Depuis l’an dernier, le 15 mars est la journée internationale de sensibilisation au Covid Long.
Pourquoi a-t-on besoin de sensibiliser, et d’abord, qu’est-ce que c’est que le Covid Long ?
Pour répondre à la première question, j’ai fait une recherche rapide sur Mediapart. Et je n’ai rien trouvé. Ou plutôt j’ai trouvé des centaines d’articles ou de billets sans rapport avec la choucroute, dans le meilleur des cas abordant le problème du covid (via l’aspect politique, sanitaire, économique ou autre), mais pas le Covid Long.
On va dire que oui, sensibiliser est nécessaire, et je ne suis pas sûre qu'une journée suffise. Je me donne tout le mois pour écrire plusieurs billets sur le sujet si mon état me le permet.
Le Covid Long, c’est quoi ?
Le Covid long n’est pas un Covid qui dure longtemps. Nous n’avons plus le Covid, nous ne sommes pas contagieux. Mais le Covid a bouleversé durablement (définitivement ?) nos vies. Nous sommes des dizaines de millions dans le monde.
En très résumé, le Covid Long (CL) désigne un ensemble de symptômes et problèmes très variés (+ de 200 répertoriés, pouvant toucher absolument tous les organes et systèmes de notre corps mais aussi de notre esprit) qui apparaissent après une infection (ou parfois un vaccin, sans vouloir lancer de polémique sur le sujet, merci d’avance) et perdurent dans le temps. Ils peuvent apparaître dès l’infection ou dans les mois qui suivent, et ne sont pas forcément liés à la gravité de l’infection en elle-même.
Avant de rentrer (peut-être) dans un prochain billet dans les détails des symptômes possibles et de leur gravité, de l’état des connaissances sur le Covid Long, de sa (non-)prise en charge par le corps médical, des pistes pour certains traitements, etc. je vous invite à plonger directement dans mon quotidien.
Pour vous donner une idée du côté roulette russe de cette maladie et en gardant à l’esprit que je suis un cas « moyen », aussi bien en terme de durée (2 ans, contre 4 ans pour certains) que de gravité (il y a nettement pire, mais aussi nettement mieux), je me suis dit qu’un « billet dont vous êtes le héros » serait approprié.
Je vous propose donc de m’incarner au cours d’une journée de mon quotidien actuel, après un peu plus de 2 ans de Covid Long. Il vous faudra un dé (le hasard joue un grand rôle dans ma vie, ou sans doute pas le hasard mais disons que ce n’est pas moi qui décide de beaucoup de choses), réel ou imaginaire, et quelques minutes de votre temps.
Pour situer le contexte, j’ai 50 ans, mon mari et moi vivons dans une ferme avec des animaux de sauvetage (projet démarré bien avant le CL, sinon nous ne l’aurions pas fait) et nous sommes musiciens tous les deux.
Précision : la douleur est toujours présente, nuit et jour, à un degré ou un autre. Si je n’en parle pas, c’est qu’elle est à son niveau minimum ou tout au moins gérable/supportable.
Vous avez votre dé ? C'est parti.
1. Vous vous réveillez sur votre canapé. Votre mari s’occupe des animaux dehors, mais vous êtes fixée du regard par des chats affamés. Pour connaître votre niveau d’énergie, lancez le dé.
5 ou 6, rdv en 2.
2, 3, 4, rdv en 3.
1, rdv en 4.
2. Vous vous sentez plutôt bien. La douleur est réduite à un murmure, vous faites vos 5 mn habituelles de cohérence cardiaque et vous commencez à établir mentalement une liste de ce que vous allez peut-être pouvoir faire aujourd’hui. D’abord petit-déjeuner des chats, puis le vôtre (avec tout un tas de suppléments, j’en reparlerai sans doute), puis yoga sur chaise (oui, ce truc pour les vieux, maintenant c’est votre bouée de sauvetage pour ne pas sombrer complètement physiquement). Vous vous levez gaillardement. Rdv en 6.
3. Vous êtes épuisée. En plus un chat a dormi sur vos jambes et vous n’arrivez plus à les bouger. Vos mains sont engourdies et douloureuses, ainsi que vos bras, comme la plupart des matins. Vous passez 1/2h à vous remettre de votre nuit avant d’arriver à vous lever… doucement. Vous zappez le petit déjeuner, pas la force ni l’envie. Quant à votre yoga sur chaise, il va se résumer à vous asseoir sur la chaise en question, prendre 3 grandes inspirations… et vous allez vous recoucher. Votre plus grande réussite jusque-là aura été d’aller aux toilettes toute seule et de remplir les bols de croquettes. Les chats sont contents, c’est déjà ça. Rdv en 5.
4. Désolée, mauvaise journée. Soit vous avez trop forcé la veille soit c’est juste pas de bol, mais vous êtes officiellement en plein crash. Douleurs, jambes et bras plombés, énergie à zéro, vertiges… Vous aurez peut-être besoin d’aide pour aller aux toilettes si vous êtes trop faible ou n’arrivez plus à marcher en ligne droite, et il ne faudra pas compter sur vous pour le reste de la journée. Votre conjoint devra tout gérer de A à Z, et les chats prendre leur mal en patience jusqu'à ce qu'il revienne.
Vous n’aurez même pas l’énergie de jouer sur votre téléphone, ou d’aller lire un article sur Mediapart. La bonne nouvelle c’est que vous êtes tellement épuisée que vous n’aurez pas non plus l’énergie de vous ennuyer. La journée s’écoule dans un brouillard physique et mental plus ou moins opaque. Pour voir ce qui vous attend demain, retournez en 1 (mais ne comptez pas sur un 6).
5. 2h plus tard vous retentez le coup. Lancez le dé.
4 ou plus, rdv en 6.
3 ou moins, rdv en 4.
6. Votre séance de 15mn de yoga est finie, vous êtes contente et vous vous sentez dynamisée. Vous hésitez : la prudence voudrait que vous vous rallongiez au moins 1/2h avant la prochaine activité. Lancez le dé.
Chiffre pair, rdv en 7.
Chiffre impair, rdv en 8.
7. Tant pis pour la prudence, vous avez envie de profiter de votre belle énergie. Vous démarrez une activité : musique, soin aux animaux, ménage ou cuisine, rédaction d’un billet de blog, interaction sociale… Lancez le dé. Rdv en 9.
8. Vous vous rallongez 1h avant de démarrer une nouvelle activité : musique, soin aux animaux, ménage ou cuisine, rédaction d’un billet de blog, interaction sociale. Lancez le dé et ajoutez 2 au chiffre obtenu. Rdv en 9.
9. 3 ou moins : vous avez été trop ambitieuse. Vous vous sentez comme un jouet à piles classiques dans les pubs pour les piles Duracell, vous ralentissez jusqu’à ne plus pouvoir rien faire pendant que le monde continue de s’agiter autour de vous. Vous vous effondrez sur le canapé. Dans le meilleur des cas, pour le reste de la journée vous arriverez à faire des micro-activités de quelques minutes d’affilée en vous reposant au moins une ou deux heures entre chaque. Vous arriverez peut-être à préparer un repas, rentrer 6 ou 7 bûches pour le feu du lendemain ou (ou exclusif) aller enfermer les poules en fin de journée. Tout le reste, c’est pour votre conjoint. Qui devra en prime vous répéter plusieurs fois la moindre info, car vous oublierez tout au fur et à mesure. Rdv en 1 pour la journée suivante.
4 ou + : bonne organisation et/ou chance, vous avez réussi à vous activer pendant 2 ou 3h en faisant seulement quelques pauses. Il est maintenant impératif de vous allonger. Rdv en 10.
10. Après votre pause, vous déjeunez. Vous êtes en forme et dehors brille un soleil radieux, bienvenu après ces dernières semaines maussades et venteuses. Après manger, vous pouvez choisir d’aller faire un tour en vélo électrique (7 ou 8 km sur du plat), vous assoir un moment au milieu des chèvres et caresser/brosser les chevaux et les ânes, ou simplement de vous assoir au soleil et de regarder les clowneries des chats, des poules et des vaches. Les trois activités seront bonnes pour votre moral, la première également bonne pour votre physique (pour entretenir la mobilité de vos jambes sans forcer, le vélo électrique est idéal : vous avez acheté un vélo d’appartement mais il vous déclenche des palpitations dès que vous en faites 1 ou 2 mn), les 2 autres pour les animaux dont vous êtes censée vous occuper. Peu importe l’activité choisie, lancez le dé et rdv en 11.
11. 5 et 6 : vous avez passé un super moment, vous vous sentez reboostée mais en même temps vous êtes fatiguée. À 14h, vous vous allongez pour une sieste, sur le lit histoire de partager un moment avec votre chéri. Mais vous vous sentez comme la Princesse avec son petit pois sous le matelas, sauf que vous soupçonnez que dans votre cas c’est tout une boîte de conserve de pois crus et cubiques qui a été répandue sur le sommier, et vous n’arrivez pas à trouver de position confortable. Juste quand vous commencez à vous sentir à peu près bien, votre mari se lève ; les petits pois en profitent sournoisement pour se déplacer et vous recommencez vos contorsions. Vous vous relèverez vers 17-18h pour rentrer du bois, nourrir les poules, les enfermer pour la nuit, nourrir le chat sauvage et les chats-dans-vos-pattes et préparer le dîner. Tout ça étalé sur 2h, entrecoupé de pauses. Vous regarderez votre série du moment avec votre conjoint (bien sûr allongée sur le canapé), puis débarrasserez la table et lancerez le lave-vaisselle avant de préparer le feu du lendemain et de vous coucher. C’était une très bonne journée. Rdv en 12.
3 et 4. Vous avez passé un super moment. À 14h vous vous allongez pour une sieste… et vous ne vous relèverez plus beaucoup. Vous arriverez peut-être à préparer un dîner rapide, mais c’est tout. Avez-vous trop forcé ou est-ce juste pas de chance mais vous n’êtes plus en état de faire grand-chose aujourd’hui. C’était une journée moyenne. Rdv en 12.
1 et 2. Problème. Vous avez dû interrompre votre activité (si vous étiez en vélo vous êtes revenue avec l’assistance électrique à fond, malgré ça vous avez eu du mal et vos jambes hurlent) et/ou un évènement inattendu s’est produit (vous avez appris une mauvaise nouvelle, ou il a fallu rattraper des animaux fugueurs, il y a eu une clôture à réparer ou un animal à soigner). Dans tous les cas vous êtes en train de crasher. Vous vous allongez pour le reste de la journée, la nuit sera très difficile et demain vous resterez couchée. Rdv en 1 pour le surlendemain, mais ne comptez pas sur un 6.
12. Vous vous couchez sur votre canapé avec des coussins sous les jambes (en souhaitant désespérément pouvoir un jour redormir dans votre lit). Lancez le dé.
1, 2. À peine couchée, vous sentez les douleurs revenir en force dans vos bras et vos jambes. Votre cœur bat très fort, vous entendez comme des coups de marteau dans les murs. Vous n’avez pas la force de vous relever pour prendre un anti-douleur, à peine celle d’éjecter le chat qui tente de se coucher sur vos jambes car vous ne supportez plus le moindre poids : même la couverture vous semble peser une tonne. Vous mettrez des heures à vous endormir. Ne comptez pas sur un 6 le lendemain matin.
3, 4. À peine couchée, vous sentez les douleurs revenir. Vous vous relevez, prenez de l’aspirine, vous recouchez et jouez à mahjong ou 2048 sur votre téléphone : l’expérience vous a appris que c’était encore le plus efficace chez vous… quand vous avez l’esprit suffisamment alerte pour ça. Au bout d’1h ou 2, les douleurs sont suffisamment calmées. Vous faites vos exercices de respiration du soir et vous vous endormez.
5, 6. Les douleurs sont raisonnables. Vous faites quelques parties de mahjong sur votre téléphone, puis vos exercices de respiration, et vous vous endormez.
Rdv en 1 pour la journée suivante.
Voilà pour une journée ordinaire.
Si j’ai prévu quelque chose de particulier (aller à un concert d’1h au bistrot culture à 5mn de chez moi par exemple), je vais me reposer ++ les 2 jours précédents, et rester couchée au moins 5 ou 6h avant l’évènement pour mettre toutes les chances de mon côté. Mais en moyenne et malgré ces précautions, une fois sur deux je ne suis pas assez en forme pour y aller.
N’hésitez pas à témoigner de votre éventuelle expérience de Covid Long (même si je ne vous le souhaite pas, évidemment) en commentaire de ce billet.
Je vous demanderai aussi de vous abstenir de conseiller tel ou tel traitement, même si vous êtes convaincus que ça peut tous nous guérir. J’ai testé 2 protocoles expérimentaux (qui ont super bien fonctionné sur certains) depuis fin janvier et ça a été catastrophique. Je suis très très loin d’être remise de mon dernier et pourtant très précautionneux essai d’il y a 9 jours (6 jours couchée sur les 9).
S'il y avait un traitement fiable actuellement pour ne serait-ce qu'améliorer notre condition on serait tous au courant, croyez-moi...