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Meryam ENNOUAMANE JOUALI

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Billet de blog 3 juin 2025

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Quand un élève avec la Tourette change votre façon d’enseigner

Enseigner à un élève atteint du syndrome de Gilles de la Tourette m’a appris à adapter, écouter et accueillir autrement. Ce témoignage partage des clés simples pour une inclusion réelle en classe.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J’ai enseigné à un élève qui présentait tous les symptômes du syndrome de Gilles de la Tourette. Ce fut une expérience exigeante, mais profondément humaine. Voici les quelques principes et ajustements que j’ai mis en place et que je partage ici, pour qu’ils servent, peut-être, à d’autres enseignant·es ou familles.

1. Ne jamais sanctionner ce qu’il ne contrôle pas

Les tics — moteurs ou vocaux — n’étaient pas une provocation, encore moins une insulte. Ils surgissaient de manière imprévisible, parfois au milieu d’un cours magistral ou d’un silence. J’ai rapidement compris que la posture d’autorité devait ici céder la place à une posture de compréhension. Aucune sanction, mais un cadre souple et explicite.

2. Expliquer à la classe, avec son accord

Un moment d’échange simple, humain, sans pathos. Expliquer les tics, rappeler que ce n’est pas "pour embêter", permet de désamorcer les moqueries, les malaises et d’instaurer un climat d’inclusion. Après cet échange, j’ai vu mes élèves se transformer en gardiens silencieux de cette bienveillance collective. Certains allaient jusqu’à détourner l’attention ou faire rire pour apaiser les tensions.

3. Adapter sans exclure

Je l’ai installé dans un endroit discret mais jamais isolé. Il savait qu’il pouvait sortir discrètement quelques minutes si un tic devenait trop fort ou gênant pour lui. Je ne lui demandais pas de justification. Cette liberté conditionnelle était en réalité une forme de sécurité intérieure.

4. Alléger la charge écrite, proposer des alternatives

Ses tics moteurs rendaient l’écriture longue et douloureuse. J’ai accepté qu’il utilise un ordinateur. Les évaluations ont été revues : certaines passées à l’oral, d’autres en QCM. L’essentiel était d’évaluer ses compétences, pas sa capacité à "tenir la ligne".

5. Valoriser ce qu’il est, pas ce qu’il fait

Ce trouble neurologique ne disait rien de son intelligence ni de sa sensibilité. Il avait besoin d’être regardé autrement que par le prisme de sa différence. J’ai veillé à souligner ses points forts, à lui confier des responsabilités, à l’impliquer dans des projets créatifs. Cela l’aidait à restaurer l’image qu’il avait de lui-même.

6. Travailler en équipe, avec la famille et les pros

Nous avons mis en place un dialogue constant entre l’équipe éducative, la famille, l’infirmière scolaire et l’AESH. Un Plan d’Accompagnement Individualisé a permis de stabiliser un cadre rassurant. Ensemble, nous avons cherché, ajusté, réévalué.

7. Accueillir l’imprévu avec souplesse

Chaque jour ne se ressemblait pas. Certains matins étaient plus lourds que d'autres, et il fallait accepter de lâcher prise. L’essentiel n’était pas la leçon finie, mais la relation sauvegardée.

En conclusion

J’ai appris, grâce à lui, à enseigner autrement. Plus en nuance. Plus à l’écoute. Ce genre de rencontre rappelle que l’école n’est pas qu’un lieu de savoirs, mais aussi un lieu de soins — pas au sens médical, mais humain. On y apprend, on s’y répare aussi un peu.

Et parfois, ce sont les élèves dits "à besoins particuliers" qui nous enseignent le plus.

Pour aller plus loin :

---> Découvrez mon ouvrage « Agir pour l’inclusion » – un guide pratique et sensible pour enseignants, éducateurs et familles. 

Meryam ENNOUAMANE JOUALI 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.