Ce matin, au lycée professionnel Rebberg de Mulhouse, nous avons eu la chance de vivre un moment de formation hors du commun. À l’initiative des inspecteurs Martin Fugler et Anne Wohnass, que je remercie chaleureusement, des intervenants de la ludothèque de Wittenheim nous ont fait découvrir les richesses pédagogiques et humaines des jeux de société.
Bien plus qu’un simple outil de divertissement, le jeu s’est imposé comme un vecteur d’apprentissage, de remobilisation et d’inclusion, particulièrement adapté à nos élèves de lycée professionnel.
Le jeu, un outil pédagogique à part entière
En jouant nous-mêmes, nous avons ressenti à quel point le jeu peut recréer du lien, de l’intérêt, du sens. Grâce à des mécaniques précises et des objectifs clairs, les jeux permettent de ramener les élèves vers la règle non comme contrainte, mais comme structure sécurisante.
Le jeu de société rend visible les apprentissages, stimule la pensée, favorise les interactions positives, et permet une expérimentation concrète de la citoyenneté scolaire (écoute, tour de parole, respect des consignes, gestion des conflits…).
Quels objectifs peut-on viser ?
Pédagogiques : lecture de consignes, logique, stratégie, expression orale, argumentation, mémoire…
Éducatifs : développement du respect, de la persévérance, de l’attention, de la gestion de l’échec…
Psychosociaux : confiance en soi, intégration du groupe, expression des émotions, régulation des comportements. Selon les jeux, on peut travailler en mode individuel, collaboratif ou coopératif, en favorisant tantôt la prise d’autonomie, tantôt la construction du collectif.
Et l’évaluation dans tout ça ?
Évaluer par le jeu ne signifie pas simplement "noter une partie réussie". Cela suppose de changer de regard sur l’évaluation :
On peut observer des comportements, des attitudes, des stratégies, des interactions.
Voici quelques pistes concrètes :
Observer les compétences transversales : prise d’initiative, respect des règles, persévérance, coopération, écoute.
Faire verbaliser les stratégies : à la fin d’un jeu, faire expliquer les choix, les erreurs, les ajustements.
Travailler l’autoévaluation et la métacognition : "Comment ai-je géré ma frustration ? Qu’est-ce que j’ai appris sur moi ?"
Adapter les critères d’évaluation : au lieu de noter un résultat, évaluer un processus : progression dans le respect des règles, qualité des interactions, compréhension des mécaniques de jeu…
Le jeu devient alors un espace d'observation authentique, et l’élève, acteur de sa propre évaluation, parfois sans s’en rendre compte. C’est une approche particulièrement précieuse pour les élèves en difficulté avec les formats traditionnels, qui peuvent y trouver une nouvelle voie de valorisation.
Une piste sérieuse pour l’école inclusive
Dans nos établissements, en particulier en lycée pro, nous faisons face à des ruptures de sens, des difficultés d’adhésion au cadre scolaire, des parcours cabossés. Le jeu peut être ce moment de respiration, cette entrée alternative qui réconcilie l’élève avec l’idée même d’apprendre.
Il favorise aussi une forme d’évaluation bienveillante, continue, centrée sur les compétences réelles, les progrès concrets, et non uniquement sur les résultats normés.
Conclusion
Cette matinée a été bien plus qu’une initiation au jeu : elle a ouvert des perspectives éducatives puissantes. Elle nous a rappelé que l’on peut travailler sérieusement sans se prendre au sérieux, et que le plaisir n’est pas l’ennemi de l’exigence. Un immense merci aux intervenants de la ludothèque de Wittenheim pour leur générosité, leur passion et leur transmission. Merci aussi à Martin Fugler et Anne Wohnass, pour leur présence bienveillante et leur confiance dans notre capacité à innover.Enseigner autrement, évaluer différemment, inclure chacun : et si le jeu était l’une des clefs ?
Meryam ENNOUAMANE JOUALI

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