promet des choses, mais il va faire comme Papandréou en 2009 ». Haussant les épaules, ne pouvant m’empêcher d’afficher un sourire nerveux, je m’en suis allé, abandonnant enfin mes deux anges gardiens.

Mehdi ZAAF

Suivez moi sur Twitter: @MZaaf

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