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Billet de blog 2 janvier 2024

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Moi, végane, écolo et fatiguée - 9. Veganuary mon (faux) ami

Comme tous les ans depuis maintenant 10 ans, le Veganuary est lancé. Pour les non-initiés, il s’agit d’un défi, un peu comme pour le mois sans tabac ou sans alcool, celui de manger végétalien pendant tout le mois de janvier. La communication autour de ce défi parle de « tester le véganisme » pendant 1 mois. Ce qui est ridicule mais loin d’être anodin.

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Comme tous les ans depuis maintenant 10 ans, le Veganuary est lancé.

Pour les non-initiés, il s’agit d’un défi, un peu comme pour le mois sans tabac ou sans alcool : celui de manger végétalien pendant tout le mois de janvier.

La communication autour de ce défi parle de « tester le véganisme » pendant 1 mois. Ce qui est ridicule mais loin d’être anodin.

Ridicule car, comme je l’ai déjà dit dans plusieurs billets précédents, le véganisme est une idéologie qui refuse l’exploitation animale et ne concerne pas uniquement l’alimentation.
Or on ne peut pas tester une idéologie pendant un mois. Les omnivores ou végétariens qui relèvent ce défi ne vont pas tester l’idée d’être opposés à l’exploitation animale pendant 31 jours, pour décider ensuite s’ils continuent ou non à y être opposés. Ils vont tester l’alimentation végétalienne, ce qui est différent.

Ce n’est pas anodin car sous couvert de simplification à des fins d'efficacité c’est bien sûr volontaire, le but étant bel et bien de « convertir » les gens au véganisme en les prenant par l’estomac tout d’abord, avec en bonus des promesses quant à l’effet bénéfique obligé sur la santé ; mais les mails que vous recevrez tous les jours comporteront bien entendu plus que des recettes ou des conseils nutritionnels : vous aurez droit à tout un tas d’infos plus ou moins exactes (je suis navrée de le dire mais j’ai arrêté de soutenir L214, exaspérée par leur communication parcellaire et mensongère) et surtout d’images, de vidéos chocs ou de slogans visant à vous sidérer émotionnellement et à vous faire adhérer à la cause sans plus y réfléchir.

Oui, je suis de plus en plus critique vis-à-vis du véganisme tel qu’il est pratiqué et brandi chez nous. Par une majorité ou une minorité très bruyante ? Je ne sais pas, mais c'est insupportable et contre-productif à mes yeux.

Alors pour ceux qui tentent le Veganuary, mais aussi pour tous les déjà-véganes et en particulier les nouveaux, voici mes vœux pour la nouvelle année :

1. Ne vous laissez pas embrigader.

Le véganisme n’est pas une secte mais ceux qui le représentent et en parlent le plus, que ce soit des influenceurs, des assos, des admins de groupes fb ou autres, font souvent preuve d'un comportement sectaire.

N'éteignez pas vos cerveaux et ne vous laissez pas avoir par la communication à coup de slogans, de mèmes rigolos et d’images sanglantes. Ni par celle reposant sur des jolis graphes sans contexte, des sondages d’opinion ou du pré-mâché d’études scientifiques. Allez les lire par vous-mêmes, ces études, et vous verrez que souvent le résumé qui vous en est proposé est assez éloigné du propos initial.

Ne vous arrêtez pas aux slogans simplistes qui court-circuitent votre réflexion, comme « pas de sang dans mon assiette », « nourriture zéro souffrance » ou « les animaux sont mes amis et je ne mange pas mes amis » (perso je ne mange pas mes ennemis non plus…).

Gardez à l’esprit que les végétaux que vous avez dans votre assiette ne saignent certes pas mais que, pour les cultiver, dans l’immense majorité des cas d’autres animaux ont été tués et parfois de façon bien plus lente et douloureuse que le bœuf que vous ne mangez plus. Les pesticides, le tassement du sol, les moissons, l’arrachage des haies (liste non exhaustive, on pourrait citer aussi la mise en eau des rizières qui noie des animaux ou la récolte mécanique des olives qui décime les oiseaux), ou plus basiquement le simple fait de nous réserver de grands espaces pour faire pousser une seule variété de plante impacte la faune sauvage, et un pré arboré entouré de haies avec des bovins qui pâturent sera toujours plus favorable à la biodiversité qu’un champ cultivé même en bio.
Gardez aussi à l’esprit que des humains sont peut-être exploités pour certaines des choses que vous consommez pour remplacer les produits animaux.

Être végane est un choix tout à fait respectable et qui répond à une véritable éthique, mais tout n’est pas noir ou blanc. Si l’élevage intensif est bien une horreur, votre choix ne se réduit pas à véganisme vs élevage intensif.
Celui qui mange un steak n’a pas forcément moins d’éthique ou de compassion que vous ; et contrairement à ce qu’on essaye de vous faire croire son impact sur les animaux et l’environnement n’est pas forcément pire que le vôtre.

2. Prenez soin de vous.

En particulier, faites attention à votre santé. Le végétalisme peut très bien vous réussir et si c’est le cas c’est tant mieux. Mais il se peut qu’au bout d’un certain temps vous ne soyez plus en si bonne santé, physique ou mentale. Ça peut prendre 2 ans comme 15. Ou quelques semaines. Arriver insidieusement ou brusquement.
Beaucoup de véganes redeviennent végétariens ou omnivores au bout de quelques années. Une étude menée par une organisation végane estime la durée moyenne du végéta*isme entre 3,4 et 7,4 ans. Une autre étude d'une autre organisation végane datant d'il y a 10 ans concluait que 84 % des végéta*iens abandonnaient leur régime, le chiffre tombait à 70 % pour les végétaliens.
Et parmi eux, un quart environ (26%) le faisait pour raisons de santé.

Les véganes purs et durs rejettent ces faits en prétendant que ceux qui abandonnent n’étaient pas vraiment véganes de toute façon et/ou qu’ils ont mangé n’importe quoi. C’est vrai pour certains, mais ce n’est généralisable à tous les ex-véganes qu’à l’aide d’une bonne dose de mauvaise foi.

Attention aussi à vous supplémenter systématiquement en B12 qui, contrairement à ce qu’un certain nombre de véganes prétendent, ne se trouve pas dans les végétaux même non lavés. Méfiez-vous des youtubeurs qui affirment péter le feu sans supplémentation depuis 30 ans : soit ce sont des exceptions, soit plus probablement ils sont supplémentés sans le savoir (via des produits industriels enrichis) ou ils mentent.1 Ou les deux à la fois. Une carence en B12 peut mettre des années à se manifester mais elle est dangereuse voire potentiellement mortelle si pas soignée à temps.

Bien menée ou non, supplémentée ou non, l’alimentation végétalienne ou même végétarienne ne convient pas à tout le monde sur le long terme et je m'en rends compte tous les jours un peu plus.
On ne sait pas toujours pourquoi : certains prennent des tonnes de suppléments sans jamais parvenir à se sentir mieux alors que le jour où, souvent à contrecœur, ils réintroduisent des œufs, du lait, du poisson ou de la viande, l’effet est immédiat et ils se sentent revivre.

3. C’est très difficile lorsqu’on devient végane, mais essayez de ne pas laisser le véganisme vous définir, devenir qui vous êtes.

Le subreddit exvegans est rempli de véganes ou végétariens de plus ou moins longue date qui sont littéralement terrorisés / écoeurés à l’idée de remanger des produits animaux tout en sachant très bien qu’ils doivent le faire pour leur santé physique ou mentale, parce qu’ils ont l’impression que leur identité va se dissoudre à la première bouchée (ou même qu’ils vont mourir, pour certains qui ont un peu trop cru les slogans affirmant que la viande ou les produits laitiers étaient mauvais pour la santé).

N’en arrivez pas là. Même si vous pensez que c'est la meilleure décision de votre vie, que votre seul regret est de ne pas être devenu végane plus tôt, même si vous êtes certain de ne jamais faire machine arrière2 et quel que soit votre degré d'investissement dans cette cause, essayez de garder un minimum de recul.

4. Ne laissez pas la communauté végane vous monter contre le reste du monde.

« Eux contre nous ». Carnistes, violeurs, assassins, mangeurs de cadavres, dégénérés… la liste des qualificatifs réservés par certains véganes aux non-véganes est longue.
Alors que vous, bien entendu, en ayant rejoint le rang des véganes vous êtes non seulement du bon côté mais du seul bon côté, vous êtes le seul à avoir de l’empathie, à être intelligent, informé, et en plus avec l’alimentation végétalienne vous vivrez longtemps et en super santé. Seul peut-être, car on vous aura encouragé à ne pas fréquenter les horribles carnistes3, mais longtemps. Youpi.

Il y a déjà suffisamment de gens sur Terre qui se tapent sur la gueule pour défendre leur vérité, ne vous rajoutez pas à la liste par pitié.

***

À ce stade je pense qu’il est utile de le préciser : oui, je suis toujours végane.4

Je suis toujours contre l’exploitation animale, tout en ayant conscience que mon impact sur la faune est largement aussi désastreux lorsque je mange des céréales ou des légumineuses ; malgré tout c’est le véganisme qui me correspond le mieux dans l’état actuel des choses mais c’est un choix personnel.

Je rajouterai tout de même une rationalisation a posteriori. Pour arriver à nourrir durablement l’humanité, le consensus (GIEC, FAO et cie) appelle à végétaliser globalement notre alimentation à l’échelle de la planète, et pas qu’un peu.
Réduire sa part de produits carnés (le flexitarisme) contribue à l’effort global, et vu que je fais partie de ceux pour qui une alimentation végétale (+ œufs de poules de réforme depuis qq années) a l'air de convenir, j’y contribue encore un peu plus.
Présenté autrement : moi qui le peux je ne mange pas d’animaux pour que ceux qui ne peuvent pas s’en passer puissent en manger.5

***

5. Pour finir et de manière plus générale restons lucides, respectueux et sans haine. Continuons à nous remettre en question, allons voir les arguments des uns et des autres, vérifions les infos (surtout quand elles vont dans notre sens), exigeons des sources, ne répétons pas bêtement des argumentaires prémâchés, réfléchissons.

Acceptons que la vie est synonyme d’évolution et que nous aussi pouvons évoluer, tant dans notre pensée que dans nos pratiques. Ne laissons pas les autres nous culpabiliser si nous faisons des écarts ou si nous revenons en arrière, temporairement ou non.


1. Extrait de Wikipedia : « On constate une différence sensible entre le fait de se déclarer végane et le fait de déclarer ne pas consommer de produits d'origine animale. Ainsi, en Europe, selon une étude de 2018 du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie pour FranceAgriMer et l'Observatoire CNIEL des habitudes alimentaires, publiée en octobre 2019, les proportions de personnes qui se déclarent véganes en France, en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni sont de 1,1 %, 1,3 %, 1,6 % et 1,5 %, mais les proportions de personnes déclarant ne pas consommer de produits animaux dans les mêmes pays sont seulement de 0,4 %, 0,6 %, 0,3 % et 0,9 %. »
L’étude en question est disponible ici.

2. Meilleure décision de sa vie, regret de ne pas l'avoir prise plus tôt et certitude du non-retour en arrière sont les 3 éléments présents dans le discours de quasiment tous les véganes.

3. Certain.e.s n'hésiteront pas à vous insulter si vous ne divorcez pas d'un conjoint consommateur de produits animaux ou si vous ne rejetez pas vos enfants psychopathes qui auraient décidé de remanger de la viande.

4. Pour ceux qui n’ont pas lu mes précédents billets, je rappelle qu'après 8 ans de végétalisme strict j’étais en bonne santé mais que je mange les œufs des poules qu’on sauve de l’abattoir depuis 5 ans (je suis donc végane mais pas végétalienne). Avant mon covid long qui va bientôt souffler ses 2 bougies, tout allait bien.

5. Et si un jour je ne peux plus m’en passer, j’espère qu’un.e végane sympa me laissera sa part.

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