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Billet de blog 8 avril 2016

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#En marche vers un cul-de-sac

Beaucoup attendent la croissance promise, le regard posé à l’horizon, en espérant voir le ciel s’embraser. Il n’y aura probablement pas de retour de la Reine malgré les promesses de ses chevaliers.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je suis dynamique, ambitieux, polyvalent, j’ai un bon contact relationnel, un esprit d’équipe avec de nouvelles idées pour développer la structure. Regardez-moi, je vais de l’avant, j’ai de l’audace, j’ai les atouts essentiels pour être un bon leader. Moi, je suis le bon, l’unique, l’Élu dans la religion de l’entreprenariat… Oui, je suis The Chosen One, car je suis le meilleur.

Comme l’amoureux de l’entreprise, Macron a les qualités requises qu’on trouve dans toute lettre de motivation standard. On les a forcément sorties un jour au cours d’une recherche de stage ou d’un CDD potentiellement renouvelable. En nommant un ancien sujet de la banque Rothschild, on souhaitait montrer une image sympathique et innovante. Le sourire, le joli costume, les blagounettes, on liste une série d’ingrédients pour attirer une pseudo jeunesse située entre le BEP STG et l’école d’élite type HEC, voire même les petits Geeks adeptes de gadgets High Technology. Avec Macron, on montre qu’on est soucieux de l’avenir, de l’emploi, de l’économie du pays. La France entreprend, la France innove, la France se modernise et se débarrasse petit à petit de son passé social qui prend de la poussière. En s’inspirant de la Bible du Management, on incruste les valeurs et les méthodes du monde du travail au sein même du gouvernement. Les pro-Macron affirment être rassurés de voir un jeune actif au ministère de l’Économie et on rêve d’une autre ère de croissance comme une troisième « révolution industrielle », une seconde sainte trinité glorieuse. Le mouvement #En Marche naît avec un clip de campagne photoshopé tout droit sorti d’une présentation PowerPoint dans un MacBook Pro. On est à l’aube d’une nouvelle croissance qui n’arrivera jamais, la procrastination politique bénie par le Medef permet de remettre à plus tard la catastrophe qui s’annoncera tôt ou tard. En attendant, on lance des paillettes et des confettis aux yeux de jeunes ambitieux, croyant durs comme fer à l’entreprenariat et à la méritocratie.

On parle de "moderniser" la société autour d'une nouvelle gestion portée par des ambitieux en costard, le libéralisme n'est pourtant pas une une idéologie si jeune. Une partie des économistes et des spécialistes prouvent l’inefficacité de ce marché d’exploitation, que nous arrivons à une impasse sociale et économique, les alertes ne cessent de retentir autant sur le plan humain qu’écologique. Mais le plus important est de faire rentrer le pays dans le rang de la tyrannie de la majorité financière mondiale. On sauve la société en appuyant sur ses plaies. et la loi El Khomri n'en est que la continuité de la capitulation sociale. Une dernière balade à Las Vegas pendant que le temps étiré s’accorde avec la hauteur de notre chute.

Je n’ai pas le savoir suprême. Peut-être que le dynamisme de Macron incarné dans les manuels aux sourires de couverture Émail Diamant propulsera le pays comme par magie dans les lumières du bonheur et de la joie sous les feux d’artifice de la consommation. Les gens auront enfin le plaisir d’avoir un compte en banque rempli d’euros à dépenser pendant leur pause déjeuner. Après le libéralisme défaillant et l'austérité, je vous propose un autre capitalisme vertueux. Cette fois, c’est la bonne, concitoyens, ce sera la bonne, et vous aurez une grande partie du gâteau.

On en arrive pourtant à bout, et certains commencent à se rendre à l’évidence. Non, la croissance n’arrivera pas car le marché de la production mythiquement perpétuelle arrive à saturation, conduisant à la désertion des propositions d'emploi. L’insatisfaction éternelle des gourmands de la finance, à l’image du Sans-Visage du « Voyage de Chihiro » de Miyazaki, vida les ressources à la fois humaines et terrestres et #En marche n’est qu’un coup d’accélérateur tout droit dirigé vers une falaise où nous sommes assis en premier sur la place du mort.

Alors qu’une partie de la jeunesse « dynamique » visionne les vidéos « instagramées » de Macron en se persuadant que la Fortune tournera cette fois en leur faveur, une autre innovation se pointe de l’autre côté de l’horizon. On entend d’étranges échos dans les universités, les salles de colloque, résonnant dans quelques grandes places de grandes villes françaises, peut-être bientôt à l’échelle européenne. De nouvelles pensées fleurissent autour d’un nouveau système économique, d’un nouveau visage du monde du travail, d’une nouvelle ère qui rejette les livres sacrées de la réussite professionnelle basée sur l’exploitation et l’aliénation de la personne. Le salariat est mis à nu sur la place publique passé pourtant sous silence dans les couloirs de Bercy. Ceux des universités annoncent une révolution en marche, et bien que la contestation soit fragile et pour l’instant hétérogène, on ne peut nier un début de rejet, de plus en plus important et assumé, du monde du travail actuel reposé sur un pouvoir vertical. Néanmoins, on peut donner raison à Macron sur un point: prendre des initiatives et ne pas attendre l'état pour qu'il le fasse pour nous.

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