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Billet de blog 29 octobre 2011

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Gauche et modernité (par MGL, de l’Institut herbager de Saint-Isidore-en-Val).

I. Libéralisme et subversion.A. Le libéralisme subversif.On se fait volontiers, sous l’effet des idéologies dominantes, du libéralisme originel une vision étroite et péjorative: ancêtre du capitalisme moderne, né dans des chaudrons peu ragoûtants, réactionnaire par naissance et par essence.

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I. Libéralisme et subversion.

A. Le libéralisme subversif.

On se fait volontiers, sous l’effet des idéologies dominantes, du libéralisme originel une vision étroite et péjorative: ancêtre du capitalisme moderne, né dans des chaudrons peu ragoûtants, réactionnaire par naissance et par essence.

Rien n’est plus faux: le libéralisme originel est par essence subversif, dressé contre le vieux monde féodal. Il s’appuie sur deux revendications qui n’en font qu’une (voir Rosanvallon (1)): la liberté et l’égalité, et veut établir le « commerce » (au sens de ce mot chez Montesquieu) entre les êtres humains libres et égaux, pareillement détenteurs des droits de l’Homme.

Certes, c’est étroit, restreint (et d’abord à l’occident blanc et chrétien…); c’est d’ailleurs ce qui explique la vulnérabilité du libéralisme. Il fut cependant porteur d’espoir: voir Condorcet et son essai sur la perfectibilité de l’esprit humain. À la fin du 18ème siècle, le libéralisme originel est la machine de guerre des Lumières contre le vieux monde féodal.

B. Le libéralisme perverti.

Les capitalistes, classe montante, s’engouffrent dans la brèche ouverte par les révolutions de la fin du 18ème siècle, innovent, détruisent les vieilles structures - parfois les détournent à leur profit - et, sur les ruines, entreprennent d’accumuler le capital.

Marx a bien montré comment la société capitaliste procède à la négation systématique du libéralisme originel, à son retournement en son contraire: ses principes sont confisqués par la classe dominante, qui se réserve la liberté d’entreprendre et les droits politiques, la capacité d’innover et le contrôle de toute la société. Le Manifeste du Parti communiste (2) a bien décrit ce processus, alors tout récent.

Ainsi, dès le début du 19ième siècle, l’accumulation capitaliste confisque la liberté et l’égalité au profit de la nouvelle classe dominante: celle des propriétaires du capital.

C. Négation de la négation.

Le marxisme politique (à bien distinguer et isoler des autres aspects de la doctrine) a prôné l’abolition du capitalisme comme processus inhumain d’accumulation du capital et du maintien de la domination d’une classe sur l’ensemble de la société.

Il l’a fait en proposant la dictature du prolétariat et l’abolition de la propriété et de l’initiative privées. Au 20ème siècle, il a partiellement réalisé ce programme, effectuant ainsi une « négation de la négation » qui confirmait celle-ci suivant les canons hégéliens, puisque, supprimant (au moins en apparence et partiellement) le capitalisme, il consacrait en même temps la suppression des principes du libéralisme originel.

Force est de constater que, fin 19ième - début 20ième s., le marxisme politique, croyant abattre le capitalisme, a détruit en fait le libéralisme, sans rien construire.

II. Constat d’impasses symétriques. Comment en sortir ?

A. L’impasse collectiviste.

Au sortir des expériences collectivistes, fin 20ème siècle, après la « Chute du Mur » (dont certains cultivent encore, curieusement, la nostalgie), on constata un véritable désastre, sur tous les plans, dans les pays concernés: démographique (cf. Russie), écologique (Ukraine, Russie, pays Baltes…), social, etc.

À peu près rien n’a pu être sauvé de ces expériences collectivistes, sauf peut-être (ce n’est certes pas rien) quelques progrès en matière de culture de masse. Mais rien qui corresponde aux espoirs qu’on avait pu mettre en elles.

Il est clair désormais que la collectivisation totale, la planification autoritaire et l’absence de libertés démocratiques sont consubstantielles. Le marxisme politique se révèle un échec complet.

B. L’impasse néo-libérale.

Les Etats-Unis ayant gagné la « guerre froide » contre l’URSS, les partisans du capitalisme le plus dur, sous les couleurs du néo-libéralisme, ont cru avoir gagné, eux aussi, non seulement contre le communisme, mais contre toute forme de limitation de la domination du capital sur l’ensemble de la société, et en particulier contre l’ « Etat-providence » et les conquêtes social-démocrates en matière de réglementation et de redistribution.

Le néo-libéralisme a cru à la « fin de l’Histoire », à son propre triomphe, et à la domination sans partage des monopoles capitalistes. Il a cru à son extension à toute la planète, son heure étant venue, et entrepris de réaliser ce programme, cela d’ailleurs dès avant la Chute du Mur (voir le livre de Naomi Klein La stratégie du choc (3) ).

Les résultats de cette politique s’annoncent, eux aussi, désastreux pour les peuples. L’arrogance du capitalisme financier conduit à un autre désastre, symétrique du premier.

C. Comment repartir.

La reprise d’un progrès digne de l’idéal des Lumières et de l’humanisme qui en décole suppose d’abord de ne pas retomber dans l’une ou l’autre des deux ornières fokonyaka:

* l’une, croire que la centralisation des pouvoirs et la planification autoritaire pourront résoudre les difficultés: elles ne feraient que servir les intérêts d’une classe dominante reconstituée et conduiraient aux mêmes désastres dont l’expérience a été faite.

* l’autre, s’imaginer à l’inverse que la déréglementation complète et la liberté totale pour les possesseurs de capitaux peut conduire à autre chose qu’aux tares du néo-libéralisme, que nous connaissons déjà, elles aussi.

Les deux faillites précédentes sont aussi celles du productivisme qui leur est commun, et dont la critique, déjà largement entreprise, n’a cependant pas encore abouti à la reconnaissance de la nécessité du développement durable, tant économique que social et politique, et encore moins à la prospection du chemin que celui-ci devra se frayer.

Il faut donc éviter les deux ornières, et retourner à l’humanisme, sur les ruines du productivisme et des idéologies systématiques. La gauche se régénèrera dans le processus même par lequel elle se saisira des urgences, de façon simultanée: développement de la démocratie (représentative et participative), avancée vers la croissance (verte) et le plein-emploi, protection de l’environnement, construction de l’Europe fédérale.

________

(1) Pierre Rosanvallon La société des égaux Seuil 2011

(2) Marx et Engels Le Manifeste du Parti communiste 1847 (Facilement accessible en ligne)

(3) Naomi Klein La Stratégie du choc Babel 2010

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