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Billet de blog 3 juillet 2025

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Vers une éducation populiste ?

Une dérive silencieuse mais structurée.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans un contexte de recomposition politique et sociale marqué par la montée des populismes, la question d’un glissement de l’école publique vers un modèle éducatif populiste n’est plus marginale. Loin d’être une simple provocation intellectuelle, elle renvoie à des mutations tangibles dans les logiques de pilotage, les finalités de l’enseignement et la place faite aux différents acteurs éducatifs. L’analyse proposée par Stéphane Germain, relayée dans le Café pédagogique, identifie cinq marqueurs caractéristiques d’une telle bascule. Chacun mérite un examen attentif.

1. Le retour aux fondamentaux, présenté comme une priorité politique, repose souvent sur un discours simplificateur qui privilégie la technicité (grammaire, calcul, dictée) au détriment de la pensée critique, de la créativité et de la complexité du réel. Ce recentrage, sous couvert d'efficacité, gomme les enjeux socio-politiques de l'éducation et transforme l'école en machine à trier, non à émanciper.

2. La compétition érigée en norme redéfinit l’échec comme responsabilité individuelle. Cette vision minore les déterminismes sociaux, invalide toute réflexion sur l’égalité des chances et légitime une forme de darwinisme scolaire. Dans ce paradigme, la solidarité devient suspecte, l'entraide contre-productive.

3. La délégitimation des enseignants se manifeste par une perte d’autonomie professionnelle, une surcharge normative et une méfiance institutionnalisée. Le métier d’enseignant, longtemps fondé sur la liberté pédagogique et la réflexivité, est de plus en plus réduit à une fonction d'exécution.

4. La centralisation autoritaire renforce une gouvernance verticale : injonctions ministérielles, protocoles standardisés, dispositifs imposés sans concertation, évaluation permanente. L’école devient un champ d’expérimentation politique où la performance prime sur le sens.

5. La marchandisation rampante de l’éducation, avec la montée en puissance d’acteurs privés (start-ups éducatives, coaching scolaire, sous-traitance de la remédiation) installe un dualisme inquiétant entre un public dévalorisé et un privé promu comme garant d’excellence.

Le cas de la Hongrie est présenté comme archétypal, mais des formes atténuées de ce modèle sont à l’œuvre ailleurs, y compris en France. Ce populisme éducatif ne prend pas toujours la forme d’un discours agressif. Il agit par capillarité, via une rhétorique de bon sens, une communication rodée et une instrumentalisation de l’« efficacité » pour marginaliser toute critique.

Or, penser l’éducation sous un prisme populiste revient à trahir son essence : l’école n’est pas un outil d’adhésion idéologique, mais un lieu de formation de la pensée, de pluralité et de justice sociale. Face à ces dérives, il est essentiel de réaffirmer les fondements d’une école démocratique : autonomie professionnelle, pluralisme pédagogique, co-construction avec les acteurs de terrain, et surtout, une vision inclusive et humaniste de l’élève.

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