Si nos parents nous ont appris à parler fut un temps , les gouvernements nous font taire désormais.
Il n'a jamais été aussi difficile de s'exprimer qu'à l'heure de nos grandes démocraties , aussi paradoxal que cela puisse paraître aujourd'hui.
Partager une idée ou bien simplement la défendre devient un véritable jeu d'équilibriste , une marche fragile sinon un vrai périple que l'on fait rarement sans avocat.
Un mot de trop , un parler franc , une intonation particulière ou une conception singulière du monde dans lequel on vit et nous voilà très rapidement traîné dans la boue des procès judiciaires et médiatiques sans fin et surtout sans appel.
Quant à celles et ceux qui ont l'audace de s'exprimer malgré tout , il n'est pas rare qu'ils deviennent des symboles de courage en exil à l'autre bout du monde lorsqu'ils ne sont pas expédiés au fond d'une cellule par les gendarmes de la parole.
Et pourtant , la pleine santé d'une démocratie n'est-ce pas sa capacité à débattre et à surpasser les désaccords à la recherche de compromis ?
La modernité , le progrès , la liberté et toutes les jolies devises historiques que nous pensions avoir définitivement acquises , s'essoufflent chaque fois qu'un journaliste est écroué , chaque fois qu'une bouche est bâillonnée et autant de fois que les plumes d'esprit critique sont confisquées.
Après analyse , que nous apportent vraiment ces silences pesants dans nos sociétés , aujourd'hui ?
D'abord , ils contribuent inutilement à la création de tabous artificiels qui n'ont pas lieu d'être et qui renvoient nos mentalités à l'état primitif des ancêtres de nos ancêtres. Des tabous qui paralysent l'innovation , qui tuent dans l'œuf la diversité des idées tout en faisant culpabiliser l'être qui osa sortir du cadre de la pensée classique et sociétale.
Ensuite et par la force du silence imposé que nous n'avons le choix de supporter, nous devenons spectateurs , victimes et coupables à la fois des événements dramatiques dont nous aurions pu changer la trajectoire par la puissance d'un bon discours que nous n'avons osé prononcé.
Aussi , n'assistons-nous pas à des inégalités de paroles ? Une sorte de redistribution arbitraire de ce droit d'expression pourtant si humain et non monopolisable.
Lorsque le micro est tendu toujours aux mêmes personnes véhiculant incessamment le même bouillon d'idées fades et sans grand progrès , devant ceux qui écoutent patiemment et aimeraient bien parler.
Des silences qui révoltent , des silences qui tuent parfois , des silences devenus terreau des extrêmes et extrémistes , nid des pensées précipitées et des nerfs à vif.
Alors , que faire ? Reconquérir au plus vite cette liberté perdue et la considérer comme notre priorité absolue.
La rattraper , coute-que-coute , avant qu'elle ne nous échappe une bonne fois pour toute.
Relancer le combat de l'ancien temps , celui de Voltaire et de ses copains , rejouer l'histoire comme si c'était la première fois et en même temps la dernière, recommencer le match et ne s'arrêter que lorsque nous aurons définitivement empoigné notre plus belle liberté : celle de parler.