Le théâtre est une porte ouverte sur un monde qui nous semble autre mais qui est , en réalité , rien d'autre que le nôtre.
Le théâtre quotidien
Qu'il s'agisse de votre premier entretien d'embauche avec le patron de la société que vous convoitez à la caissière qui scanne vos articles un par un en vous demandant votre carte de fidélité en passant par les discours politiques que vous visionnez fréquemment à la télé , tous ressemblent à s'y méprendre à du théâtre.
Et pour cause , le patron qui vous reçoit ne vous à pas accueilli en jean/basket ou en pyjama mais à prit le temps de vêtir son joli costume cravate , de raser sa barbe et de se parfumer. Il vous vouvoie , vous reçoit dans un bureau jonché de dossiers , ferme la porte et vous invite à prendre place sur une chaise en face de lui en vous demandant ce qu'i vous amène ici.
La caissière de votre supermarché préféré vous pose toujours les mêmes questions de manière procédurale en même temps qu'elle passe robotiquement vos produits au scanner de sa machine. Elle porte une veste exposant l'enseigne du magasin , vous donne le prix , prends votre argent et ne vous parle pas en tant que Marie-Hélène ou Christiane mais en temps que salariée du magasin.
Quant au ministre qui s'adresse aux français à la télé , vous le verrez choisir précisément son vocabulaire , affiner sa posture et travailler le ton de sa voix jusqu'au traits de son visage. Il ne laisse rien au hasard , contrôle de ses sentiments et joue son rôle de fonctionnaire avant même d'apparaître en tant qu'Homme.
Et pourtant le patron que vous appeliez M.DUPONT ce matin , certains l'appellent Jean-Michel quand ses enfants ne l'appellent pas "papa" et ses neveux et nièces "tonton". Quant à la caissière du supermarché , passé 18h , la voilà rejoindre sa famille parce qu'elle est aussi la fille de quelqu'un , sœur ou tante , cousine ou compagne d'autres personnes. Et enfin , monsieur le ministre dont le discours paraissait si parfait du fond de son bureau de l'Elysée , retire sa cravate après le discours pour aller déjeuner comme le reste de l'humanité.
En somme , dans nos vie quotidienne , force est de constater que chacun est un acteur bon gré , mal gré.
Le théâtre démasqué
Qui n'a jamais été impressionné par la robe que porte un avocat , la blouse blanche d'un médecin ou la toque d'un grand cuisinier parisien ?
La magie est telle que les masques tombent à force de connaissance. L'avocat si admiré que l'on imagine gagner procès sur procès en portant la voix de l'accusé , lorsqu'il devient notre amis , perd en sacralité. Et si le ministre était votre père , le verriez-vous si imposant que le perçoit le simple citoyen ?
L'effet théâtral de nos vies est donc relatif.
Il faut donc pour parler de théâtre , un lot de conditions : réunir des rôles , un décor , une pièce et un échange entre celui qui joue et celui qui contemple le jeu en question. Il y a donc forcément une certaine pudeur en théâtre qu'impose la distance qui sépare les sièges du spectateur de la scène de l'acteur. Une distance franche , respectée , symbolique et nécessaire. Chacun sa place , chacun son rôle et le mélange des deux n'est pas une bonne chose à faire.
Dès que l'acteur monte sur scène et fait son premier pas sans même avoir eu besoin de parler , on ne le considère que pour ce qu'il est , à savoir : le rôle qu'il est venu jouer.
Et là , magie du spectacle , on y voit dans les yeux du public une lueur brillante de sacralisation.
Oui mais , si vous connaissiez personnellement l'acteur qui monte , qu'il soit votre ami , frère ou que sais-je encore , le verriez-vous encore de la même façon ?
Théâtraliser nos vies ou vitaliser le théâtre ?
Si les gens aiment se rendre au théâtre, s'asseoir pendant des heures en spectateur et regarder la mise en scène d'une pièce rigoureusement rédigée , c'est parce que quelque part il y a une part d'eux dans ce qui est joué.
L'Avare de Molière , tel qu'il est interprété encore aujourd'hui , parle autant aux petits avares qu'aux grands dépensiers. Le Malade imaginaire comme il est de coutume repris , attire bien les médecins , leurs patients et les êtres qui ont un jour eu peur de tomber malade. Don Juan , souvent joué par un bel homme à la crinière soignée , vous rappelle certainement un de vos amis comptant plus facilement ses conquêtes que le nombre de ses années. Antigone de Sophocle et l'histoire d'amour impossible d'Aïda , viennent quant à elle rappeler les querelles amoureuses de notre temps.
En bref , le théâtre est un miroir de vie et y assister c'est accepter et vouloir se regarder vivre. Un brin narcissique , telle est la nature humaine que nous portons, nous sommes prêts à regarder ces personnages emblématiques dont les vices et vertus sont , en réalité , les nôtres.
Il y a donc une réciprocité entre le théâtre et la vie , un lien dirons-nous sinon une interconnexion établit. Et celle-ci se nourrit mutuellement de l'un et de l'autre et grandissent ensemble et en parallèle au cours des évènements.
On apporte finalement un peu de nos vies dans le théâtre et du théâtre dans nos vies. De sorte , qu'en définitive , les deux se confondent et ressemblent à s'y méprendre à un duo complice et éternellement intime.