À chaque rentrée, le même scénario se rejoue : des fermetures de classes décidées en haut lieu, au nom de l’optimisation des moyens, de la démographie, de la rationalisation. Derrière ces termes technocratiques, ce sont pourtant des enfants qu’on entasse, des enseignants qu’on surcharge, des villages qu’on abandonne, et un principe républicain qu’on érode : l’égalité d’accès à une éducation de qualité.
En multipliant les fermetures de classes, on fait entrer l’école dans la logique comptable de l’hôpital public, celle du « toujours moins » jusqu’à l’asphyxie. Une classe qui ferme, ce n’est pas seulement quelques mètres carrés de moins : c’est une attention qui se disperse, un lien pédagogique qui s’effiloche, une fatigue qui gagne, un climat qui se tend.
Une logique de gestion, pas d’éducation
Ce que révèlent ces fermetures, c’est une école de plus en plus gérée comme une entreprise, où l'on parle de "coût par élève", "effectifs seuils" et "taux de rendement", au mépris des réalités humaines et sociales. Dans les territoires ruraux, cette saignée s’apparente à une lente désertification scolaire. Dans les zones urbaines fragiles, elle aggrave les inégalités : classes surchargées, climat scolaire dégradé, enseignants à bout de souffle.
On nous répète que les effectifs baissent. Mais l’enjeu n’est pas de faire des économies sur le dos des élèves. L’enjeu est de réduire les inégalités, de donner plus à ceux qui ont moins. À quoi bon brandir la promesse de l’école inclusive, si l’on supprime les conditions concrètes de l’inclusion ?
Résister pour éduquer
Parents, élus, enseignants : partout en France, la résistance s’organise. Des banderoles aux pétitions, des courriers aux occupations symboliques, la communauté éducative dit non à cette école sous tension permanente. Elle rappelle une évidence : on n’enseigne pas mieux à 30 qu’à 22, on n’accompagne pas mieux quand on est épuisé, on ne construit pas une école de la confiance dans la défiance et la précarité.
L’école n’est pas un centre de coûts. Elle est le cœur battant d’un avenir commun. La fermer, classe après classe, c’est rétrécir le champ des possibles pour toute une génération.
Meryam ENNOUAMANE JOUALI