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Billet de blog 27 septembre 2012

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Grèce : Le jeu dangereux de la troïka

Plus de 50 000 personnes défilaient hier dans toute la Grèce pour protester contre le nouveau paquet de mesures d'austérité qui sera voté dans les jours à venir au parlement hellénique. Même si les « traditionnels » affronts ont eu lieu à Syntagma, laissant se déchainer la « traditionnelle » violence des policiers, on retient surtout de cette manifestation l'affluence assez faible comparée aux mobilisations précédentes. Certains disent que c'est à cause de la chaleur, d'autres que ce sont les lacrymogènes qui ont fait fuir ceux qui étaient initialement venus, mais il importe surtout de se demander si la résignation n'aurait pas pris le pas sur la protestation.

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Plus de 50 000 personnes défilaient hier dans toute la Grèce pour protester contre le nouveau paquet de mesures d'austérité qui sera voté dans les jours à venir au parlement hellénique. Même si les « traditionnels » affronts ont eu lieu à Syntagma, laissant se déchainer la « traditionnelle » violence des policiers, on retient surtout de cette manifestation l'affluence assez faible comparée aux mobilisations précédentes. Certains disent que c'est à cause de la chaleur, d'autres que ce sont les lacrymogènes qui ont fait fuir ceux qui étaient initialement venus, mais il importe surtout de se demander si la résignation n'aurait pas pris le pas sur la protestation.

Ce serait compréhensible. Rien n’a changé chez les Hellènes, et cela malgré deux élections qui, même si elles ont beaucoup fait parler, n’ont pas changé grand-chose.

La situation s'aggrave de jour en jour. Il faut le reconnaître, beaucoup n'avaient jusque-là de la crise qu'une perception lointaine et abstraite même s'ils prétendaient le contraire. Mais deux ans de crise et d'austérité ont peu à peu vidé toutes les économies qu'ils s'étaient constituées. Surtout, le gouvernement Samaras, qui semble habité d'une volonté politique extraordinaire, s'est attaqué à la corruption - ce qui n'est pas une mauvaise chose. Cependant, en coupant les « fausses » retraites - versées à des morts -, les « fausses » allocations, en s’attaquant à la fraude fiscale, le gouvernement coupe ce qui permettait jusque-là à un nombre assez important de grecs de survivre. Loin de défendre la corruption à grande échelle, il faut toutefois reconnaitre qu’elle donnait un certain souffle à une population qui subit les conséquences dramatiques de l’austérité.

Aujourd’hui plus que jamais, nous pouvons parler d’une Grèce en crise totale : financière, économique, politique et sociale.

Et cet énième plan, qui devrait permettre d’économiser un peu plus de onze milliards d’euros, ne sera pas le dernier. Le ministre de l’économie Yannis Stournaras a d’ores et déjà annoncé que 7.5 milliards supplémentaires devront être économisés en 2013.

Que faut-il donc penser des déclarations successives des différents membres de la coalition promettant que les mesures prochainement votées seront « les dernières » ?

On aurait presque de la peine pour le gouvernement d’Antonis Samaras, qui court aveuglément derrière la troïka pour obtenir un hypothétique allongement de deux ans du plan de sauvetage, son objectif principal. On ne peut pas dire le contraire : le Premier ministre donne de sa personne pour accomplir cet objectif. Mais il a en face de lui des adversaires redoutables.

La tournée du premier ministre en Allemagne et en France à la fin du mois d’Aout avait était acclamée de toute part. Pourtant, la question grecque était alors mise en suspens au motif qu’il fallait attendre le rapport de la troïka -sensé évaluer l’avancée des réformes menées jusque-là. Initialement prévu pour être terminé à la mi-septembre, le rapport devait être remis au début du mois d’octobre, avant la réunion de l’Eurogroupe.

Mais puisque la remise de ce rapport pourrait générer « un désordre économique mondial », et puisque l’Union Européenne ne souhaite pas donner de voix à Mitt Romney, le rapport pourrait en fait être remis après les élections américaines. C’est ce qu’auraient affirmé des responsables de l’Union Européenne à Reuters, aussitôt démentis par Athènes.

La cacophonie ne s’arrête pas là. Alors que la directrice du FMI Christine Lagarde s’était prononcée en faveur d’une nouvelle décote de la dette grecque, elle s’est aussitôt faite contredire par ses partenaires de la commission européenne et de la BCE qui ont fermé la porte à tout débat.

Pendant ce temps, les négociations politiques entre la délégation de la troïka et le gouvernement ont commencé à Athènes. Celles-ci ont brutalement été interrompues la semaine dernière à l’initiative de Poul Thomsen apparemment mécontent du ton des discussions menées jusque-là. Il faut dire qu’il avait suggéré au gouvernement d’inscrire de nouvelles coupes dans le paquet qui seraient appliquées au cas où les réformes déjà prévues échouaient. La retraite à 67 ans, des baisses de salaires et de retraites allant jusqu’à 30% pour certains ne suffiraient donc pas.

Le gouvernement n’a aucune marge de manœuvre. Le nouveau paquet d’austérité doit être soumis à validation par la troïka, qui peut très bien le refuser, et faire repartir de zéro les négociations déjà très difficiles entre les différents membres de la coalition.

La Grèce semble bien avoir perdu toute emprise sur son destin.

Ce n’est pas nouveau, on le sait depuis un moment : la troïka manie la carotte et le bâton. Toutefois, toute la rhétorique construite depuis 2009 autour de la responsabilité presque exclusive de la Grèce dans la crise qu’elle subit est en train de s’effondrer. Tous, même les dirigeants européens, semblent pris au dépourvu par la vitesse avec laquelle la crise se propage dans toute l’Europe.

Rappelons-le, l’objectif de ces nouvelles mesures d’austérité est de permettre le versement de la nouvelle « dose » de 31.5 milliards au risque de compromettre –encore et toujours- la place de la Grèce dans la zone euro.

Mais le chiffon rouge est usé. Personne n’y croit plus.

Ce « sauvetage » conduit la Grèce dans le mur. Le PIB est en chute libre, le chômage explose. La misère se propage, ouvrant un boulevard à l’extrême droite.

Ce n’est pas de ce « sauvetage » dont la Grèce a besoin.

Ce dont la Grèce a besoin, c’est de se débarrasser de la politique du mémorandum, de la troïka.

C'est là qu'est la véritable urgence.

Mehdi ZAAF

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