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Meryam ENNOUAMANE JOUALI

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Billet de blog 15 juin 2025

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Former à l’empathie : un enjeu structurel pour les personnels de vie scolaire

On exige des AED qu’ils fassent preuve de bienveillance, mais sans leur donner les clés de l’empathie. Pourtant, cette compétence relationnelle est indispensable à leur rôle éducatif et au bon climat scolaire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans les débats contemporains autour de la bienveillance éducative, l’attention portée aux personnels de vie scolaire, notamment les assistants d’éducation (AED), reste marginale. Pourtant, leur rôle est central dans la régulation du climat scolaire, la prévention des conflits et l’accompagnement quotidien des élèves. Si la bienveillance est souvent invoquée comme une posture attendue, voire une qualité inhérente à la fonction, elle ne peut se suffire à elle-même sans être adossée à une compétence essentielle, mais largement négligée dans les formations : l’empathie.

De la bienveillance déclarative à l’intelligence relationnelle

La bienveillance, dans ses usages institutionnels, tend à s’installer comme norme morale. Elle est prescrite, attendue, invoquée. Mais elle reste floue, sujette à des interprétations multiples, et peut conduire à des dérives compassionnelles ou à une forme de déni des tensions sociales, culturelles et psychiques qui traversent les établissements. À l’inverse, l’empathie constitue une compétence socio-affective mobilisable, déclinable et objectivable dans des situations éducatives concrètes.

Être empathique, ce n’est pas être dans l’émotion partagée ou la gentillesse systématique : c’est être en mesure de percevoir, reconnaître et comprendre les états émotionnels d’autrui, sans nécessairement les éprouver. Cela suppose un cadre éthique, une posture réflexive, et des outils d’analyse des interactions.

Le paradoxe de l’invisibilité

Les AED sont souvent les premiers à percevoir les signaux faibles : un changement d’attitude, un retrait, une agressivité inhabituelle. Ils sont aussi les premiers interlocuteurs dans les temps de vie informels, entre deux cours, lors des pauses, dans les moments de tension ou de crise. Pourtant, leur formation initiale ne prévoit que rarement une approche approfondie de la relation éducative, et encore moins une formation spécifique à l’intelligence émotionnelle.

Ce décalage entre les exigences implicites du métier et l’absence de formation formelle crée un paradoxe : on attend des AED qu’ils incarnent une présence éducative, sans leur donner les moyens d’en comprendre les fondements psychiques et relationnels.

L’urgence d’une politique de formation ciblée

L’introduction de modules de formation à l’écoute active, à la médiation, à la gestion des émotions, et plus largement à la communication empathique, doit être pensée comme un levier de transformation du climat scolaire, mais aussi comme un facteur de prévention de l’épuisement professionnel.

Une école véritablement inclusive ne peut reposer sur les seuls principes de tolérance ou d’accueil. Elle doit s’appuyer sur des compétences relationnelles maîtrisées et reconnues, y compris chez les personnels les plus précaires ou invisibilisés du système éducatif.

Il est temps de cesser de confondre l’injonction à la bienveillance avec un savoir-être inné. L’empathie est une compétence professionnelle. Elle s’enseigne, se cultive, se perfectionne. La négliger, c’est condamner les acteurs de terrain à improviser dans l’urgence, au risque de l’erreur, de l’injustice ou du repli.

Meryam ENNOUAMANE JOUALI 

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