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Billet de blog 23 janvier 2022

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Au ralenti

Pendant, deux mois, je vais travailler en milieu carcéral avec une mission de promotion de la santé. Je livre ici mes remarques et réflexions pour documenter ce que je vois.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Après deux semaines de stage, j'ai pu aller une fois dans un des centres pénitentiaires. La faute au covid et à la lenteur de l'administration. Collègue malade, attente pour l'autorisation d'entrée dans les bâtiments et maintenant, une partie d'un des centres est mis en quarantaine. Au delà des difficultés que ça me pose en tant que stagiaire, les collègues remontent les réalités des détenues concernées.

Enfermées dans les cellules, sans accès aux douches avec un bac d'eau pour se laver. Plus je lis, plus j'écoute les collègues, plus les conditions inhumaines de la vie en prison me choquent. Le travail avec des personnes à la rue et à la jungle de Calais m'a pourtant habitué à voir des êtres humains survivre dans des conditions exécrables. La prison me paraît plus cruelle parce que c'est une institution. Ce pourrait être un endroit où les gens auraient la possibilité de se soigner, se former. Mais l'utopie est bien loin.

La surcharge de travail des services médicaux et des agents de surveillance, la vétusté des bâtiments, la surpopulation carcérale (849,9 détenus pour 583,8 places en 2017 pour le centre où je me suis rendu) font que la prison est un endroit où la dignité humaine est maltraitée. Le livre de Arthur Frayer Dans la peau d'un maton (2012) est une plongée dans cet univers étouffant. Le journaliste a infiltré l'univers pénitentiaire en y travaillant en tant que maton, agent de surveillance. La cruauté des agents surmenés, le découragement face aux logiques kafkaïennes des institutions, la colère et l'étranglement qu'il livre m'ont fait écho. Travailleur social ou agent de surveillance en prison, nos mains sont parfois coupées par les collègues désabusés, les fonctionnements autodestructeurs des personnes que nous accueillons, nos salaires ridicules par rapport à notre charge de travail, les cadres institutionnels absurdes jusqu'à la maltraitance.
Plus globalement, le sentiment d'être un des bouts de chaîne du capitalisme où notre mission est d'exercer un contrôle social sur les personnes se trouvant dans les pires conditions sociales et matérielles du système.

Quand beaucoup de salarié·e·s du social se retrouvent dans ces professions avec au départ la volonté naïve "d'aider les autres", le risque d'épuisement professionnel est grand.

Comment apporter quelque chose aux personnes qu'on accompagne sans se décourager ?

En attendant de tout brûler, ma démarche est d'ouvrir des portes vers des échappatoires confortables et faciles, que j'ai moi-même expérimenté.
Les drogues ? Non, Micheline, ça n'est pas très professionnel.

Je sais que le dessin et l'écriture m'ont permis de traverser les moments noirs, en imaginant d'autres possibles, en mettant à plat le brouhaha mental ou juste en échappant au réel le temps de noircir une page. C'est ce que mon mémoire de formation et cet accès facilité aux intervenant·e·s en prison vont me permettre d'explorer. 

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