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Meryam ENNOUAMANE JOUALI

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Billet de blog 4 juin 2025

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Lettre ouverte à ma France

Ma France que je ne reconnais plus. Fille de la République, mère d’enfants français, enseignante en zone d’ombre, citoyenne à cœur ouvert. Cette lettre ouverte est pour toi : MA DOUCE FRANCE

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je t’écris aujourd’hui, ma France, le cœur lourd. Non pas pour te glorifier ou te maudire, mais parce que j’étouffe.

Tu étais, pour moi, ce souffle libre gravé en 1789, quand des hommes et des femmes ont dressé la parole contre les chaînes. Tu étais le chant d’une Jeanne debout face à l’envahisseur. Tu étais Marianne, les pieds dans la boue mais la tête haute, un sein nu contre la tyrannie, portant l’espoir d’un peuple.

Mais aujourd’hui, où es-tu, ma France ?

🕯️ Liberté. Égalité. Fraternité.

Trois mots que tu continues d’imprimer sur les frontons de tes écoles, pendant que tu piétines leur sens.

Liberté ? Quand tu bâillonnes les voix qui dérangent, que tu surveilles, fiches, et exclus. Quand l’opinion devient suspecte.

Égalité ? Quand ton école trie, exclut, écrase dès la maternelle. Quand les pauvres paient plus cher d’être pauvres, et que les enfants des quartiers grandissent avec des rêves en papier.

Fraternité ? Quand tu laisses des corps dans la Méditerranée et que tu fermes tes portes à ceux qui fuient l’horreur. Quand ton silence face à l’injustice devient complice.

Je n’ai pas honte d’être née ici. Mais j’ai honte de ce que tu es devenue.

Honte de ce que tu fais à tes soignants. À tes enseignants. À tes agriculteurs. À tes jeunes.

Honte de voir des mamans pleurer dans les préfectures.

Honte de voir des étudiants faire la queue pour manger.

Honte de te voir gouvernée par la peur, la division, le mépris.

Tu es devenue un pays qui humilie ceux qui l’aiment, et qui flatte ceux qui le déchirent.

💔 Le monde part en vrille, et toi tu regardes ailleurs

Tu étais censée éclairer le monde. Aujourd’hui, tu trembles devant ta propre ombre.

Tu étais censée élever les consciences. Tu les abrutis à coups de débats stériles.

Tu étais censée protéger tes enfants. Tu les abandonnes à l’angoisse, à la violence, à l’indifférence.

Je te regarde et je ne te reconnais plus.

Tu ne parles plus que d’identité, mais tu as perdu ton âme.

Tu cherches des coupables quand tu devrais chercher des solutions.

Tu fabriques des bulletins de vote remplis de colère, parce que tu refuses d’écouter les cris.

Mais les cris deviennent tempête.

✊🏽 Je t’aime encore, c’est pour ça que je te parle

Je ne t’écris pas pour t’enterrer. Je t’écris pour te réveiller.

Parce que malgré tout, je t’aime encore.

Parce que j’ai vu, dans tes quartiers abandonnés, la solidarité renaître des cendres.

Parce que j’ai vu, dans tes écoles fatiguées, des profs debout sans moyens mais pleins d’amour.

Parce que j’ai vu, dans tes rues, des femmes voilées porter des sacs de dons pour des inconnus.

Parce que j’ai vu, dans les yeux d’un enfant, la France que tu pourrais redevenir.

La France qui tend la main.

La France qui se lève.

La France qui n’a pas peur d’être juste, même quand c’est difficile.

🌹 Rappelle-toi qui tu es, France.

Tu n’es pas cette armure froide de statistiques et de slogans.

Tu es un peuple, une mémoire, un chant.

Tu es la caresse d’un poème, la rage d’un peuple en marche, la douceur d’un vieux dictionnaire ouvert sur un banc.

Tu es l’enfant d’un ouvrier kabyle, la fille d’un cordonnier breton, la prof de ZEP, le boulanger, la femme qui s’habille comme elle veut, le migrant qui recommence à zéro.

Tu es nous tous, ou tu n’es plus rien.

Alors écoute ton peuple. Rallume ta flamme.

Et si tu ne le fais pas, nous le ferons sans toi.

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