melgrilab@yahoo.fr

Abonné·e de Mediapart

340 Billets

0 Édition

Billet de blog 3 mai 2011

melgrilab@yahoo.fr

Abonné·e de Mediapart

Convoquer une Constituante ?

melgrilab@yahoo.fr

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il me paraît, comme à beaucoup de gens, nécessaire d'apporter à la Constitution tout un train de réformes démocratiques, et opportun, pour marquer le coup, de changer de numéro la République. En revanche, je ne vois pas bien l'intérêt de consacrer une part importante de l'énergie démocratique à la convocation puis à la tenue d'une Assemblée constituante. Dans le passé ce fut un mirage, dans l'avenir il faudra procéder autrement (en s'attachant au contenu concret).

(Outre qu'on ne voit pas bien qui convoquerait cette Assemblée. Un gouvernement provisoire, peut-être ? Tombé de quel ciel et par quel heureux hasard ? Alors qu'il suffit d'appliquer les procédures prévues.)

Il n'est aucunement question de jeter le discrédit sur la Constituante de 1789, ni sur la Convention de 1792. Toutes deux ont fait un formidable travail. Sauf... en matière d'organisation des pouvoirs publics, précisément ! La moûture constitutionnelle de 1791 dut être remise en chantier illico, celle de 1793 ne fut et ne sera jamais appliquée. Désolé, Citoyens: l'Histoire a retenu votre oeuvre révolutionnaire, elle a fait la fine bouche devant vos projets constitutionnels.

Même échec en 1848. L'héritage de la Révolution de Février est considérable sur beaucoup de points, il est nul, voire négatif, sur le plan constitutionnel, du point de vue républicain – et plus encore du point de vue de « la Sociale » -. Il faudra attendre presque un siècle pour une nouvelle tentative.

En 1945-46, on veut donner une Constitution à la IVème République. L'Assemblée constituante doit s'y reprendre à deux fois avant d'obtenir l'approbation du peuple souverain. Et on ne peut pas dire que la Constitution finalement adoptée ait donné satisfaction. Finalement peu démarquée de celle de la IIIème République, elle ne changea pas grand chose à la paralysie gouvernementale, et le gaullisme eut tôt fait de profiter de la confusion des partis et de l'impéritie du « régime d'assemblée ».

Il faut conclure au triste destin des « Constituantes » en France.

Notons pour mémoire, puisque les plus chauds partisans d'une Constituante sont souvent des nostalgiques de la Révolution d'Octobre, qu'en Russie la Constituante convoquée par la Révolution « de Février » (mars 1917) fut dispersée sans autre forme de procès dès qu' enfin elle se réunit, lors de la prise du pouvoir par les Bolchéviks. Tout ça pour ça...

L'idée d'une nouvelle « Constituante » apparaît donc, pour la France, comme un mirage, séduisant et appelé à décevoir (et qui capterait une attention et pomperait une énergie sans doute mieux employées ailleurs). Il n'en demeure pas moins qu'il faut réformer la Constitution, et renuméroter la République pour marquer l'importance du changement.

Des efforts constituants de 89 et 46, l'Histoire a sauvé l'actuel « Préambule de la Constitution », trop méconnu, avec la Déclaration de 1789 et son complément de 1946, auxquels pleine valeur constitutionnelle a été reconnue en 1971, ce que les citoyens ne savent pas assez. Le chômage, par exemple, n'existe qu'anticonstitutionnellement.*

La IIIème République s'était établie empiriquement à travers des lois constitutionnelles, pas particulièrement républicaines au départ (à l'exception du seul « amendement Wallon », dont le mérite était de contenir le mot « République »), mais progressivement interprétées par des majorités républicaines (l'histoire finit mal, certes, au bout de soixante-dix ans, dans des circonstances historiques très particulières).

La Vème s'est installée par chantage au coup d'Etat, et double plébiscite (1958, 1962). Son instauration fut peu glorieuse, mais son fonctionnement s'est montré durablement efficace (au moins jusqu'à la fâcheuse « inversion de calendrier »), tout au contraire de l'oeuvre constitutionnelle des Constituantes du passé. (On peut dire la même chose pour la IIIème).

La voie du changement constitutionnel ne serait-elle pas à chercher dans une triple direction ? 1) interprétation démocratique des textes existants**, 2) amendements posés au fur à mesure des besoins, 3) inflexion fédéraliste (infra et supra nationale) des institutions, ce qui est certainement l'urgence la plus criante (en faisant jouer les principes de subsidiarité et de suppléance, qui semblent tant faire peur aux souverainistes jacobins).

Je conclus donc à abandonner l'idée chimérique de la Grande Constituante qui enfin une bonne fois pour toute du passé ferait table ra-a-se foule esclave debout debout, et à préférer une approche pragmatique, une pression civique pour faire avancer les choses elles-mêmes plutôt que leur représentation idéale sur le papier. C'est affaire de volonté politique, non d'adoption d'un énnième texte parfait et inappliqué.

*« Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi », c'est écrit !

** « le gouvernement [et non le PR ] détermine et conduit la politique de la nation », cela aussi est écrit noir sur blanc, article 20.

(Réf. Morabito et Bourmaud Histoire constitutionnelle et politique de la France (1789-1958) Montchrestien ed.)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.