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Billet de blog 26 juin 2012

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Éléments d’économie (7).

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                    Par Melchior Griset-Labûche, de l’Institut herbager de Saint-Isidore-en-Val.
(Résumé des chapitres précédents: Melchior a d’abord parlé des fonctions de base, et des agents; il  a abordé la monnaie, le crédit, et les flux de valeur qui vont avec; il revient sur la monnaie).

                        
 
         - Et d’où vient la monnaie ?
        - Sur l’origine de la monnaie et du crédit: la tradition en fait un phénomène purement économique, qui s’est généralisé, et qui est devenu assez tard un enjeu de pouvoir social et politique. D’autres y voient un phénomène d’emblée politique et social, qui finit par se laisser mollement tomber dans la vie économique (et la perturber). Pour l’analyse élémentaire, à vrai dire, peu importe. C’est sans doute un peu les deux. De toutes façons le signe monétaire concrétise du pouvoir (le fameux pouvoir d’achat).
        Des agents économiques sont spécifiquement dévolus à la collecte et à la redistribution de la monnaie et du crédit. Ils ramassant l’épargne et la mettent à la disposition des investisseurs. Ce sont les banques, les assurances, les organes des marchés financiers. Il y a toute une « industrie » financière, qui a grandi, s’est autonomisée, existe par elle-même, voir pour elle-même…
        - C’est-à-dire ?
        - C’est-à-dire qu’à l’origine c’était un instrument, un moyen de la vie sociale, et que très vite c’est devenu, pour ses propriétaires, une fin en soi. Et a maintenant elle a une fâcheuse tendance à régenter non seulement les affaires, mais toute la vie sociale.
        Les difficultés actuelles (la crise) tiennent en grande partie à la confusion entre les différents rôles de la monnaie et du crédit, à la méconnaissance de leur fonction intertemporelle.
        - Intertemporelle ?
        - Oui. Voyez ce billet de 50€, que je tiens entre mes sabots.
        - Où ça ?
        - Saisissez-vous-en par l’imagination. Ce n’est pas une richesse en soi (ou vraiment très peu). Il n’a guère de valeur d’usage, en tous cas pas pour 50€. Et d’ailleurs, il n’est pas ma propriété (cependant les 50€ qu’il représente m’appartiennent). Ces 50€ sont une créance sur des richesses qui existent déjà et sont en stock chez des marchands, mais aussi sur des choses qui vont exister bientôt (des œufs qui ne sont pas encore pondus mais les poules sont, pour ainsi dire, à pied d’œuvre), et encore sur des richesses  qui, c’est probable mais non certain, existeront plus tard. Donc des richesses sûres (mais qui perdent déjà de leur valeur), des richesses d’un futur proche, et  d’autres plus lointaines. Donc du réel et du virtuel, les deux à la fois. Il y a là une ambiguïté.
        - Tu reconnais donc une ambiguïté dans la connaissance économique ?
        - Pas dans la connaissance, dans les choses mêmes. Et ce n’est pas valable seulement pour les billets; c’est la même chose pour tous les titres de créances et pour tous les actifs monétaires et financiers: ils représentent à la fois du réel et du virtuel.
        - Hum, je vois. C’est ta marotte, la contradiction dans la chose même, bourrique dialecticienne.
        Je me rengorgeai. Et, me croyant encouragé à poursuivre (alors que, à la réflexion, je l’étais peut-être à m’interrompre… Mais n’est-ce pas là la contradiction dans les choses ?), je poursuivis:
        - En période de croissance, il n’y a pas d’inconvénient à cela. Le virtuel devenant réel au fur à mesure que le temps passe et que la production prévue se réalise. Mais que survienne une crise, et tout se gâte (surtout si on est allé encore plus loin dans la sophistication, et si les créanciers détiennent des « produits dérivés » , et des dérivés de dérivés, et des dérivés de dérivés de dérivés, et ainsi presque à l‘infini…). La production se ralentit, voire s’arrête, et les créanciers ne veulent pas admettre que leur pouvoir d’achat (et de domination sur le travail d’autrui) est virtuel et ne sera pas réalisé. Ils réclament qu’on le considère comme du réel, et exigent leur « dû » (leur « livre de chair ») en réel. Ils se retournent vers les producteurs et exigent d’eux qu’ils paient « ce qu’ils doivent », comme si cette monnaie et ce crédit n’étaient pas frelatés (de leur fait). C’est là qu’est l’arnaque. La réduction du crédit en circulation est nécessaire, mais très difficile à réaliser.
        - Pourquoi cela ?
        - Essayez de faire rentrer dans le robinet l’eau qui en est sortie.
        - … Ah oui ! Entropie, irréversibilité…
        - Voilà. À la longue, la confiance s’efface comme la figure du Chat de Cheshire. Or, la confiance est la condition de base de la vie économique. Les agents doivent croire fermement que leurs démarches contribuent à leur permettre d’atteindre leur but: satisfaire au mieux leurs besoins, maximiser leurs profits, etc., que leurs partenaires sont fiables et que l‘on peut donc, raisonnablement, s’y fier, que la valeur circulera - tant bien que mal et vaille que vaille  en période de crise - dans le circuit économique.
                                    (à suivre)

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