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Billet de blog 11 février 2022

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L'IMPERITIE D'EMMANUEL MACRON

Emmanuel Macron confisque le débat public en annonçant de nouveaux EPRs alors que la filière est un gouffre financier et en voie d'obsolescence avant même son déploiement grâce aux progrès récents de la FUSION nucléaire contrôlée. Le nucléaire deviendra ainsi propre, abondant et sans danger. Encore une fois, Macron marche à contresens de l'Histoire et agit en souverain (trop peu éclairé).

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L'IMPERITIE D'EMMANUEL MACRON

Illustration 1
Emmanuel Macron à l'usine GE de Belfort le 10 Février 2022, source Le Monde © Le Monde

La cour de notre presque souverain voudrait attacher au presque candidat une auréole de profonde intelligence: n'est-il pas devenu, naguère, presque à son insu, presque épidémiologiste aussi?

Las, Emmanuel Macron ne montre nulle part ailleurs plus ses limites intellectuelles que lorsque les enjeux sont scientifiques ou techniques.

Victime lui-même de ces pillards d'Etat, comme les qualifie le sulfureux Juan Branco, qui détournent sans vergogne pour leur profit immédiat le bien public, il est aussi, peut-être, mal renseigné par les lobbystes qu'il a lui même contribué à arrimer à son pouvoir.

J'en veux pour preuve, sa décision d'afficher la construction de nouveaux EPRs, dits de seconde génération, alors que la filière EPR est l'un des plus coûteux scandale d'Etat notamment avec les dépassements budgétaires et les avanies subies par le projet de Flamanville, qui n'est toujours pas opérationnel.

Or, depuis quinze ans que cette filière a été soutenu par l'Etat, ses résultats ont toujours été calamiteux, et exportée à l'étranger, elle ne vaut guère mieux.


Si Emmanuel Macron est nul en sciences (de l'ingénieur), il est loin d'être le premier dans sa fonction.
Je me souviens du débat d'entre deux tours où Sarkozy, déjà, confondait les généations de réacteurs, la troisième et quatrième nommément, et leurs spécifités  propres lorsqu'il avait voulu vendre aux Français un programme du même ordre et qu'en face, Ségolène ne pouvait guère lui opposer d'arguments fondés tant elle ne semblait n'y comprendre, elle non plus, "que dalle" comme on dit familièrement...

Quinze ans après, on voudrait nous servir le même couvert indigeste, dans des assiettes fêlées qui plus est!

Faisant fi (une fois de plus) de la volonté d'une majorité de Français de tourner la page du nucléaire pour mieux relever les défis des questions climatiques et environnementales, Emmanuel Macron,cs'est sa spécialilté, ici aussi s'engage à contretemps de l'histoire dans une voie sans issue.

Si "Gouverner c'est prévoir" il montre là toute son impéritie et combien son ignorance des problématiques techno-industrielles à venir est dangereuse.
Notre parc de 56 réacteurs à fission est en voie d'obsolescence avancée. Beaucoup d'entre-eux ont été prolongés dans leur exploitation alors que leur durée de vie programmée était de quarante ans.

Illustration 2
EPR de Flamanville, source EDF

Dans ce domaine aussi nous avons mangé notre pain blanc. Le futur, ce n'est pas plus de réacteurs, mais le nécessaire décommissionnement et démantèlement d'un parc devenant de plus en plus, littéralement explosif.
Cette question du démantèlement et de son coût n'a jamais été franchement évaluée et provisionnée par l'Etat. La poussière est toujours poussée sous le tapis et les patates chaudes renvoyées au locataire suivant de l'Eélysée, trop heureux de pouvoir, à son tour, procéder de même.

Jusqu'à présent nous avons eu de la chance: aucun accident majeur. Le fait que leur probabilité reste faible cache malheureusement une cruelle vérité. Un évènement rare, s'il intervient tout de même, peut avoir des conséquences si catastrophiques qu'il influencera toute l'histoire en aval. A ce titre, il doit être impérativement évité!
C'est le même aveuglement statistique, dit du cygne noir, qui nous a valu Fukushima, et dans un autre domaine, la crise des subprimes avec son effet domino en sus.

Sans pousser à bout de bras une technologie mort née qui n'a jamais vu les fonts baptismaux, l'EPR, ni même les réacteurs compacts (à Thorium), faut-il pour autant abandonner le nucléaire?

En fait non, même si, oui, il faut se défaire, le mieux possible, des très polluantes et potentiellement de plus en plus dangereuses centrales à fission.
De même que la bombe H, apparue en 1952, a été mille fois plus puissante que les bombes à fission d'Hiroshima ou de Nagasaki, il existe une forme de réaction nuclaire beaucoup plus intéressante à exploiter dans le domaine ciivil aussi, la FUSION.
Certes, le succès retantissant de la bombe H, sept ans seulemnt àprès les premières bombes à fission a rendu les physiciens trop optimistes relativement à la maîtrise d'une fusion nucléaire CONTROLEE, et tous ceux qui s'intéressent à la question connaissent l'Arlésienne selon laquelle on dessine ici les linéaments d'une technologie qui depuis soixante ans  se projette toujours à trente ans de distance dans le futur.
Nous n'avons pas eu la fusion à la fin des années 80, ni dans la seconde décennie de ce siècle.
Est-elle pour autant envisageable encore et toujours aujourd'hui à trente ans de distance, donc dans les années 2050?

C'est ici que suivre les péripéties de ce domaine de recherche se révèle fructueux car il semble que nous soyons, enfin, au bout de cet interminable tunnel.
Et au bout, c'est une lumière aveuglante: le Graal énergétique, le soleil sur Terre. Non pas l'astre solaire révéré déjà, à juste titre, par la civilisation égyptienne mais un soleil miniature, domestiqué et même encagé qui se prépare dans des machines aux noms barbares commes des "tokamaks", des "stellarators".

Illustration 3
Tokamak ITER

En fait les succès récents sont si prometteurs qu'ils ont déclenché un apport massif de capital risque. Ici comme ailleurs, l'argent est le nerf de la guerre, surtout dans la phase de recherche exploratoire où nous sommes encore. Mais il existe maintenant au moins 70 startups actives dans le domaines qui chacune prétend apporter sa pierre à l'édifice ou plutôt voudrait raffler la mise avant ses concurrentes!

Les politiques ne parlent jamais de ces projets et ils sont malheureusement totalement absents du débat public de l'actuelle présidentielle sur le nucléaire dans le mix énergétique futur entretenant une ruineuse confusion du public sur le véritable avenir du nucléaire.

Même un spécialiste de l'énergie comme Jancovici n'évoque jamais la fusion lorsqu'il parle du nucléaire, ne voit-il pas pourtant que le domaine évolue, enfin, enfin, à grande vitesse ?
Et c'est tant mieux, l'urgence est criante, vérifiant une fois encore ce vieux proverbe: "la nécessité est mère de l'invention".
Pour attirer ce capital risque, il faut donner des gages de succès sinon à court terme, du moins à moyen terme.  Les projets les plus ambitieux prévoient une exploitation commerciale d'ici 2030 et la plupart avant 2040.
En France, nous avons pourtant la chance d'abriter dans les Bouches‑du‑Rhône, à Cadarache, le projet le plus ambitieux dans le domaine de la fusion nucléaire contrôlée, ITER que feu le président Chirac avait réussi à attirer en France.

Ses successeurs, moins visionnaires que lui et tous plus ignorants les uns que les autres en matière scientifique, n'ont pas su exploiter cette pépite.
Certes, le projet n'a jamais eu comme but de développer, à court terme, une nouvelle filière, propre et sans dangers, de nouveaux réacteurs à fusion. Il ne s'agissait que d'en démontrer la possibilité. La rentabililté économique étant une question d'ingénierie subséquente est reléguée en aval.

Certes, ce "soleil" ne s'allumera qu'en 2025, au plus tôt, et d'abord fort brièvement. Mais il convenait de profiter de l'occasion pour, en filant la métaphore, mettre en orbite autour de ce soleil d'autres astres: les startups et filières, à terme même un écosystème de production qui aurait pu rendre  à la France la possiblité de retrouver son leadership, dans le domaine de l'énergie nucléaire. Pas celle qui ne cesse de mourir, à petit feu, et non sans convulsions défensives de l'écosystème des centrales à fission, mais celle à imaginer, à constuire, puis à déployer des centrales à fusion.

Etant donné que les EPRs projetés par Emmanuel Macron ne seront pas opérationnels avant à minima 2035 pour le premier d'entre eux - et ce  sans présumer des retards que la filière nous a imposé jusqu'ici - et que le parc projeté ne sera complet qu'à l'horizon 2050, de l'aveux même du chef de l'Etat, est-il vraiment raisonnable de s'engager dans cette voie alors que la filière de la fusion devrait être opérationnelle dans les mêmes délais et sans l'essentiel des défauts trop connus du nucléaire "classique" comme la radioactivité de longue durée entraînant une dette environnementale inacceptable pour les futures générations, le coût de la nécessaire sécurisation associée et la dépendance énergétique sur le combustible de la fission, l'uranium en voie de raréfaction et qu'il faut "sécuriser" dans d'opaques circuits d'extraction puis d'acheminement néo-coloniaux!?

Ici encore, Emmanuel Macron, avec ses EPRs, même dits "de seconde génération" aura été la poupée de lobbies passéistes et aura manqué, comme en économie, de reconnaître le sens de l'Histoire.

A tout le moins ce débat nécessiterait d'être soumis, en toute connaissance de cause, à l'arbitrage de l'ensemble des Français et non pas tranché par le presque souverain de l'Elysée.

A défaut d'obtenir satisfaction, et pour éviter de funestes conséquences, il reste encore le pouvoir des urnes.

Illustration 4

Quelques références:


Le surcoût de l'EPR de Flamanville frise maintenant les 20 milliards d'Euros et il n'est toujours pas opérationnel avec plus de 10 ans de retard sur le plan initial.

Les tokamaks et stellarators réalisent une fusion par confinement magnétique d'un plasma chauffé jusqu'à 150 millions de degrés, mais il existe une filière alternative celle du confinement inertiel où la réaction de fusion est obtenue par bombardement d'une micro cible par des faisceaux lasers surpuissants mais qui ne déchargent que périodiquement leur énergie pour initier puis entretenir la réaction de fusion.

Il existe au moins 70 startups actives dans le domaine selon ce rapport , hélas, à ma connaissance rien en France car les pouvoirs publics ne préparent pas ce relais du public au privé qui fait tant défaut à la France, ici nommément dans le cadre du projet ITER.

Sur les investissements privés en cours, cf par exemple cet article du Financial Times.

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