Pouvoirs publics et société bonne.
Deux choses me chiffonnent dans le livre de Flahaut, liées entre elles.
La première a trait à l’État, dont je crains qu’il ne l’assimile un peu vite à la nation.
L’État est pour les économistes le nom donné à l’instance régalienne et redistributrice (protection sociale incluse); et pour l’étude d’une économie « nationale » l’État est conçu tout naturellement comme national.
« L’une des fonctions de l’État est de protéger les acteurs économiques et les citoyens en général contre leur propension à un « toujours plus » qui, à terme, détruirait les formes de coexistence. » (p:146)
Je préfère pour ma part l’expression « pouvoirs publics », d’inspiration fédéraliste et libérale (au sens politique): cela commence au niveau communal, voire infra-communal (quartiers, lieux-dits), et continue jusqu’à la région du monde (en attendant mieux), avec différents échelons de souveraineté limitée. La souveraineté absolue de l’Etat-nation, sans délégation ni au-dessous ni au-dessus, me paraît contraire aux libertés, qui ne peuvent être, me semble-t-il, garantis sans le jeu des principes de subsidiarité et de suppléance (legs de l’Eglise médiévale, ce qui prouve qu’ils sont nécessaires mais non suffisants) et sans le non moins subtil jeu des pouvoirs et contre-pouvoirs en équilibre et en balance. Je sais que cela heurte, chez les héritiers de la tradition jacobine et bonapartiste (elle-même héritière de l’absolutisme monarchique) autre chose que la partie rationnelle de leur façon de penser (certes respectable).
Même genre de désaccord avec sa notion de « société bonne ». Je ne crois pas que le progrès et l’émancipation passent par une « société bonne ».
On est en droit de penser plutôt que la « société bonne » éventuelle passe par le progrès et l’émancipation. (L’oeuf ou la poule ? Passons.)
Mais il me semble que c’est l’idée même de « société bonne » qui fait problème. La République est le régime du moindre mal, du compromis pour régler les conflits, des « accommodements raisonnables » (comme disent les Québecois), et à vouloir remplacer une « société mal faite » par une « société bonne » supposée surgir toute armée et casquée du crâne de Jupiter, on va tout de suite au pire. (Je rappelle que ce n’est pas la visée de Flahaut, qui se prononce, on l’a vu antérieurement, pour des glissements très progressifs…).
En revanche je ne trouve rien à redire à ce passage:
Le propre des régimes totalitaires est de confondre l’État et la société, de placer celle-ci sous le contrôle de celui-là et par conséquent d’étouffer la vie sociale, sa spontanéité, sa liberté et sa diversité, comme ces régimes le font aussi pour l’économie. Reconnaître que la vie sociale constitue une fin en soi, c’est renverser ce rapport: l’État n’est pas le tout de la société, il est au contraire au service de celle-ci. Et la citoyenneté n’est elle-même que l’une des formes de notre participation à la société. (p:167)
Reste à délimiter clairement la place de cette forme parmi les autres.
Billet de blog 18 août 2012
Lire Flahaut en août (5). Pouvoirs publics et société bonne.
Pouvoirs publics et société bonne.Deux choses me chiffonnent dans le livre de Flahaut, liées entre elles.La première a trait à l’État, dont je crains qu’il ne l’assimile un peu vite à la nation.
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