Je suis actuellement secrétaire aux Droits de l'Homme de la fédération d'Indre et Loire du Parti Socialiste
J'ai été jusqu'en juin 2004 directrice de l'école maternelle Clérancerie à Blois
Enfin,je suis la co fondatrice de l'Association Recherches et Etudes de la Shoah en Val de Loire (AREHSVAL)
C'est à ce titre que j'ai été amenée à consulter de nombreuses liasses d'archives au AD du Loir et Cher.
C'est là ( AD41 1375W86 ) que j'ai pu prendre connaissance de la circulaire (n°8,181,43)signée du directeur de cabinet du chef du Commissariat Général aux Questions Juives,Joseph Antignac envoyée le 5 avril 1943 au Préfet de Loir et Cher.
Objet de cette circulaire:
« Demande de renseignements sur les effectifs de la population scolaire juive »,elle exige des relevés non nominatifs des écoles primaires de garçons et de filles inscrits en 1942-1943.Idem pour les cours complémentaires,les écoles primaires supérieures du département ,sans oublier la liste avec noms et adresses cette fois des personnels enseignants juifs révoqués en décembre 1940 à la suite de la promulgation du statut des juifs du 3 octobre 1940.
Circulaire transmise à l'Inspection académique qui répond le 23 mai 1943 après enquête pressante auprès des maires, en donnant précisément la liste des écoles concernées.
A cette période,29 enfants juifs du Loir et Cher ont déjà été arrêtés et déportés vers Auschwitz-Birkenau ou Sobibor.
A la suite de cette enquête la plupart des enfants concernés sont protégés dans les communes par des gens ordinaires et courageux mais le 24 février 1944,les 3 enfants signalés à St Dyé sur Loire sont arrêtés avec leur mère Ida Lévy âgée de 33 ans; Renée(9 ans), Albert(8 ans ) et Clément ( 4 ans) sont transférés par les gendarmes français à Drancy puis déportés vers Birkenau dans le convoi 70 ,là-bas,ils sont tous les 4 gazés dès l'arrivée.
On se demande quel trouble avait pu envahir la conscience des fonctionnaires de l'Etat Français qui avaient transmis ces renseignements à une époque où nul n'ignorait le triste sort réservé aux juifs même si les modalités de leur destruction n'était pas connues de tous.
Ils ont obéi car il y avait eu des lois successives qui banalisaient la dicrimination. Ils ont obéi car ces lois venaient de loin.
Elles avaient d'abord, dès 1938 (decret du 2 mai puis du 12 novembre)c'est à dire dès la fin de la III° République discriminé les étrangers de plus en plus durement ( assignation à résidence puis internement administratif )
Il y eut le basculement de juillet 1940 vers l'Etat Français dirigé par le maréchal Pétain dans les circonstances de la défaite militaire contre le III°Reich et l'occupation nazie et l'installation du régime de Vichy et ses lois-oui des lois-antisémites.
De même lorsqu'on a devant les yeux la couverture du mémorial des enfants de Serge Klarsfeld,on ne peut qu'être frappée par son illustration:celle d'une carte d'identité établie à Tours le 4 décembre 1940 au nom de la petite Annie Horowitz âgée de 7 ans ,marquée des deux tampons rouges: JUIVE en gros caractères et en plus petit: étranger surveillé....
A 7 ans,quel danger pouvait bien représenter cette enfant?
Il y a aux AD de l'Indre et Loire des dizaines de cartes de ce type.
Là encore,que pouvaient bien penser les fonctionnaires préfectoraux qui apposaient de telles marques d'infamie sur les papiers de personnes totalement innocentes?
En décembre 1940,la destruction systématique et industrielle des juifs d'Europe n'étaient pas commencée,mais leur discrimination,leur appauvrissement engendré par les multiples interdictions qui les frappaient au nom de la loi;leur fichage surtout,recensements divers,déclarations enregistrées les rendaient de plus en plus vulnérables.
Nous ne sommes pas ,c'est évident dans ces circonstances:les persécutés d'aujourd'hui peuvent se défendre grâce à l'action de militants comme ceux qui se trouvent accusés aujourd'hui.
Et surtout les victimes ne sont pas envoyées vers la destruction industrielle comme les victimes de cette noire période.
Mais il ne faut pas mettre le doigt dans un engrenage de lois discriminatoires chaque jour un peu plus dures.
Nul ne connaît l'avenir,mais instruits que nous le sommes du passé, nous devons dire stop quand nous le pouvons et nous interroger avec l'historien Marc Olivier Baruch dans « Servir l'Etat Français entre 1940et 1944 »Fayard 1997 ces questions essentielles:
Jusqu'où obéir?
Qu'est ce que servir et pour qui le faire? »
J'atteste finalement que je participe activement aux actions de solidarité envers toutes les personnes persécutées sous quelque forme que ce soit et que je suis solidaire des quatre inculpés.
Yvette Ferrand 5/04/2011 procès des 4 de Tours