"L’heure de religion" de Davide Carnevali, pièce traduite de l’italien par Caroline Michel
Nous sommes dans un décor minimal et miniature, à l’image de la taille exceptionnellement concise de l’œuvre elle-même : une salle de classe exigüe où ne rentre qu’un seul bureau aux chaises solidarisées, contraignant les deux élèves à supporter la présence de l’autre à ses côtés. Nous sommes dans un cours de religion où les deux élèves ont pour devoir de dessiner leur maison et leur famille. L’un est israélien et l’autre palestinien. Le troisième personnage étant la maitresse d’école, qui s’avèrera être également la mère de l’enfant israélien.
D’entrée de jeu, la mésentente éclate. D’un conflit qui paraît de prime abord anodin et léger, comme celui que peuvent se livrer quotidiennement les enfants à l’école, Davide Carnevali déplace progressivement son propos vers la question de l’intolérance, de la différence de race, de religion, du territoire, laissant émerger entre les insultes et les mots enfantins des allusions directes à la question du conflit israëlo-palestinien, mais d’une façon plus large et générale, purement et simplement, à la question de la guerre. Il nous livre un écho des conflits humains engendrés par la revendication du territoire et la croyance religieuse dans le propre Dieu de chacun. Dans l’infiniment petit, la source éternelle des guerres entre des hommes, si proches par ailleurs, se révèle avec une apparente simplicité.
La croyance de l’un devient le mensonge de l’autre et inversement. La pièce ouvre sur des interrogations philosophiques : la religion en elle même est-elle une vérité ? Et si oui, alors quelle religion serait plus vraie que les autres ? Ou bien à l’inverse, la religion ne serait–elle pas l’un des plus grands mensonges de tous les temps ?La profondeur de pensée de l’écriture de Carnevali ne se livre pas au premier abord, tant les dialogues sont simples et économes. Ce sont des enfants qui portent en eux ces conflits. Ils incarnent la répétition, l’intemporel, mais pourraient être interprétés à la scène par des acteurs adultes. Ce texte théâtral à la brièveté spectaculaire, porte en lui toutes les qualités de l’écriture de Davide Carnevali : d’un sujet grave et douloureux, l’auteur fait acte d’humour et de questionnement avant tout. Il nous dérange tout en nous faisant rire, comme par exemple ici lorsqu’un pet d’enfant se fait l’écho d’une arme chimique. La grande et la petite histoire finissent par se rencontrer, s’interpénétrer, pour se nourrir et se questionner l’une l’autre. Carnevali nous rappelle ici que l’essence de toute guerre est en germe dans l’histoire originelle de chacun.