Mélissa Camara, eurodéputée écologiste, partie samedi 27 septembre de Catane à bord de la flottille Thousand Madleens, vient d’être arrêtée par l'armée israélienne, alors qu’elle se trouvait dans les eaux internationales aux abords de la bande de Gaza. Elle a été emmenée au port d’Ashdod et placée en détention. Elle nous explique les raisons de son départ et son ressenti de la traversée.
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Avant mon départ, j’étais rongée par la honte. Honte du mutisme de l’Occident, qui détourne le regard face à un génocide. Honte de la lâcheté de la France, engluée dans ses silences diplomatiques.
Alors que les peuples du monde entier se lèvent, crient, marchent. Alors que Rome, Madrid, Amsterdam, Paris, Sydney se soulèvent, une partie de nos gouvernements compte les morts et appelle cela la prudence.
J’ai eu honte, honte de nous. Mais la honte porte en elle un sentiment révolutionnaire. Et c’est celui-ci qui m’a amenée à prendre la mer aux côtés de celles et ceux qui refusent de se taire, formant une humanité effrayée par sa propre faillite morale.
Car malgré les récits, malgré les images qui déferlent sur nos écrans, l’inaction persiste — cette inaction complice qui permet qu’un peuple entier soit broyé dans l’indifférence. Car malgré les mots, malgré les preuves, nos gouvernements fuient leurs devoirs, fuient leurs obligations : prévenir un génocide, punir les bourreaux.
Le peuple palestinien est réduit au silence. Ses morts sont comptés, mais ses voix, elles, sont effacées. On parle de lui sans jamais l’écouter. On le décrit, on le chiffre, on le commente — mais on lui refuse le droit de dire, le droit de nommer sa propre tragédie.
Chaque image est suspecte, chaque mot est disséqué, chaque cri est censuré. On exige d’un peuple sous oppression qu’il parle avec mesure, qu’il prouve encore et encore sa souffrance, pendant que ses maisons s’effondrent et que ses enfants sont ensevelis sous les gravats. Être palestinien, aujourd’hui, c’est survivre au bruit des bombes, à la violence des colons et au silence du monde.

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Députée européenne depuis un peu plus d’un an, je ne peux que constater la passivité de nos assemblées. Et si James Baldwin disait être terrifié par l’apathie morale, la mort du cœur de son pays face aux discriminations raciales, je ressens la même peur.
Quand la violence coloniale ravage tout un territoire et tout un peuple, nos chef.e.s d’Etat tergiversent sur les sanctions économiques qu’il conviendrait de prendre contre Israël.
Quand le blocus humanitaire met en péril des dizaines et dizaines de milliers de vies, les eurodéputé·es, emmené·es par des extrêmes droites négationnistes et une droite faisant l’autruche font plier toute l’institution pour ne pas inscrire le terme ‘génocide’ dans une résolution.
Et quand on nous annonce la mort prochaine de nourrissons affamés, déshydratés, abandonnés dans des couveuses sans électricité, l’extrême droite se réjouit d’un massacre qu’elle ose encore appeler défense, pendant que le reste du pouvoir détourne le regard, comme si le silence face à l’horreur pouvait être neutre.
Voilà le terrible spectacle auquel j’assiste chaque semaine.
Notre flottille est pacifique. Nous ne voulons rien de plus que faire respecter le droit international, bafoué tous les jours par les autorités israéliennes sans provoquer de quelconque réaction majeure des puissances mondiales.
L’obligation d’assurer un corridor humanitaire est un des nombreux points des conventions de Genève, qu’Israël viole encore et toujours depuis trop longtemps. Que ce soit la Sumud, arrivée la semaine dernière, ou la Thousand Madleens sur laquelle je me trouvais, l’objectif premier est clair : briser le blocus illégal israélien et ouvrir un corridor maritime.
Face à la lâcheté de nos gouvernements, nous devons montrer aux Palestinien·nes que nous sommes à leurs côtés, que nous ne les abandonnons pas. Que nous ne capitulerons jamais face à l’horreur génocidaire. Voici les objectifs des flottilles et les raisons de mon départ.
Maintenant, à l’heure où vous lisez ces lignes, Israël s’est rendue coupable de nouvelles violations du droit international, en arraisonnant nos voiliers dans des eaux internationales et en nous envoyant en détention, en kidnappant des civils souhaitant faire respecter les conventions de Genève.
Les gouvernements, au-delà de leur inaction criminelle face à Israël, ont clairement fauté en n’assurant pas la protection de nos bateaux jusqu’à la bande de Gaza. Je demande, répète et réitère encore ce que nous avons toujours dit : les prochaines flottilles doivent être protégées par les États européens jusqu’à l’acheminement des vivres.
C’est comme cela que nous briserons le blocus !
Et j’en appelle à l’ensemble des services consulaires des équipages de la Sumud et de la Thousand Madleens, afin que tout soit mis en œuvre pour que toutes et tous soyons libéré·es et rapatrié·es le plus rapidement possible. Israël nous détient ici illégalement.
Arrêtons l’hypocrisie, stoppons le blocus, sanctionnons fortement Israël, cessons les massacres et jugeons les génocidaires ! Trop de sang a coulé, trop de vies ont été perdues, cela ne peut plus durer !