Nous avons vu la dernière fois (reprit notre bon maître) que l' « allocation des ressources » pouvait se faire selon trois modalités : loi du plus fort, planification autoritaire, loi du marché. Et nous avons évoqué le marché « sauvage » (prôné par les néo-libéraux). Voyons maintenant l'économie de marché régulée.
Il est admis depuis Keynes (sauf par les néo-libéraux), qu'une régulation par les pouvoirs publics s'impose, dans l'intérêt même de la bonne marche des affaires, pour obtenir sinon un équilibre, du moins un déséquilibre dynamique des marchés et du jeu de l'offre et de la demande. Cette régulation correspond à un « compromis historique » entre les possesseurs de capitaux et les travailleurs : au stade historique actuel de l'organisation économique et sociale, ils ont besoin les uns des autres, tant que l'évolution des forces productives n'amènera pas une transformation d'ampleur des rapports de production ( ce qui est encore à venir). L'intérêt des entrepreneurs et l'intérêt des travailleurs sont complémentaires quoique opposés. Il faut des profits pour qu'il y ait des salaires et réciproquement.
La régulation se subdivise en deux sous-modalités, toutes les deux sur la base d'un compromis historique entre les entrepreneurs capitalistes et les travailleurs réunis dans le mouvement ouvrier réformiste. Les deux camps savent que les profits et les salaires sont la condition les uns des autres et proviennent les uns et les autres du partage de la valeur ajoutée, que les entreprises doivent dégager.
La régulation se fait à droite quand le pouvoir est détenu par les entrepreneurs. Le dégagement de profits stables (leur but) suppose d'accorder des salaires et conditions de travail considérées comme satisfaisantes (c'est pour eux un moyen). L'ordolibéralisme correspond à ce régime économique et social. Il est nettement plus avantageux, pour l'ensemble de la société, que l'économie de marché sauvage, et que le régime de la planification autoritaire.
Mais la régulation peut se concevoir à gauche : en ce cas c'est la prospérité de la classe des travailleurs qui est le but, qui suppose, tant que perdure l'économie de marché, le profit des entrepreneurs comme un moyen. Un approfondissement de la démocratie dans l'entreprise et dans la vie sociale est à la fois la condition et la conséquence de cette régulation orientée vers la solidarité et le progrès humaniste.
Comme vous avez été bien sages, voici une petite histoire avant l'heure des mamans et des papas.
Dans un pays lointain, des villageois vivaient à proximité d'un troupeau de zébus, dont ils convoitaent la force, le cuir, le lait, la bouse pour se chauffer et confectionner des produits de beauté, voire la viande.
Certains pensaient que le mieux était de les laisser à la vie sauvage, et d'essayer d'en tuer quelques-uns de temps en temps.
D'autres croyaient que le mieux était de tous les tuer et de les remplacer par des zébus en carton peint (et d'acheter le lait et les produits de beauté aux villages voisins).
D'autres enfin entreprirent de les domestiquer... Un berger et une bergère de zébus furent désignés pour s'occuper du troupeau à plein temps. Ils se marièrent et ils eurent beaucoup d'enfants.