Je m’en souviens comme si c’était hier.
Un élève de CP, tout juste sorti de la maternelle, fier comme un roi de me montrer son tout nouveau téléphone. Un smartphone dernier cri. Dans ses petites mains, l’objet semblait immense. Il habitait pourtant… juste en face de l’école.
Pourquoi un enfant si jeune aurait-il besoin d’un téléphone ? Pourquoi cette urgence de connexion alors que les bancs de l’école devraient encore résonner des bruits de billes, de crayons et de rires ?
À 6 ans, il connaissait déjà mieux YouTube que l’alphabet. À 6 ans, il avait des "followers" mais peinait à suivre une consigne de deux lignes. À 6 ans, il scrollait… mais ne savait pas encore lire l’heure.
Ce n’est pas une anecdote isolée. C’est un symptôme.
Celui d’une époque où l’écran devient tétine numérique. Où l’instantanéité remplace l’attention. Où les notifications prennent le pas sur l’éducation.
À l’école, le téléphone portable est devenu le fil invisible qui relie l’enfant au monde… mais le détache du présent.
Certains élèves n’écoutent plus leur professeur, ils attendent leur prochaine vibration. D’autres photographient leur solitude pour en faire des stories.
Et nous, les adultes, que faisons-nous ? Nous débattons. Nous légiférons. Nous hésitons.
Mais le temps presse.
L’école doit rester un sanctuaire. Un espace d’apprentissage, de lenteur, de lien humain.
Un lieu où l’on apprend à parler avant de poster. À réfléchir avant de cliquer.
À se construire… loin des écrans.
Il est temps de remettre le téléphone à sa place : celle d’un outil, pas d’un prolongement de soi. Et de redonner à l’école sa pleine fonction : celle de former des esprits libres, attentifs, critiques, présents.
Il avait 6 ans. Aujourd’hui, il en a peut-être 12.
Je me demande : est-ce qu’il joue encore au ballon ? Ou est-ce qu’il compte les likes ?